Alors que la guerre fait rage entre les différents fournisseurs d’accès internet, un arrêté ministériel va être pris afin d’établir un encadrement juridique quant aux offre d’accès internet fixe et plus précisément des annonces de débits proposés par les fournisseurs d’accès internet, afin de garantir une meilleur information du consommateur.
Le 1er octobre 2013, à l’occasion du jour de lancement du déploiement national du VDSL censé révolutionner le haut débit en France, l’opérateur Free décide de passer la vitesse supérieure et communique ses nouvelles offres grand public concernant l’accès à internet haut et très haut débit, par le biais d’une publicité qui n’a pas été sans provoquer de réaction, notamment de la part de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). L’ARCEP a en effet réagit promptement, soit quelques heures après la diffusion du spot publicitaire. La question des annonces par les FAI quant aux débits, serait définitivement réglée, grâce à un encadrement des publicités produites par les opérateurs, qui feront l’objet d’un arrêté ministériel et dont les grandes lignes directrices ont été communiquées à l’ensemble des opérateurs les jours suivants cette affaire.
Une publicité mensongère : Free dans le collimateur de l’ARCEP
Le cas de Free est une illustration des enjeux et problématiques auxquels devra répondre l’arrêté. Celui-ci s’inscrit dans une période cruciale pour le futur des différents acteurs sur le marché du haut comme du très haut débit.
Lors de cette publicité, le consommateur découvre que le FAI fait une nouvelle offre et pas des moindres : un débit proposé d’1gb/s pour les abonnés Freebox Révolution, ce qui est théoriquement de 5 à 10 fois supérieur à ce que propose les autres opérateurs, et ce, pour le même prix habituellement constatable. De plus, l’opérateur a publié sur le site du Groupe Iliad un communiqué vantant le débit annoncé comme « le plus rapide d’Europe ». Le consommateur pourra se réjouir d’une telle offre et rapidement basculer vers celle-ci grâce à l’attractivité de cette dernière. Or l’ARCEP n’est pas de cet avis et n’y va pas de main morte, puisque elle a établi un communiqué accusant l’opérateur d’avoir pondu une publicité mensongère.
Certes la filiale du groupe Iliad a déjà eu affaire à de nombreuses reprises au régulateur mais c’est une nouveauté qu’un communiqué fasse preuve d’une telle virulence envers l’accusé.
Elle y dénonce en particulier le « caractère partiel » dans cette offre grand public autant pour son offre VDSL 2 ainsi que pour son offre fibre optique . Que cela signifie-t-il ? Tout simplement que les débit annoncés , étant purement théoriques rappelons-le, ne sont pas atteignables compte tenu de l’infrastructure de Free pas assez développée, les allégations de l’opérateur se trouvent dépourvues de toute objectivité. Pour renforcer son « opinion » l’ARCEP utilise l’exemple de la fameuse débâcle à laquelle se sont livrés le fournisseur d’accès internet et le géant de la plateforme d’hébergement de vidéos en ligne Youtube. Dans l‘état actuel de la situation, les utilisateurs du réseau de Free risquent fortement de douter de la véracité de l’opérateur quant aux débits annoncés.
De plus, l’annonce est trompeuse selon les déclarations de l’autorité en ce qu’elle est « de nature à induire en erreur les utilisateurs sur le service que va leur apporter leur FAI ». L’accusation est sans appel, et démontre le caractère trompeur de l’offre susvisée. Le consommateur risque rapidement de déchanter lorsqu’il découvrira le débit réel effectif de sa connexion. En outre, ce dernier pensera à tort qu’il pourra bénéficier de cette offre alléchante, alors qu’en réalité, elle n’est destinée qu’à un cercle restreint d’abonnés.
Enfin, le communiqué fait part d’un « ultime » rappel sur les obligations que doivent respecter les opérateurs de communication électroniques qui sont « d’assurer la transparence des offres qu’ils proposent aux utilisateurs » et d’autre part « d’agir de façon loyale vis-à-vis de leurs concurrents ».
