Le 8 novembre 2013 est une date qui marquera l’écosystème boursier de la Place de Paris. Cette entrée en bourse du câblo-opérateur fusionné avec les entreprises Completel, sur le marché de l’opérateur financier NYSE Euronext, a été favorablement accueillie par les investisseurs. Mais certains opérateurs concurrents ont voulu faire échec aux plans de “Numericable Group” redoutant une « montée en puissance », en assignant ce dernier devant les juridictions.
Un succès de taille auprès des investisseurs
Un nouvel entrant sur le marché boursier fait son apparition, phénomène qui se fait rare depuis 4 ans. D’autant plus que Numericable est le seul câblo-opérateur majeur en France. Cependant, ce dernier s’est illustré d’une belle manière, le titre grimpait de plus de 8% dans les premières minutes de cotation. Dans ces dernières années désertiques sur le marché de la bourse, conséquence de la crise, cette entrée est la plus conséquente depuis 2009.
Le prix d’introduction, initialement inséré dans une fourchette se situant entre 20,30 € et 24,80 € permettrait, selon les souhaits de l’opérateur, de lever 652 millions d’euros, répartis en 250 millions d’euros d’actions nouvelles et 402 millions d’euros de titres cédés par Carlyle et Cinven. Ces fonds seront utilisés notamment pour le développement de la fibre optique. Le montant de l’offre devrait être augmenté à hauteur de 15% de sa valeur initiale, selon l’accueil des investisseurs.
L’option de surallocation s’étant opérée le 14 novembre 2013, on a assisté le 21 novembre 2013 à une augmentation de 12,3 % de la valeur initiale, soit une forte hausse à l’ouverture. Au final, le montant total de la levée, s’élève a 749 millions d’euros.
Une somme colossale, outre le résultat net obtenu du début de l’année jusqu’à septembre dernier, soit un montant de 60 millions d’euros et un chiffre d’affaires de 969 millions d’euros. Numericable prévoit un gain de 2 à 5 % de son chiffre d’affaires par an, alors qu’on assiste à un accroissement de 1% de celui-ci jusqu’à présent.
Le succès escompté est au rendez-vous, en témoigne les gains réalisés par le groupe Cinven jusqu’à présent et qui se dit « ravi d’avoir construit et soutenu dans la durée un groupe de télécommunications français très entreprenant par le biais d’une consolidation des principaux câblo-opérateurs français et d’autres entreprises de télécommunications B2B ». Cette opération démontre encore une fois de plus, tout le savoir-faire et l’expérience dans les investissements à succès et des introductions en bourse réussies. Après que l’option de surallocation ait vu le jour, Cinven, investisseur de Numericable, a pu réduire sa participation dans le groupe et ainsi passé de 37,5% à 13,3%. Au total, Cinven ferait un gain un montant de 1,4 milliards d’euros après cette opération.
Le groupe de Numericable a quant à lui déclaré que « son offre a rencontré un fort succès auprès des investisseurs institutionnels français et internationaux et été souscrite plus de 10 fois ». Le cours de l’action bat son plein et est d’une valeur de 29,55 € au 29 novembre 2013.
Autre illustration de ce bon départ, le groupe Altice, devenu l’actionnaire principal du câblo-opérateur français Numericable, grâce notamment après la cession par Cinven de 5% de part du capital de Numericable. Après une détention de 30% de capital, Altice a déclaré vouloir préparer sa propre mise en bourse et ainsi acquérir des parts dans le secteur des télécoms suite à cette entrée en bourse actuelle. Il envisagerait même d’en prendre la majorité du capital dans les prochains mois. De plus, Orange cèderait sa filiale télécom de la République Dominicaine, au même investisseur dans la semaine du 9 décembre 2013, de quoi embellir la situation déjà fructueuse.
