Présenté en Conseil des ministres le 5 juin 2013 par Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public a été adopté par l’Assemblée nationale le 24 juillet 2013 et par le Sénat, le 1er octobre 2013. Le texte définitif a été adoptés, après accord en commission mixte paritaire, par le Sénat le 17 octobre 2013.
Ce projet a pour principal objectif de redonner davantage de pouvoir au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ainsi que de lui garantir une indépendance jusqu’à maintenant jamais atteinte. Ce qui devait être à l’origine qu’une « petite loi », va beaucoup plus loin dans le renforcement des pouvoirs du CSA. Cependant, l’indépendance du Conseil, bien qu’incontestablement accrue, n’en est pas moins discutable.
Une « petite loi » devenue grande
Le projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public vient reprendre l’engagement de François Hollande durant sa campagne présidentielle, de revenir sur la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Cette dernière avait retiré au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) son pouvoir de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public pour le confier au Président de la République. Ayant fait l’objet de nombreuses critiques et mettant en doute l’indépendance des PDG des chaînes publics face à l’exécutif, il était nécessaire de revenir à un mode de nomination hors de tout soupçon. Désormais, le CSA sera de nouveau compétent pour désigner les présidents de France Télévision, Radio France et France Médias Monde. Le processus de nomination repose sur des auditions à huit clos des candidats potentiels suivies d’un scrutin à bulletin secret. Les candidats ainsi élus pour cinq ans n’auront aucun compte à rendre au régulateur pendant toute la durée de leur mandat.
En outre, la loi prévoit une refonte structurel inédite du CSA. Ses membres sont réduits de neuf à huit. Leur mode de nomination est également modifié. Le chef de l’Etat qui nommait jusqu’ici trois membres, ne désignera plus que le président. Les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat continueront à désigner chacun trois membres, mais ces nominations devront recevoir un avis positif d’une majorité des trois cinquièmes des commissions des affaires culturelles. Ainsi, la majorité et l’opposition devront se mettre d’accord sur les candidats qui siégeront au CSA. Cette nécessité d’un consensus dans la nomination des membres marque une avancée démocratique notable et confère au CSA une légitimité forte ce qui vient renforcer l’indépendance de l’autorité. En effet, le mode de nomination précédent (trois membres nommés par le Président de la République, trois pas l’Assemblée et trois pas le Sénat) ne laissait guère d’indépendance au CSA quant à la désignation des patrons de l’audiovisuel public, qui n’étaient désignés sans l’aval du pouvoir et ce même avant la loi de 2009.
La réforme du CSA va encore plus loin. Le projet de loi lui confère de nouvelles compétences, notamment celle de pouvoir autoriser le passage d’une chaîne de la TNT payante en chaîne gratuite ou inversement. Il s’agit ici du fameux « amendement LCI », réclamé par le groupe TF1 pour sa chaîne d’information. Le CSA devra préalablement à sa décision de faire passer une chaînes TNT payante à une chaîne gratuite, procéder à une étude d’impact, notamment économique.
De plus, l’objectif sera par la suite de confier au CSA des compétences en matières de régulation de l’Internet, dans le cadre d’une loi sur la création prévu pour début 2014. Le rapport Lescure avait proposé de confier les pouvoirs d’Hadopi au CSA. Cependant cette annonce fait encore débat. Une chose est sure, le CSA aura certainement un rôle capital à jouer en matière d’internet. Il est donc nécessaire de garantir préalablement l’indépendance du Conseil en vue du futur projet de loi sur la création faisant suite au projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public.
Le CSA, considéré maintenant comme une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, sort sans nul doute grandi de ce projet de loi, celui-ci ayant pris une dimension bien plus importante qu’il ne devait avoir à l’origine. En effet, à son arrivée au pouvoir, la gauche avait envisagé disparition de l’instance dans le cadre d’une fusion avec l’ARCEP. Considérée comme obsolète, son rôle était principalement accès sur le contrôle des programmes. Elle est désormais en passe de devenir un véritable régulateur économique du secteur. On peut assurément parler de résurrection du CSA.
Une indépendance encore discutable
Bien que cette reforme fusse nécessaire ne serait-ce que pour apaiser le climat instauré par la loi de 2009, le projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public marque une évolution notable et sans précèdent du rôle du CSA. Cependant, l’indépendance de l’instance de régulation et du secteur de l’audiovisuel public soulève encore quelques questions.
Tout d’abord, il serait intéressant de se demander si on aurait pu aller plus loin quant à l’indépendance du CSA et plus particulièrement dans la désignation de ses membres. Comme nous l’avons vu précédemment, le président de l’instance reste nommé par le Président de la République. L’exécutif joue donc encore un rôle important, ce qui n’est pas sans poser problème. Nous le savons, les présidents successifs au toujours étaient très proche du pouvoir politique. Prenons, le président actuel, M. Olivier Schrameck, proche de François Hollande, il fut, entre autre, directeur de cabinet du Premier ministre Lionel Jospin de 1997 à 2002. On peut alors se demander si le présidents du CSA ne sera pas amener à exercer un influence sur les membres de l’instance afin d’orienter leur choix, notamment en ce qui concerne la désignation des PDG des chaînes publics. Seule la pratique répondra à cette interrogation, mais si elle s’avère être juste, l’indépendance de l’audiovisuel public sera totalement remis en question et ce projet de loi n’aura été qu’illusoire. Il aurait été certainement plus simple de laisser le CSA élire lui-même, en son sein, son président.
Cela étant, la question de l’indépendance se pose aussi d’un point de vue financier. En effet, les présidents de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde établissent leur cahier des charges conjointement avec les ministères de la Culture et des Finances. Ils sont donc tributaires des décisions de l’Etat. De plus, la suppression de la publicité après 20h sur France Télévisions a augmenté la dépendance du groupe aux pouvoirs publics puisque l’essentiel de ses ressources provient de la redevance et d’une dotation publique. Les pouvoirs publics dispose ainsi d’un moyen de pression redoutable.
Finalement, ce projet de loi bien que novateur laisse encore planer quelque lacune concernant la question de l’indépendance face au pouvoir. Mais l’audiovisuel public pourra-t-il, un jour, être totalement indépendant ?
Sources :
SILBERT N., « L’impossible indépendance de l’audiovisuel public », Les Echos, mis en ligne le 26 juillet 2013, consulté le 20 octobre 2013, http://www.lesechos.fr/26/07/2013/LesEchos/21487-034-ECH_l-impossible-independance-de-l-audiovisuel-public.htm
SCHMITT F., « Comment Olivier Schrameck tisse sa toile au CSA », Les Echos, mis en ligne le 9 octobre 2013, consulté le 20 octobre 2013, http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/medias/actu/0203052066823-comment-olivier-schrameck-tisse-sa-toile-au-csa-615240.php
MILOT O., « Audiovisuel public: le gouvernement ressuscite le CSA », Télérama, mis en ligne le 2 octobre 2013, consulté le 20 octobre 2013, http://www.telerama.fr/medias/audiovisuel-public-le-gouvernement-ressuscite-le-csa,103188.php>.
Sénat, Compte rendu intégral des débats de la séance du 17 octobre 2013, consulté le 23 octobre 2013, http://www.senat.fr/seances/s201310/s20131017/s20131017_mono.html#Niv1_SOM7