Apple Incorporation versus Samsung Electronics Co. Ltd a été le premier procès américain d’une longue bataille juridique internationale entre Apple Incorporation et Samsung Electronics concernant la conception des smartphones et des tablettes.
UNE AMENDE ONÉREUSE À LA CHARGE DE SAMSUNG
Le 15 avril 2011, la société Apple a déposé une plainte contre le groupe Samsung pour atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant l’United States District Court for the Northern District of California. Ce procès, démarré le 30 juillet 2012, avait pour fondement juridique la violation de plusieurs brevets de propriété intellectuelle. En effet, la société américaine a accusé son concurrent de porter atteinte à trois de ses brevets de conception et à quatre de ses brevets de design. Ce dernier a répliqué en l’accusant de violer cinq de ses brevets américains notamment le brevet concernant la 3G.
Le 24 août 2012, le jury a rendu un verdict largement favorable à Apple en lui octroyant 1,049 milliards de dollars de dommages et intérêts. Face à cette amende onéreuse, la société Samsung a interjeté appel en date du 21 septembre 2012, notamment aux motifs que le verdict était déraisonnable et non étayé par des preuves ou des témoignages. Le même jour, Apple a déposé une demande visant à faire augmenter le montant de ses dommages et intérêts.
Un nouveau rebondissement a eu lieu lorsque, le 1er mars 2013, la juge Lucy Koh a décidé de « sabrer » de 40 % l’amende supportée par Samsung au profit d’Apple aux motifs que le jury avait utilisé une mauvaise méthode de calcul. Elle a donc réduit de 450 millions de dollars le montant accordé au fabricant de l’iPhone. De plus, la juge Koh a ordonné un nouveau procès qui débutera le 19 novembre 2013 afin de déterminer le montant approprié en remplacement des 450 millions de dollars. Le groupe Samsung reste donc, pour l’instant redevable d’environ 600 millions de dollars envers son adversaire américain.
Parallèlement à cette procédure, le Sud-Coréen a décidé de se tourner vers le système fédéral en faisant appel devant la Cour d’appel des Etats-Unis. Cet appel tend à remettre en cause l’impartialité du président du jury car celui-ci a fait l’objet d’une poursuite en justice par son ancien employeur Seagate Technology Incorporation. Or, cette entreprise entretient une relation commerciale stratégique avec l’entreprise Samsung.
VERS UN PROTECTIONNISME AMÉRICAIN ?
La bataille juridique américaine entre les deux grands de la téléphonie mobile a connu ses dernières actualités devant l’United States International Trade Commission (USITC). L’USITC est une agence fédérale indépendante et quasi juridique avec de larges compétences d’investigations concernant les matières commerciales.
Le 4 juin 2013, l’USITC a reconnu que l’américain Apple avait violé l’un des brevets standards essentiels de Samsung, suite à une plainte déposée le 1er août 2011 par ce dernier. La commission a alors interdit l’importation, la vente et la distribution d’outils de communication sans fil, de dispositifs musicaux portables, de dispositifs de traitement de données ainsi que des tablettes numériques qui enfreignent le brevet américain n° 7,706,348.
Cette interdiction visant des produits Apple n’a pas eu le temps d’entrer en application. En effet, le 3 août 2013, le Président Barack Obama et son administration ont utilisé leur droit de veto sur cette décision de l’USITC. Cette prérogative de la Maison Blanche sur les décisions de l’USITC n’avait pas été utilisée depuis 1987. Dans une lettre adressée à Irving A. Williamson, président de l’USITC, l’ambassadeur Michael B. G. Froman, porte-parole de l’administration américaine a déclaré qu’ « après des consultations approfondies avec le Trade Policy Staff Committee et le Trade Policy Review Group, ainsi que d’autres agences et personnes concernées, j’ai décidé de désapprouver la décision de l’USITC ». Il justifie cette décision en affirmant avoir tenu compte des effets sur les conditions de concurrence au sein de l’économie américaine et sur les consommateurs américains.
Ce veto a pu paraître comme un acte de protectionnisme de la part du Gouvernement américain. Cependant, il convient de préciser que le représentant au Commerce américain n’a pas jugé sur le fond c’est-à-dire sur la violation ou non des brevets par Apple. Sa motivation repose sur le fait qu’il estime illégitime de bannir des produits en violation de brevets lorsque ces derniers portent sur des standards industriels. L’objectif affiché est d’éviter que les détenteurs de brevets dits « essentiels » ne fassent du chantage afin de faire monter le prix de leurs licences. Dans ce sens, le site américain FOSS Patents a affirmé que « c’est une victoire pour les consommateurs et la concurrence loyale ». Il semblerait donc que l’administration américaine est allée au-delà de la sphère protectionniste afin de protéger au mieux la concurrence.
