Les Etats-Unis vont également y avoir droit. En effet, le 25 février 2013, une sorte d’Hadopi (Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet) a commencé ses activités aux Etats-Unis. Comme son équivalent français, il s’agira de permettre une surveillance des transferts de fichier en P2P. Le réseau BitTorrent et tous les sites qui permettent le partage de fichiers sur ce dernier seront donc surveillés de près par cette nouvelle autorité américaine et par les ayant-droits disposant d’un système d’alerte sur le droit d’auteur.
Une riposte plus graduée qu’en France
Le système américain conserve le principe de la réponse graduée en lui imposant des étapes supplémentaires comme la réduction du débit de connexion, qui peut sembler très dissuasive, ou encore la mise en place de formation sur le droit d’auteur, consistant dans le visionnage d’une vidéo de dix minutes, en lieu et place de certains sites de téléchargement populaires. Ce système a été élaboré par le Centre d’information sur le droit d’auteur (CCI), lui-même mis en place par les plus gros défenseurs et ayant-droits concerné par ce mécanisme dont le MPAA (Motion Picture Association of America) et le RIAA (Recording Industry Association of America) respectivement pour le cinéma et la musique, mais aussi des opérateurs et majors importants des Etats-Unis.
Les fournisseurs d’accès Internet devaient décider eux-mêmes des “mesures de mitigation” à prendre. Ces mesures sont diverses et vont donc dépendre du FAI de l’internaute. En effet, le plus important FAI américain, AT&T, a décidé comme mesure participant à cette réponse graduée le blocage temporaire des sites de téléchargement jusqu’à ce que l’abonné finisse une formation sur le droit d’auteur. Le fournisseur Verizon a lui opté pour la réduction volontaire du débit. Cependant, certains autres fournisseurs ont également choisi la solution du blocage temporaire de la connexion. La seule solution clairement rejeté par ces FAI est le blocage sur du long terme car ils pourraient perdre des abonnés qui décideraient de passer chez un autre fournisseur pour de nouveau pouvoir se connecter.
Ce système est cependant très critiqué outre-Atlantique, puisqu’il lui a notamment été reproché de brider les connexions aux hot-spots Wi-Fi dans les lieux publics. En effet, avoir un accès universel à l’Internet permettrait de protéger la vie privée, de promouvoir l’innovation et donc servirait le bien de tous. Un tel mécanisme participerait donc à l’étouffement du mouvement du sans-fil ouvert, qui n’est pas forcément du goût des principaux FAI américains. En effet, si le téléchargeur illégal utilise la connexion d’un lieu public ou d’une société, il ne sera pas alerté mais le possesseur de la connexion le sera.
De plus, la réduction volontaire du débit (seulement 256Ko/s) à une époque où les services proposés par Internet nécessitent toujours plus de bande passante semble être très contraignante. Elle ne fonctionnerait que sur une courte durée (48 heures). Mais actuellement deux jours sans une véritable connexion à Internet semble être un véritable frein à la production et à la communication à travers le monde.
Un exemple français pas forcément prometteur
La question de l’utilité de ce nouveau système est cependant posée. En effet, il s’agit toujours comme en France d’un mécanisme parallèle à celui de la saisie directe par les ayants-droits du tribunal à l’égard de certains internautes. Saisie qui peut d’ailleurs sembler très aléatoire et imprévisible car de nombreux téléchargeurs à outrance passeront à travers les mailles du filet pendant que certains malheureux seront cloués au pilori et montré comme exemple aux restes des internautes. Il existe toujours plus de mécanismes pour ces importants téléchargeurs illégaux. En effet, le masquage des adresses IP ou l’utilisation de VPN (Virtual Private Networks), qui permettent de chiffrer les données avant de les envoyer sur l’Internet, font partie de ces nombreux moyens qui offrent aux internautes une dissimulation de leurs activités de téléchargement illégal aux fournisseurs et à la surveillance accrue des ayants-droits.
Cependant, la Hadopi, lancé en octobre 2010, a envoyé plus de 1,1 millions de courriels et de 100 000 courriers recommandés d’avertissement après récidive à des internautes afin de les mettre en garde quant à la sanction qu’ils pourraient rencontrer. De plus, le premier individu a été condamné dans le cadre de cette procédure le 13 septembre 2012 par le tribunal de police de Belfort à une amende de 150 euros pour avoir téléchargé illégalement de la musique, après deux de mise en place de l’autorité. Comme argument favorable à ce système, l’autorité soutient que 95% des personnes ont arrêté de télécharger après le premier avertissement. En outre, la Commission de protection des droits (CPD) de la Hadopi a décidé de créer une quatrième phase dans la réponse graduée, consistant à la non-transmission du dossier à la justice, en échange de la promesse de ne pas récidiver.
On peut noter que l’autorité est limitée dans sa zone de recherche puisqu’elle ne cible que les utilisateurs des réseaux de P2P, ne consistant qu’en une partie de la sphère du téléchargement illégal, alors que les utilisateurs du direct download (DDL), du streaming, ou des newsgroups ne sont toujours pas inquiétés. Si le rôle de la Hadopi semble plus de prévenir que de sanctionner, on peut tout de même s’interroger sur l’intérêt d’un tel système ne ciblant qu’une partie du téléchargement illégal et qui au final ne va que mettre en exergue la capacité des internautes à s’adapter au mécanisme en changeant leurs propres usages. Si l’illégalité de ce genre de téléchargement semble se conceptualiser par de tels moyens mis en œuvre pour faire respecter le droit d’auteur, il reste encore un pas avant de faire vraiment disparaitre ces habitudes d’accès illimité à la culture.
La suppression en France de cette autorité n’est cependant pas à l’ordre du jour et la mission parlementaire menée par Pierre Lescure proposera bientôt ses propositions afin de l’améliorer. Le nouveau mécanisme américain, quant à lui, mérite d’être précisé et l’empilement des phases dans la riposte graduée doit également prouvé son efficacité.
SOURCES :
ERNESTO, « AT&T Starts Six-Strikes Anti-Piracy Plan Next Month, Will Block Websites », torrentfreak.com, mis en ligne le 12 octobre 2012, consulté le 25 février 2013, http://torrentfreak.com/att-starts-six-strikes-anti-piracy-plan-next-month-will-block-websites-121012/
ANONYME, « La Hadopi américaine débuterait la surveillance des internautes », le monde.fr, mise en ligne le 25 février 2013, consulté le 25 février2013, http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/02/25/la-hadopi-americaine-debuterait-la-surveillance-des-internautes_1838336_651865.html
PEPIN (G.), « La Hadopi défend le bilan de la réponse graduée », lemonde.fr, mis en ligne le 5 septembre 2012, consulté le 25 février 2013 http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/09/05/la-hadopi-defend-le-bilan-de-la-reponse-graduee_1755909_651865.html
ANONYME, « Une Hadopi aux Etats-Unis d’ici la fin de l’année ? », lemonde.fr, mis en ligne le 13 septembre 2012, consulté le 25 février 2013, http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/09/13/une-hadopi-americaine-d-ici-la-fin-de-l-annee_1759993_651865.html