Le 12 novembre dernier, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a rendu un rapport au ministère de la culture et de la communication portant sur l’application du décret n°2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD). Un rapport ayant pour intérêt d’analyser l’évolution des SMAD et d’avancer diverses propositions quant à ces services et les nouveaux enjeux pour l’audiovisuel.
La volonté d’étendre ses prérogatives
Avec ce nouveau rapport, le gendarme de l’audiovisuel compte bien faire bouger les choses en matière de services de médias à la demande ; et cela dans la continuité de sa volonté de réguler les contenus audiovisuels sur internet.
En effet, depuis la loi du 5 mars 2009, les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande tels que définis à l’article 2 alinéa 6 de la loi du 30 septembre 1986 relèvent de la compétence de l’institution. Cette loi englobe donc les plateformes de télévision de rattrapage ainsi que les services de vidéos à la demande (VOD) ; les éditeurs de SMAD sont donc soumis aux mêmes obligations que les éditeurs de télévision.
Avec ce nouveau rapport en date du 12 novembre 2013 et dans la droite lignée du rapport Lescure, le CSA exprime sa volonté de contrôler des plateformes comme Youtube, Dailymotion mais aussi les services permettant le téléchargement définitif de films comme Itunes, le Playstation Store ou le Xbox Live. La problématique est simple : outre le fait d’héberger des contenus postés par des internautes, ces sites passent des partenariats avec des éditeurs audiovisuels ou des fournisseurs de contenus. Le conseil souligne dans son rapport que cette association d’acteurs mène à l’hébergement de « contenus professionnels » entendu comme des contenus qui auraient vocation à être contrôler pour le CSA.
Or, ces deux types d’acteurs (SMAD et plateformes internet) entrent en concurrence ; une concurrence qui serait déloyale aux yeux de l’institution car les acteurs de l’Internet ne contribuent pas au financement de la création, ne sont pas établis sur le sol français et ne sont pas considérés comme des SMAD à part entière.
Le CSA espère donc, au moment du réexamen de la directive SMA, « une clarification du champ d’application de la directive, de façon notamment à y intégrer les distributeurs de services au sein de la loi française » et afin de respecter les obligations de financement ou d’expositions auxquelles sont soumis les SMAD.
Le gendarme de l’audiovisuel estime que ses compétences existantes doivent s’étendre à ces distributeurs. Pour ce faire, il demande une étude d’impact évaluant le chiffre d’affaires dépendant de la distribution de contenus sur ces plateformes et de demander à ces dernières une contribution à la création française si les montants dépassent dix millions d’euros.
Application stricte de la directive SMA aux distributeurs de services
Parallèlement à l’intégration des distributeurs de services (Youtube – Dailymotion) aux services de médias audiovisuels à la demande, le CSA souhaite par ce biais mettre en place un « régime de conventionnement volontaire » en plus d’un régime déclaratif. Ce qui permettrait à l’institution de négocier avec les différents services des engagements supérieurs au niveau prévu par le décret.
En contrepartie, les services conventionnés pourront bénéficier de divers avantages : accès prioritaire aux aides publiques, un meilleur référencement dans les moteurs de recherche ou encore une priorité dans la gestion des débits (idées reprises du rapport Lescure).
Modification de la chronologie des médias
Outre cette proposition de conventionnement, le Conseil souhaite également modifier la chronologie des médias, toujours dans le but d’améliorer « la compétitivité des SMAD ».
Pour ce faire, l’institution propose deux propositions. Tout d’abord, elle souhaite abaisser à trois mois au lieu de quatre le délai minimum entre la sortie d’un film en salle et son exploitation en vidéo à la demande. A cela s’ajoute la proposition concernant les vidéos à la demande par abonnement : abaissement du délai de visionnage à vingt-quatre mois au lieu de trente-six.Un délai qui pourrait être encore diminué en présence d’un film européen ou d’expression originale française préfinancé par un service de vidéo à la demande par abonnement.
Le CSA : les pieds dans le web
Cet énième rapport de l’institution fait une fois de plus parler de lui dans le monde du web. En ce qui concerne l’extension de la qualité de SMAD aux distributeurs de services et à la priorité donnée dans la gestion des débits aux services conventionnés avec le CSA. Pour l’Association des Sites Internet Communautaires (ASIC), cet avantage va à l’encontre du principe de neutralité du web. Pour l’association, cette initiative franco-française concernant la régulation des contenus audiovisuels sur Internet handicaperait un grand nombre d’hébergeur.
Avec cette proposition de contribuer à la création française sur Internet, des questions se posent : le CSA ne serait-il pas en train de créer un web « made in France » ? En faisant cela, n’est-il pas en train de limiter la liberté des internautes français ? Car est-il nécessaire de rappeler qu’Internet est un lieu de partage et d’échange à visée mondiale ?
En tout état de cause, ce sujet reste très sensible. Il faudra attendre la loi « création » prévue courant 2014 pour voir si les souhaits du CSA de contrôler une partie du web se réalisent.
SOURCES
PAQUETTE (E.), « Le CSA veut contrôler Youtube, Dailymotion et Itunes », lexpansion.lexpress.fr, publié le 17.12.2013, consulté le 17.12.2013
Disponible sur : http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/le-csa-veut-controler-youtube-dailymotion-et-itunes_420662.html#xtor=AL-189
CSA, « Services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) », csa.fr, consulté le 26.12.2013
Disponible sur : http://www.csa.fr/Services-interactifs/Services-de-medias-audiovisuels-a-la-demande-SMAD
CSA, « Rapport au gouvernement sur l’application du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD », csa.fr , publié le 23.12.2013, consulté le 24.12.2013
DENIAUD (M.), « Streaming : le CSA veut contrôler Youtube, Dailymotion et Itunes », degroupnews.com, publié le 18.12.2013, consulté le 24.12.2013
Disponible sur : http://www.degroupnews.com/actualite/n9132-csa-youtube-svod-streaming-vod.html