La nomination du nouveau président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), Olivier Schrameck, relance l’épineuse question de la régulationd’internet.
En effet ce dernier, lors de sa première interview aux « Echos », a fait part de sa volonté d’encadrer davantage internet.
Les multiples dérives que l’on connaît sur cet espace, telles que le téléchargement illégal, les actes diffamatoires, l’impossibilité de déterminer les auteurs d’actes répréhensibles, fraudes diverses… constituent de véritables problématiques aux enjeux tant économiques que juridiques. Même si la régulation d’internet apparaît comme plus que nécessaire aujourd’hui, de nombreuses voix semblent s’élever contre une éventuelle régulation du WEB.
Pourquoi ? Tout simplement par ce que ce que le Web a été conçu sur un modèle libertaire, et beaucoup sont ceux qui défendent farouchement leur environnement « totalement libre ». L’idée étant celle d’un internet totalement « neutre » c’st à dire totalement “Libre”.
Cependant la réalité est tout autre. Ainsi pour pallier les nouvelles conséquences inhérentes à l’évolution des usages, et pour se confronter aux nouvelles réalités de l’internet, certains acteurs et notamment le CSA souhaitent s’emparer de cet espace qui ne semble déjà plus totalement libre, afin de mieux le réguler, voire davantage.
Une volonté toujours plus forte de réguler les contenus sur internet.
Le Csa conscient des nouvelles réalités de l’internet et face à la convergence des médias, entend mettre en place un dispositif plus fort d’encadrement des usages sur le net.
De nombreuses tentatives de régulation des contenus audiovisuels par le Csa avaient été entreprises, sans réel succès. Cependant, il semblerait que la tendance soit plus que jamais, au changement. En effet, son nouveau président, dans la lignée de son prédécesseur, Michel Boyon, s’est prononcé en faveur d’une régulation prenant en compte les véritables enjeux que pose la situation actuelle.
Olivier Schrameck précise cependant qu’il « Il ne faut pas pour autant renoncer à notre cœur de métier, de régulation sociétale et culturelle », cependant, il apparaît indispensable d’adapter des modes de régulation mis en place dans un contexte technologique totalement différent de celui auquel nous sommes confronté aujourd’hui.
Réguler internet pour corriger les multiples dérives de cet espace, apparaît comme un impératif d’intérêt public, à cet effet, le président du CSA affirme que « l’intérêt du public, c’est la mise en place de moyens de contrôle aussi souples qu’effectifs.», et affirme par ailleurs « Je suis pour une régulation des médias internet tout à fait différente des médias traditionnels.» Ainsi même si l’autorité n’a pas les pouvoirs juridiques pour mettre en place une régulation effective, elle qui s’était déjà avancé sur le terrain du filtrage, affiche clairement son ambition pour devenir le régulateur privilégié des contenus sur internet.
À ce titre, la loi du 1er février 2012 « sur l’éthique du sport et les droits des sportifs » avait confié au Csa le pouvoir de déterminer lui même les règles applicables en matière de « brefs extraits » de retransmissions sportives sur tous « services de communication au public par voie électronique », comprenant donc les sites internet. Cette reconnaissance semble marquer une dynamique de changement laissant présager d’une compétence plus large reconnue au Csa en matière de régulation des contenus audiovisuels sur internet.
Cependant, il faut rappeler que le Csa détient des pouvoirs en matière de radio et de télévision, dans la mesure où la diffusion de contenus grâce à ces moyens de communications, repose sur une diffusion par ondes hertziennes, lesquelles étant limitées, se devaient d’être attribuées de manière totalement règlementée. Ainsi, le conseil tirait sa légitimité d’une régulation nécessaire, d’une ressource rare, afin de garantir au plus grand nombre un accès aux contenus.
Mais concernant l’environnement internet, les choses ne semblent pas si évidentes, cet encadrement nécessaire n’est plus pertinent au sein de cet espace. Christine Kelly, membre du Csa, émet l’hypothèse selon laquelle, la régulation de l’internet n’est pas de la compétence du conseil dans la mesure où l’internaute va chercher lui même l’information, c’est un acte actif contrairement à la télévision ou à la radio.
En effet, au-delà des services de médias audiovisuels à la demande, il existe tout un univers des contenus audiovisuels diffusés sur internet qui n’est pas, jusqu’à présent, concerné par la régulation du Conseil.
