Le 23 janvier dernier, Olivier Schrameck a été désigné, par le Président de la République, au poste de président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en remplacement de Michel Boyon.
Avant son départ, Michel Boyon a tenu un dernier discours, où il s’est exprimé sur la régulation des contenus audiovisuels sur internet. Comme le rapporte La Correspondance de la Presse, M. Boyon estime « qu’il est impossible (ndlr : le CSA) que nous ne répondions pas à un souhait croissant des opinions publiques française et européenne, qui aspirent à une régulation des contenus audiovisuels privés sur internet »,
Interrogé par les journalistes de PC-INpact, le CSA précise que Michel Boyon visait les “contenus individuels non commerciaux”, comme les vidéos de particuliers “en libre accès sur YouTube”.
Le CSA, qui a uniquement pour mission de réguler les contenus diffusés par les chaînes de télévision et les stations de radio, émet donc le souhait d’avoir la possibilité de réguler les contenus créés et diffusés par le public lui-même.
Le CSA, en charge d’Internet ? L’idée est loin d’être nouvelle.
Face à la convergence des médias, la volonté d’extension de la compétence du CSA aux contenus audiovisuels en ligne remonte à 2008, année où le député UMP Frédéric Lefebvre avait déposé un amendement qui aurait donné au CSA un pouvoir de contrôle sur DailyMotion et YouTube.
Cet amendement ayant été rejeté, le CSA dispose toutefois depuis février 2012 d’un pouvoir de régulation sur Internet. En effet le conseil a la charge de réguler la diffusion des extraits sportifs, notamment en ligne. Le CSA a donc d’ores et déjà avancé ses pions pour réguler des contenus sur Internet.
En avril 2012, l’ancien président du CSA avait d’ailleurs déjà averti « qu’on ne pourra pas indéfiniment faire coexister un secteur régulé, celui de l’audiovisuel, et un secteur non régulé, celui d’Internet ».
Tout récemment, le CSA a lancé sa campagne de spots télévisuels, demandant aux parents d’être “tous responsables face aux écrans“. Via cette campagne, le CSA n’a pas hésité à englober la sphère d’Internet, et celle des jeux vidéo qui ne font pourtant pas partie de son champ de compétence initial.
Enfin, rappelons que dans sa contribution à la réflexion sur l’évolution de la régulation de l’audiovisuel et des communications électroniques, publiée en novembre 2012, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a fait savoir qu’il était d’accord pour fusionner avec l’ARCEP, à condition que l’entité nouvelle dispose de pouvoirs de régulation des contenus audiovisuels sur Internet.
Pourtant une régulation des contenus sur Internet par le CSA est mal accueillie par les associations de défense des libertés numériques. A ce titre, Jérémie Zimmermann, cofondateur de la Quadrature du Net estimait en août 2012 que « publier des contenus sur Internet représente la liberté d’expression et la participation démocratique de chacun. Imposer qu’Internet soit régulé comme la télévision est un pas de plus vers un contrôle administratif du Réseau et vers une censure des communications »
Outre ces considérations de régulation, les objectifs politiques sont aussi nombreux : la volonté exprimée par le CSA de réguler les contenus sur Internet peut s’expliquer par le basculement de la télévision vers Internet et accessoirement par le besoin de trouver de nouveaux terrains de régulation pour ces différents acteurs.
Reste maintenant à voir si Olivier Schrameck, qui a succédé à Michel Boyon partagera son avis. Auditionné par les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat en vue de sa nomination définitive, le nouveau président du CSA est resté très évasif sur la question de la régulation de l’ensemble des contenus audiovisuels sur Internet, il a déclaré à cet égard que « le cadre juridique est contraint, le cadre technique est difficile, la volonté de ma part est grande »
Cela signifie-t-il que M. Schrameck, tout comme son prédécesseur est favorable à la régulation de tous les contenus audiovisuels ? Difficile de l’affirmer.
Sources :
ANONYME, «Le CSA veut étendre sa juridiction à YouTube et Dailymotion», lemonde.fr, mis en ligne le 06 juin 2012, consulté le 19 janvier 2013, disponible sur http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/06/06/le-csa-veut-etendre-sa-juridiction-a-youtube-et-dailymotion_1713383_651865.html
ANONYME, « Auditions d’Olivier Schrameck : un bon président pour le CSA ?», Jurist4medias, mis en ligne le 25 janvier 2013, consulté le 25 janvier 2013, disponible sur http://www.jurist4medias.fr/2013/01/25/auditions-dolivier-schrameck-un-bon-president-pour-le-csa/
BERNE X., «Quand le CSA rêve réguler les vidéos en ligne non commerciales», PCimpact.com, mis en ligne le 18 janvier 2013, consulté le 19 janvier 2013, disponible sur http://www.pcinpact.com/news/76829-quand-csa-reve-dune-regulation-contenus-audiovisuels-prives-net.htm
CHAMPEAU G., « Le CSA va réguler la diffusion du sport sur Internet», Numerama.com, mis en ligne le 16 avril 2012, consulté le 15 janvier 2013, disponible sur http://www.numerama.com/magazine/22330-le-csa-va-reguler-la-diffusion-du-sport-sur-internet.html
CHAMPEAU G., « Le CSA veut réguler VOS vidéos personnelles», Numerama.com, mis en ligne le 18 janvier 2013, consulté le 18 janvier 2013, disponible sur http://www.numerama.com/magazine/24825-le-csa-veut-reguler-vos-videos-personnelles.html
REES M., «Le CSA et la régulation des extraits en ligne : le sport, mais pas seulement», PCimpact.com, mis en ligne le 18 avril 2012, consulté le 15 janvier 2013, disponible sur http://www.pcinpact.com/news/70302-csa-extraits-evenements-internet-regulation.htm