Les analystes financiers estiment que la valeur de l’entreprise se situera aux alentours de 6 milliards d’euros. La direction de NYSE Euronext, le marché boursier sur lequel s’est lancé Numericable, exprime les louanges de cette réussite en ces propos « La place de Paris peut être fière de cette opération de référence en Europe, en capitaux levés et capitalisation boursière, qui préfigure un regain d’activité durable sur notre marché primaire ».
L’engouement provoqué par ce bon départ, montre à lui seul l’importance de l’investissement dans le secteur des télécoms. En Europe, on assiste à un intérêt pour les télécoms qui ne cessent de s’accroître du fait de la demande grandissante des besoins en bande passante. La technologie utilisée pour le très haut débit reste encore trop peu exploitée, et pourrait bien profiter au réseau de Numericable pour les prochaines années.
Accélérer le déploiement de la fibre et réduire la dette
Concrètement, les capitaux levés par le groupe , s’inscrivent dans des objectifs bien précis.
Tout d’abord il s’agira de poursuivre l’accroissement du développement du déploiement de la fibre optique. Cela permettra de passer de 5 millions de foyers actuellement raccordés à la fibre optique à environs 8,5 millions d’euros. Prêt du quart de son capital est introduit en bourse, et celui-ci permettra d’accélérer la croissance du groupe car comme le rappelle son PDG Eric Denoyer, le “rythme d’investissement est intimement lié à la croissance de l’entreprise.”
Le document envoyé à l’autorité des marchés financiers, comporte la prévision de la rénovation du réseau câblé en fibre optique sous les auspices de fin 2016. Numericable compte ainsi gagner des abonnés, bien que ce retour à la croissance reste assez faible 222 000 abonnés de plus depuis 2010.
Dans un second temps, près de la moitié des 250 millions d’euros levés lors de l’introduction en Bourse seront directement affectés au remboursement d’une partie de la dette de Numericable. Une somme de 220 à 230 millions sera ajoutée aux 300 millions d’euros déjà alloués aux investissements chaque année. L’objectif est de diminuer sa dette, estimée à 2,78 milliards d’euros. En conséquence de quoi, des emprunts pourront être étudiés et accordés dans de meilleures conditions.
Une tentative anti-numericable vouée à l’echec ?
Même si Numericable a réussi sa cotation en bourse, la fête aurait pu être gachée, notamment par le biais de deux de ses concurrents à savoir Free et Bouygues Télécoms.
Alors que Numericable s’apprêtait à faire son entrée en bourse, l’entreprise publie un communiqué de presse dans lequel on apprend qu’elle fait l’objet de plusieurs assignations en justice.
En effet, on y découvre que Free décide de déposer une plainte et d’assigner le câblo-opérateur en référé car le prospectus d’introduction comportait des « informations erronées et dévalorisantes » pour son opposant. En effet, ce dernier accuse l’opérateur d’avoir fait apparaître dans un tableau comparatif, l’infériorité de la filiale du groupe Iliad sur les débits proposés par la concurrence.
Numericable soutenait pour sa part que le document remis à l’Autorité des marchés financiers ne constitue pas un document de publicité mais un document d’information financière concernant « Numericable Group », établi selon les normes légales et réglementaires applicables. Numericable voyait cette action en justice intentée par Free, dans le but d’empêcher une éventuelle réussite de l’opération boursière et de nuire au groupe.
L’espoir sera de courte durée pour le « trublion » car la décision du tribunal de Nanterre ne s’est pas fait attendre, et Free s’est trouvé débouté de sa demande de retrait du document litigieux. Le motif ? Free ne s’y ai pas pris trop tard, et a donc fait preuve “d’inaction volontaire”. Le document litigieux ne constituait pas de surcoît, un document de publicité comprative. Cependant la demande par Numericable d’un dédommagement de 150 000 € pour procédure abusive n’a pas été retenue par le juge. Free devra néanmoins, débourser la modique somme de 40 000€ pour les frais de justices.
De son coté Bouygues Télécoms, ne réclame pas moins de 53 millions d’euros de dédommagements dans le cadre du contrat « marque blanche » conclu le 14 mais 2009 entre les deux opérateurs aux motifs d’un dol pré contractuel et de défaillances dans l’exécution du contrat.