Une façon de dénoncer le comportement déloyal et le manque de transparence dont a fait preuve le FAI. Par ailleurs, la mission principale de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) consiste à veiller particulièrement à ce que ces deux exigences soient respectées.
Un encadrement juridique nécessaire : vers une meilleure information du consommateur
Pure coïncidence ou réelle nécessité ? En parallèle, le gouvernement a décidé lui aussi de réagir, bien qu’aucune cible précise n’ait été visée, si ce n’est l’ensemble des opérateurs télécoms. En effet, ce sont Fleur Pellerin et Benoit Hamon, respectivement Ministre déléguée en charge de l’économie numérique et Ministre délégué chargé de la consommation, qui ont procédé à l’envoi d’un courrier dans lequel il est rappelé à tous les opérateurs télécoms de « veiller avec une prudence redoublée à la loyauté de leur communication commerciale en matière de débits ». Des déclarations en accord avec l’autorité de régulation des télécommunications, d’autant plus qu’il est rappelé quelques lignes plus loin que « des allégations de nature à induire les consommateurs en erreur dans ce domaine sont susceptibles d’être qualifiées sous l’angle des pratiques commerciales trompeuses. »
Ces propos loin d’être anodins, semblent même indirectement dirigés à l’encontre de Free. Des menaces donc qu’il ne faudrait pas prendre à la légère car même si l’ARCEP a perdu son pouvoir de sanction , bien que de façon temporaire (pour cause de non-conformité de la procédure de répression avec la Constitution) il reste tout de même des autorités pour prendre les mesures qui s’imposeront comme la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).
Le communiqué envers les opérateurs énumère deux sujets importants afin de définir un cadre juridique pour une meilleure information du consommateur. Il s’agit dans un premier temps de préciser si le destinataire de l’offre DSL bénéficiera ou non d’un service de télévision, et ensuite d’encadrer « les annonces de débits dans les publicités » qui sont en décalage par rapport à l’effectivité réelle des débits constatés par les consommateurs.
Le but étant de garantir que le consommateur sera mieux informé sur l’offre qui lui sera proposée, et un meilleur contrôle sera effectué de surcroît. Le texte entra en vigueur rapidement en raison de l’importance de la situation.
Cependant, le texte intégral ne sera effectif qu’à partir du 1er juillet 2014 car un délai de mise en action par les opérateurs devra être respecté et être suffisamment long pour permettre à ceux -ci, de déployer les moyens nécessaires pour être conforme avec l’arrêté.
Deux exigences seront posées par la nouvelle réglementation, la première est une individualisation et personnalisation de l’information au consommateur par le FAI sur la vitesse du débit maximal de sa ligne et ce, avant même que le bénéficiaire de l’offre ne souscrive à celle-ci. Cela semble effectivement aller dans un sens de loyauté et de transparence de l’information car les débits sont variables entre les consommateurs. Enfin, l’obligation pour l’opérateur de créer sur son propre site « un espace pédagogique relatifs aux pratiques de gestion de trafic ». Le consommateur mieux informé, pourra donc avoir un choix plus éclairé quant aux services auxquels il veut souscrire.
Free : l’opérateur est-il seul contre tous ?
Les propos contenus dans la lettre envoyée aux différents opérateurs télécoms, sont pour une partie, semblable à ceux de l’ARCEP dans le communiqué adressé à l’encontre de Free.
Pour sa défense, le FAI répliquerait ainsi que le débit annoncé a été atteint en laboratoire, argument peu convaincant pour l’autorité de régulation. Pour appuyer ses propos le « gendarme des télécoms » rappelle qu’il existe une mesure de qualité du service de l’accès à internet qui permettra sans doute , de vérifier ces propos.
