Le 21 janvier 2013, c’était le Martin Luther King Day aux Etats-Unis. Fervent défenseur des droits civiques et porteur d’un espoir d’égalité, il fut notamment lauréat du Prix Nobel de la paix pour sa lutte non violente contre la ségrégation raciale et pour la paix. Son discours, « I have a dream », prononcé le 28 août 1963 sur les marches du Lincoln Memorial à Washington, a été diffusé depuis lors un nombre de fois incalculables et reste un symbole pour un grand nombre de gens.
Un des discours les plus marquants du 20ème siècle touché par le droit d’auteur
Martin Luther King avait fait son discours publiquement devant un large auditoire et retransmis à la télévision. Ce n’est qu’un mois plus tard qu’il en avait enregistré le droit d’auteur, car cela était exigé alors par la loi américaine sur le droit d’auteur. Le 5 novembre 1999, dans la Succession de Martin Luther King, Jr. contre CBS, Inc., une des Cours d’appel fédérales des États-Unis a décidé que la présentation publique du discours ne constituait pas une « publication générale », et que les ayants droit n’étaient pas déchus de leur droit d’auteur. Ils peuvent alors requérir une licence pour la rediffusion du discours, que ce soit dans un programme de télévision, un livre historique, une représentation théâtrale, etc…
Mais depuis 2009, ses héritiers ont cédé la gestion de ses biens à la société britannique EMI Publishing, propriété de la société Sony. Le copyright de la vidéo du discours est donc désormais détenu par un groupe économique puissant qui ne compte pas être lésé quant à son investissement.
En effet, un groupe, dénommé Fight for the Future, pour lutter contre les textes SOPA (Stop Online PiracyAct) et PIPA (Protect-IP Act) censés lutter contre les sites pirates, a publié sur l’hébergeur de vidéo Viméo la vidéo du discours dans un « petit acte de désobéissance civile ». Mais cette dernière a été supprimé du site quelques heures plus tard. La société EMI Publishing avait déjà obtenu la suppression de la vidéo de l’hébergeur vidéo Youtube. Comme le groupe le souligne, il est malheureux qu’un tel discours ne puisse être visible de tous et surtout de tous les jeunes, connectés à Internet, et qui sont donc d’une certaine façon lésés à cause d’un problème de copyright.
Martin Luther King, dans sa Lettre de la prison de Birmingham, énoncait que : « Obéir aux lois n’est pas seulement un but légal, mais une responsabilité morale. Inversement, il est une responsabilité morale de désobéir aux lois injustes. ». Malgré les sanctions encourues par les contrevenants à cette interdiction de diffusion, surtout si la loi SOPA est adopté par les Etats-Unis, on pourrait y voir une incitation à la désobéissance et au refus du respect de cette interdiction.
Une nécessité de modifier la durée de protection du copyright
Sinon, il reste toujours la possibilité d’acquérir un DVD au prix de 20 dollars pour regarder la vidéo de manière légale. Cela paraît un peu onéreux pour s’instruire et pouvoir juste visionner un des discours les plus marquants du 20ème siècle, faisant partie inhérente de l’Histoire de ce pays, et par sa visiblité et son importance, de l’Histoire du monde.
La contradiction est donc importante. Un message de liberté et d’égalité entre les peuples se retrouve marchander pour des raisons de droit de propriété. Vu la publicité et le message universel transmis dans ce discours, on pourrait s’attendre à ce qu’il soit placé dans un patrimoine commun et accessible par tous. La faute n’en revient pas forcément à la société EMI Publishing qui ne fait qu’appliquer les droits inhérents à son copyright. On pourrait alors s’interroger sur la vente elle-même des droits de ce discours par les héritiers de Martin Luther King. La vraie discrimination en l’espèce n’est alors plus basée sur une distinction par la couleur de peau, mais bien par le pouvoir d’achat, nous permettant d’acquérir une certaine culture.
On peut alors se demander si le droit d’auteur doit changer et éventuellement imaginer une réduction de la protection du droit d’auteur. En effet, certains pensent qu’il ne parvient pas à servir son objectif constitutionnel primaire de promotion des connaissances et des arts, et qu’il faudrait le faire reculer. La durée du copyright serait trop longue : la vie de l’auteur plus 70 ans après la mort pour une oeuvre personnelle ou 95 ans pour une oeuvre collective. Cette durée ne favorise pas les auteurs qui pourraient partager des discours, des livres, des films, etc… On pourrait alors imaginer une durée légale plus en adéquation avec le choix des Pères fondateurs de 14 ans. De plus, il serait envisageable de réduire les pénalités graves pour violation de copyright, qui est une infraction pénale passible de milliers de dollars.
SOURCES :
ANONYME, « Interdiction de diffuser le discours « I have a dream » sur Internet », le monde.fr, mis en ligne le 21 janvier 2013, consulté le 22 janvier 2013, http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2013/01/21/freedom-day-interdiction-de-diffuser-le-discours-i-have-a-dream-sur-internet/
AMMORI M., « Why Tweeting MLK’s “I Have a Dream” Speech Now Constitutes Civil Disobedience », slate.com, mis en ligne le 18 janvier 2013, consulté le 22 janvier 2013, http://www.slate.com/blogs/future_tense/2013/01/18/internet_freedom_day_why_tweeting_mlk_s_i_have_a_dream_speech_is_now_civil.html