Aussi, malgré ces considérations, le Csa rappelle « la demande de régulation des contenus audiovisuels en ligne ne cesse de progresser au nom de la protection du jeune public et de la déontologie ». Ainsi même si c’est bien la liberté d’expression et de communication qui est en cause, et que l’on doit craindre l’installation d’une certaine forme de censure, l’intérêt public apparaît comme primordial.
Par ailleurs, nous sommes confronté à un constat évident, de différence de modes de régulation qui coexiste aujourd’hui sur un même support. C’est cette convergence des médias qui relance le débat d’un régulation du web.
L’exemple de la TV connectée est caractéristique, coexistent l’espace audiovisuel, qui est un secteur régulé et internet, un secteur qui ne l’ai pas. Sur ce point le nouveau président affirmait cependant ne pas rejeter l’idée selon laquelle le média internet pourrait se voir appliquer une régulation propre.
Même si le nouveau président, semble vouloir marquer un tournant dans l’attribution des compétences du Csa, et se positionne de manière nette sur certains aspects de cette nouvelle régulation, il reste prudent face aux nombreux acteurs de l’internet, qui rejettent la simple idée d’une réglementation en la matière.
Une régulation difficile à mettre en œuvre dans un environnement numérique où tous craignent pour leurs libertés.
L’idée même d’une régulation d’internet semble complexe à envisager, dans la mesure où la plupart des utilisateurs du réseau, l’envisage comme un environnement d’accès libre. Pour ne citer que les droits d’auteurs, quand certains individus sont nés dans un environnement où le droit d’auteur est un droit d’accès aux œuvres régulés par des sociétés privées, la conception ne peut pas être la même pour ceux qui sont nés avec l’idée que le droit d’auteur est un droit de diffusion des œuvres, un droit de partager. Ainsi ces derniers, n’envisagent pas de faire évoluer ce droit d’auteur. Cet exemple montre bien que l’idéologie libertaire est une conscience partagée par un majorité d’acteurs. Mais outre ces aspects, nombreux sont ceux qui craignent que leurs libertés ne soient entravées. Car face à une concurrence accrue sur le net, tous redoutent que leur liberté d’innovation, et par là de commercer librement ne se soient réduits à néant, que la libre expression ne soit bridé par des considérations d’ordre public.
En effet le sujet semble délicat. Olivier Schrameck précise que « Le respect de la liberté de la communication ne doit pas conduire à l’inaction qui serait préjudiciable à la protection du public ».
Mais cette régulation ne semble pas, comme ses détracteurs semblent l’affirmer n’avoir que des risques pour nos libertés. En effet, il apparaît nécessaire d’envisager la régulation de certains acteurs de l’internet afin de contrecarrer une certaine domination de grandes firmes. Car on peut valablement se demander si internet, ne serait il pas en train de dériver vers un monopole des grandes sociétés ? Ainsi cela ne permettrait il pas de se poser la question d’un internet libre, comme n’étant plus qu’une idée illusoire.
Ainsi on peut légitimement se demander si il peut y avoir des libertés sans règles.
L’issue quant à la garantie d’une neutralité du net, à sa réglementation ou bien l’instauration d’un modèle conciliant les deux aspects, ne semble à cet instant aucunement tranchée.
Sources
DARAGON (B.), « Le nouveau parton du CSA veut réguler internet », Ozap.com, mis en ligne le 1 er février 2013, consulté le 3 févier 2013, disponible sur : http://www.ozap.com/actu/le-nouveau-patron-du-csa-veut-reguler-internet/445333
SCHMITT (F.), POUSSIELGUE (G.), COUNIS (A.), « Olivier Schrameck (CSA) : « Une trop grande fragmentation des audiences présente un risque », Lesechos.fr, mis en ligne le 31 janvier 2013, consulté le 3 février 2013, disponible sur :
SCHMITT (F.), « Le CSA veut plus de pouvoir sur Internet », Lesechos.fr, mis en ligne le 1er février 2013, consulté le 3 février 2013, disponible sur : http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0202538249021-le-csa-veut-plus-de-pouvoir-sur-internet-534356.php
CHAMPEAU (G.), « Le Csa régulera bien plus que le sport sur internet », Numerama.com, mis en ligne le 26 avril 2012, consulté le 4 févier 2013, disponible sur : http://www.numerama.com/magazine/22457-le-csa-regulera-bien-plus-que-le-sport-sur-internet.html