Par ailleurs, alors qu’elle est toujours visible sur son site internet, la publicité de Free semble avoir disparu des écrans comme si une décision de justice avait été prise en ce sens. Il faut garder à l’esprit que, bien que le marché visé est différent, l’opérateur Bouygues Télécoms s’est vu contraindre de retirer une publicité comparative à propos de la 4G, par décision de justice du tribunal de commerce en date du 4 octobre 2013.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est au tour de SFR de riposter sur le marché du très haut débit fixe. Même débit annoncé, certes l’offre est présentée de façon plus claire, car il est explicitement indiqué que les bénéficiaires de cette offre sont uniquement les abonnés éligibles aux 300 mb/s, ainsi qu’une réserve émise par l’opérateur pour une part de près de 10% de ceux-ci, qui devront faire preuve de patience pour profiter de ce débit faramineux. Une offre encore plus attractive, avec un prix très agressif. Mais cette fois-ci pas de communiqué express, pas d’attaque personnelle de la part du régulateur des télécoms.
Maxime Lombardini, PDG du groupe Iliad déclare que « cet arrêté ne doit pas être anti-Free » et a ainsi dévoilé ses craintes quant à l’arrêté qui va bientôt débarqué par ces propos. Il rajoute également le quid de la nouvelle réglementation concernant la fibre optique. En effet, la partie sur la technologie de la fibre optique, ne semble pas être traitée pour l’instant par l’arrêté qui devrait voir le jour d’ici la fin de l’année. Néanmoins, la lettre envoyée aux opérateurs précise que sont en cours « des travaux sur l’extension de cet encadrement juridique aux autres technologies fixes et mobiles ». Les opérateurs étant directement impliqués, Free aura certainement son point de vue a donner et ne manquera pas l’occasion d’y participer tout comme les nombreuses associations de consommateurs qui ont « émis un avis favorable sur ce projet d’arrêté ».
À noter, que le déploiement de la fibre optique, faisant parti du plan France Très Haut Débit, est enfin encadré juridiquement par la création d’une convention type entre l’État, les opérateurs et les collectivités locales qui a été validée.
Ce projet de réglementation intervient donc, dans une période opportune et va sans doute renouer des relations plus positives entre les consommateurs et leurs fournisseurs d’accès internet grâce à un encadrement juridique qui pourrait « rassurer » les utilisateurs face à cette multitude d’offres commerciales, dans cette course effrénée à l’accès au très haut débit.
SOURCES
ANONYME « L’ARCEP tient à souligner le caractère partiel et parfois inexact des annonces de Free concernant ses offres à très haut débit fixe », arcep.fr, mis en ligne le 1er octobre 2013, consulté le 10 octobre2013 http://www.arcep.fr/index.phpid=8571&tx_gsactualite_pi1[uid]=1623&tx_gsactualite_pi1[annee]=&tx_gsactualite_pi1[theme]=&tx_gsactualite_pi1[motscle]=&tx_gsactualite_pi1[backID]=26&cHash=406889e32a803ef1190da9e6b0b469f4
ANONYME « Freebox Révolution : 1 Gbit/s en fibre optique »,Iliad.fr, mis en ligne le 1er octobre 2013, consulté le 10 octobre 2013, http://www.iliad.fr/presse/2013/CP_011013.pdf
AFP « L’Arcep reproche à Free d’induire en erreur les utilisateurs”, Le Monde.fr, mis en ligne le 1er 0ctobre 2013, consulté le 10 octobre 2013, http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/10/01/pour-le-gendarme-des-telecoms-free-induit-en-erreur-les-utilisateurs_3488149_651865.html
CASSEL B. et ROSENWEG D. « Offres trompeuses sur Internet : l’État menace les opérateurs », Le Parisien.fr, mis en ligne le 7 octobre 2013, consulté le 10 octobre 2013, http://www.leparisien.fr/economie/votre-argent/offres-trompeuses-sur-internet-l-etat-menace-les-operateurs-07-10-2013-3203203.php
VERIER V. « Maxime Lombardini : « Cet arrêté ne doit pas être anti-Free », Le Parisien.fr, mis en ligne le 7 octobre 2013, consulté le 25 octobre 2013, http://www.leparisien.fr/espace-premium/fait-du-jour/cet-arrete-ne-doit-pas-etre-anti-free-07-10-2013-3202643.php
PELLERIN F. « Plan France Très Haut Débit : l’Etat aux côtés des collectivités locales pour faire respecter les engagements des opérateurs » mis en ligne le 15 octobre 2013, consulté le 25 octobre 2013, http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/16054.pdf