Le 9 août 2013, l’United States International Trade Commission a rendu cette fois une décision en faveur d’Apple qui avait déposé plainte le 5 août 2011. Cette dernière interdit l’importation, la vente et la distribution de certains dispositifs médiatiques électroniques et numériques de la marque Samsung qui enfreignent les brevets américains n°7,479,949 « the 949 patent » et n° 7,912,501 « the 501 patent ». L’administration américaine disposait alors d’un délai de 60 jours pour mettre en œuvre son veto contre cette interdiction.
Or, le 8 octobre dernier, l’ambassadeur Michael B. G. Froman a annoncé dans un communiqué qu’ « après avoir soigneusement mis en balance les considérations politiques, y compris l’impact sur les consommateurs et sur la concurrence, ainsi que les conseils des agences et les informations des parties intéressées, j’ai décidé de permettre l’interdiction d’importation ». Le représentant au Commerce américain défend sa décision en arguant le fait qu’il ne s’agit pas de brevets dits « essentiels ».
Cette réaction de l’administration américaine ne peut cette fois-ci s’expliquer par une volonté de protéger la concurrence. Certes, les brevets attaqués portent sur des points précis qui ne sont pas des technologies largement utilisées dans le monde de la téléphonie. Mais cela suffit-il à interdire l’importation, la vente et la distribution de certains produits déjà présents sur le marché ? De plus, sachant que ces produits sont issus d’une société étrangère rivale à un fleuron de l’économie américaine, cette décision de l’administration de Barack Obama pose la question d’un protectionnisme américain déguisé.
En effet, plusieurs indices tendent à corroborer cette hypothèse. Tout d’abord, il semble opportun de préciser qu’Apple est une société de nationalité américaine. Ensuite, ce groupe est un important employeur aux Etats-Unis avec environ 600 000 employés et une des entreprises de nouvelles technologies les plus célèbres. Pour finir, Apple a vu son rival s’imposer en quelques années. Samsung est ainsi devenu numéro un mondial sur le marché de la téléphonie mobile et présente une hausse de 26% de chiffres d’affaires pour ce troisième trimestre 2013.
Face à cette décision de l’USITC, le groupe Samsung a estimé que cette décision « servira seulement à réduire la concurrence et à limiter le choix des consommateurs américains ». L’impact économique à court terme de cette interdiction ne devrait pas être très important car elle ne porte que sur d’anciens modèles de la marque sud-coréenne dont certains ne sont même plus commercialisés aux Etats-Unis.
Sources :
United States International Trade Commission, « Notice of the commission’s final determination finding a violation of section 337 ; Issuance of a limited exclusion order and a cease and desist order ; Termination of the investigation, Investigation No.337-TA794 », www.usitc.gov, mis en ligne le 4 juin 2013, consulté le 25 octobre 2013, disponible sur http://www.usitc.gov/secretary/fed_reg_notices/337/337-794_notice06042013sgl.pdf.
United States International Trade Commission, « Notice of commission’s final determination finding a violation of section 337 ; Issuance of a limited exclusion order and cease and desist orders ; Termination of the investigation, Investigation No.337-TA-796 », www.usitc.gov, mis en ligne le 9 août 2013, consulté le 25 octobre 2013, disponible sur http://www.usitc.gov/secretary/fed_reg_notices/337/337_796_Notice08092013sgl.pdf .
Decker S. et Wingfield B., « Samsung Loses Bid for Obama Veto of Apple-Won Import Ban », www.bloomberg.com, mis en ligne le 8 octobre 2013, consulté le 25 octobre 2013, disponible sur http://www.bloomberg.com/news/2013-10-08/samsung-loses-bid-for-presidential-veto-of-apple-won-import-ban.html.
GUGLIELMO C., « President Obama Vetoes ITC Ban On iPhone, iPads ; Apple Happy, Samsung Not », www.forbes.com, mis en ligne le 8 mars 2013, consulté le 25 octobre 2013, disponible sur http://www.forbes.com/sites/connieguglielmo/2013/08/03/president-obama-vetoes-itc-ban-on-iphone-ipads-apple-happy-samsung-not/.
L. J., « Brevets : Washington s’invite dans la guerre entre Samsung et Apple », www.numerama.com, mis en ligne le 9 octobre 2013, consulté le 25 octobre 2013, disponible sur http://www.numerama.com/magazine/27195-brevets-washington-s-invite-dans-la-guerre-entre-samsung-et-apple.html.
Anonyme, « Pourquoi Washington a opposé son veto à l’interdiction des produits Apple », www.lexpansion.fr, mis en ligne le 5 août 2013, consulté le 25 octobre 2013, disponible sur http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/pourquoi-washington-a-oppose-son-veto-a-l-interdiction-des-produits-apple_397468.html#52AG2ypyvK6GF5YA.99.