A l’heure ou l’Espagne ne tolère plus l’avortement, et que des milliers de personnes en France manifestent en rouge et jaune contre l’interruption volontaire de grossesse, le parlement discute du projet de loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes. A travers ce texte transparait la volonté du gouvernement de renforcer sa position sur le droit à l’avortement, en place depuis la loi Veil de 1975.
La loi Neiertz du 27 janvier 1993 punit de deux mois à deux ans d’emprisonnement « l’entrave à l’avortement », c’est à dire le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher une interruption volontaire de grossesse, soit en perturbant l’accès aux établissements de santé pratiquant cet acte médical, soit en exerçant des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux dans ces établissement.
Un amendement déposé par la sénatrice du Parti Socialiste Laurence Rossignol prévoit d’élargir le champ d’application de ce délit, en sanctionnant toute personne qui tenteraient d’empêcher l’accès des femmes à l’information.
Mais que signifie cet élargissement ? A quoi fait exactement référence la sénatrice Laurence Rossignol ?
Des sites internet pratiquant la désinformation
Jusqu’à il y a quelques mois, avant la mise en place du site officiel du gouvernement ivg.gouv, apparaissaient dans les premiers résultats lorsque l’on tapait les mots “IVG” ou “avortement” dans les moteurs de recherche, des sites tels que ecouteivg.org, ou encore ivg.net. Ces sites apparaissent comme une aide aux femmes confrontées à une grossesse non désirée, permettant l’accès à des rubriques telles que « santé », « que faire ?» ou encore des forums leur permettant d’échanger avec d’autres femmes dans la même situation. Mais sous une apparente neutralité, ces sites développent en réalité un argumentaire anti IVG, mettant en valeur les témoignages de femmes ayant finalement gardé l’enfant, et la partie médicale ne traitant quant à elle que des dangers de l’IVG et du « syndrome post-abortif ».
Derrière le numéro vert proposé par ces sites, un véritable harcèlement moral est pratiqué auprès des femmes qui auraient laissé leur numéro de téléphone : appels incessants, tentative de persuasion de ne pas pratiquer d’avortement…
Le problème ne vient pas du fait que ces sites soient « pro-vie », mais plutôt leur présentation, que l’on pourrait aisément confondre avec un site « officiel », édité par le gouvernement : numéro vert, emploi des termes “centre national de documentation”… Mais en creusant un peu, on découvre dans les mentions légales que le webmaster du site ivg.org n’est autre que celui du site de l’association « Alliance Vita », association « pro-vie » crée par Christine Boutin, et qui s’est notamment illustrée dans la lutte contre la loi autorisant le mariage homosexuel. Or aujourd’hui, d’après une étude de l’INPES publiée en juin 2013, près de 35% des 15-30 ans utilisent internet pour des questions de santé et 80% de ces jeunes estiment que l’information recueillie est fiable.
Une réponse « musclée » du gouvernement
Dans un premier temps le gouvernement, sur l’initiative de la ministre du droit des femmes Najat Vallaud-Belkacem, a mis en place le site ivg.gouv, site officiel neutre dédié à l’information et au droit à l’IVG. L’objectif ? Que le site se place dans les dix premiers résultats apparaissant dans les moteurs de recherche pour les mots “IVG” ou “avortement”.
C’est désormais chose faite depuis le 22 janvier dernier, grâce au mouvement #IVGmoncorpsmondroit qui incite les internautes à se mobiliser en cliquant sur le lien du site officiel afin de le faire remonter en première position des résultats de recherche.
Mais le gouvernement souhaite aller plus loin sur cette question, et veut faire de l’édition de ces faux sites d’information un délit pénal, en élargissant le champ d’application du délit d’entrave à l’avortement, afin de ne plus condamner uniquement les actes visant à empêcher une IVG, mais aussi celles visant à empêcher l’accès à l’information.
La bataille continue…
Mais les « pro-vie » ne comptent pas se laisser faire, voyant cet amendement comme une véritable censure, et une atteinte à leur liberté d’expression. Pour eux les femmes, afin de prendre une décision éclairée, devraient avoir accès à tous les types d’information, et envisager chaque hypothèse avec la même conviction. Ils multiplient donc les actions visant à faire remonter leurs sites dans les premières places du classement, en appelant au soutien des internautes, notamment sur les réseaux sociaux.
Au sénat, l’amendement a déjà été adopté en septembre dernier, à l’unanimité.
Sources :
CHAMPEAU (G) « Editer un site anti-ivg pourrait devenir un délit pénal », www.numerama.com, publié le 20/01/14, consulté le 21/01/14, disponible sur http://www.numerama.com/magazine/28111-editer-un-site-anti-ivg-pourrait-devenir-un-delit-penal.html
LAURENT (S) « Les anti-ivg pratiquent la désinformation sur le web », www.lemonde.fr, publié le 25/02/13, consulté le 22/01/14, disponible sur http://www.numerama.com/magazine/28111-editer-un-site-anti-ivg-pourrait-devenir-un-delit-penal.html
GODEY (M) « Projet de loi égalité hommes-femmes : que dit vraiment le texte sur l’IVG ? », bfmtv.com, publié le 20/01/14, consulté le 22/01/14, disponible sur http://www.numerama.com/magazine/28111-editer-un-site-anti-ivg-pourrait-devenir-un-delit-penal.html