La décision n’étant toujours pas tombée, la bataille entre les deux opérateurs n’est pas terminée. Par ailleurs,on peut rappeler également le bénéfice par Numericable, de l’annulation d’une condamnation par l’Arcep, suite à sa perte de son pouvoir de sanction. Une décision qui lui à éviter ainsi,une belle amende d’un montant de 5 millions d’euros.
L’enterrement du rapprochement Numéricâble/SFR ?
Certains spécialistes et analystes financiers voient un déguisement de « mariage » entre le groupe SFR et Numericable. Cet éventuel rapprochement évoqué, certes depuis des mois, serait favorisé depuis que le “câblo” est introduit en bourse. Cependant SFR déclare ne pas avoir besoin d’autres opérateurs pour mener à bien ses projets. Des propos tout en contraste, suite aux vagues de licenciement que connaît actuellement l’opérateur.
On pourrait même assister dans peu de temps, à ce que SFR fasse son entrée en bourse. En outre, le groupe Vivendi, détenteur de SFR, devrait se séparer de l’opérateur, ce qui permettrait une introduction en bourse très rapidement. Le PDG de SFR, Jean-Yves Carlier, a déclaré également que cette séparation “est un pari fort sur l’avenir. Nous parions sur un renouveau de l’industrie et notre capacité à monétiser les usages, nous parions aussi sur les réseaux à très haut débit”. La scission devrait intervenir dès 2014.
Le PDG de Numericable semble confirmer la nouvelle tendance, en déclarant que « la croissance proviendra du réseau, il n’y a pas de nécessité d’un adossement. »
Le timing de cette introduction en bourse semble donc bien calculé. Par ailleurs, le secteur des télécoms suscite un intérêt certain et une grande agitation depuis le début de l’année. De plus, Numericable ayant besoin de se relancer, le groupe ainsi formé a réalisé une belle opération, et ce, à un moment très opportun. Ce coup gagnant, permettra dans la même foulée, de donner un nouvel élan pour les futures entreprises qui entreront en bourse prochainement.
SOURCES :
ANONYME., « Entrée en bourse réussie pour Numericable », Le Monde.fr, publié le 08 novembre 2013, consulté le 14 novembre 2013, <http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/11/08/entree-en-bourse-reussie-pour-numericable_3510963_651865.html>
GUEUGNEAU R., “Numericable entre en Bourse pour accélérer le déploiement de la fibre optique”, LesEchos.fr, publié le 29 octobre 2013, consulté le 14 novembre 2013, <http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0203093871760-numericable-entre-en-bourse-pour-accelerer-le-deploiement-de-la-fibre-623277.php>
JULIEN L ., « La justice déboute l’action de Free contre Numericable », Numerama, publié le 22 novembre 2013, consulté le 25 novembre 2013 <http://www.numerama.com/magazine/27579-la-justice-deboute-l-action-de-free-contre-numericable.html>
ANONYME ., « SFR n’a pas besoin de Numericable pour mener à bien sa stratégie », Challenges.fr, publié le 20 novembre 2013, consulté le 25 novembre 2013, <http://www.challenges.fr/high-tech/20131120.CHA7200/sfr-n-a-pas-besoin-de-numericable-pour-mener-a-bien-sa-strategie.html>
CUNY D., « Numericable en bourse pour mieux épouser SFR ? » LaTribune.fr, publié le 28 octobre 2013, consulté le 25 novembre 2013, <http://www.latribune.fr/technos-medias/20131028trib000792884/numericable-en-bourse-pour-mieux-epouser-sfr.html>
TESTARD M., “Numericable : Cinven réduit sa participation à 13,3 % et engrange 1,4 mds d’euros”, BFMTV, publié le 22 novembre 2013, consulté le 28 novembre 2013, <http://www.bfmtv.com/economie/numericable-cinven-reduit-participation-a-13-3pour-cent-engrange-1-4-mds-deuros-651908.html>