Au début du mois de février dernier, un homme se faisant appeler « Farid de la Morlette » a diffusé sur le réseau social Facebook des vidéos le mettant en scène dans lesquelles on peut le voir lancer violemment un chaton qui en retombant brutalement sur le sol se blesse. Suite aux signalements massifs de ce contenu choquant pour les internautes, l’individu a été déféré devant le Tribunal Correctionnel de Marseille seulement deux jours après la mise en ligne de la vidéo litigieuse. Ainsi, le lundi 3 février 2014, Farid a été condamné à un an de prison ferme au motif d’actes de cruauté commis envers un animal domestique ou apprivoisé en vertu de l’article 521-1 du Code pénal.
Cette affaire met en exergue l’impact des réseaux sociaux sur ceux qui réceptionnent les contenus puisque c’est les internautes eux-mêmes qui ont pu signaler le contenu de la vidéo illicite. Celle-ci concernant les tortures subies par l’animal démontre une nouvelle fois les limites de la liberté d’expression en cas d’atteinte à l’ordre public. Cela explique en effet, les raisons pour lesquelles la décision rendue par le Tribunal Correctionnel est exemplaire, dans la mesure où ce dernier a présenté sa solution rapidement. Toutefois, ces propos sont à nuancer car la propagation de vidéos du même genre est toujours possible sur les réseaux sociaux et l’affaire du « lanceur de chat » n’est donc pas un cas isolé.
Une condamnation jugée comme exemplaire rendue possible par la mobilisation des internautes sur les réseaux sociaux
Force est de constater que la mobilisation massive des internautes concernant la vidéo polémique a permis aux juges de condamner « Farid de la Morlette » dans les plus brefs délais. En effet, seulement deux jours après la mise en ligne de cette vidéo, ce dernier était déféré au Tribunal Correctionnel. Les internautes se sont en effet regroupés sur divers réseaux sociaux, principalement Facebook et Twitter pour dénoncer les méfaits d’un tel acte. Le dispositif de signalement inséré par les réseaux sociaux permettant aux internautes de signaler un abus a donc été efficace. L’impact attribué à ce mécanisme de retrait de contenu est tel, que Twitter condamné dans une décision de la cour d’appel de Paris du 12 juin 2013 faisant suite au non respect de l’ordonnance de référé du 24 janvier concernant un concours de blagues antisémites en raison d’un abus à la liberté d’expression, a certifié l’instauration d’un système de signalement au sein de son réseau afin d’éviter que de nouveaux abus soient observés.En outre, les réseaux sociaux prouvent une nouvelle fois leur fonction première de réseau, dans la mesure où ces derniers permettent de faire obstacle à la propagation de certaines atteintes à l’ordre public.
Toutefois, cette condamnation peut demeurer critiquable. En effet, bien que les juges aient reconnu que l’individu en question ait fait preuve « d’une absence de toute barrière morale et d’un sadisme froid », ces derniers ont témoigné de clémence car le tortionnaire a vu sa peine réduite de moitié. En effet, l’article 521-1 du Code pénal condamne à l’origine de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende « le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité ». Il convient également de rappeler que le bourreau du chaton malgré une peine amoindrie au regard de la cruauté des faits poursuivis fait face à une condamnation exemplaire dans la mesure où elle répond de facto aux sollicitations des internautes. En effet, une pétition réclamant une « condamnation exemplaire » du jeune homme circulait sur les réseaux sociaux dont le nombre de défendeurs ne faisait qu’accroitre au fil des minutes. Au total, c’est 260 000 signatures environ qui ont été comptabilisées en peu de temps. Toutefois, malgré le caractère irréprochable de cette sanction, celle-ci reste à relativiser car elle ne concerne qu’un cas isolé et cela signifie qu’elle ne pourra pas éviter la diffusion de vidéos de même type par la suite au sein de ces mêmes réseaux sociaux.
Une décision exemplaire n’empêchant pas la diffusion de vidéos de même nature sur les réseaux sociaux.
Suite à la condamnation de l’individu, la vidéo litigieuse a été retirée de Facebook mais d’autres sont alors apparues sur le réseau social. C’est une cascade de vidéos qui ont ainsi été diffusées et visibles par un grand nombre d’internaute. On pourrait citer comme exemple une vidéo dans laquelle un chien a été torturé ou encore une autre dans laquelle un handicapé se retrouve brutalisé par d’autres jeunes de son âge. Ces nouvelles séquences d’images mettent en lumière un autre aspect des réseaux sociaux ainsi que leurs effets néfastes sur les individus. La liberté d’expression, fortement protégée sur ces réseaux trouve ainsi tout son sens dans la mesure où tout individu peut diffuser une information ou une vidéo quelconque sur la page d’accueil de son réseau social. Toutefois, bien que la volonté des pouvoirs publics français soit d’encadrer cette liberté, il est loisible de constater que la rapidité de diffusion d’une information sur les réseaux sociaux l’emporte sur le droit. En effet, dans le cas où un contenu serait retiré, une multitude de vidéos équivoques de même nature pourraient être publiées dans le même temps.
Par ailleurs, l’affaire du lancer de cet animal réveille le problème de la qualification juridique du réseau social lorsqu’une responsabilité est recherchée. En effet, les réseaux sociaux bénéficient du statut d’hébergeur et à ce titre, leurs implications dans la diffusion de contenus sont moins en danger que s’ils disposaient du statut d’éditeur puisqu’ils ne sont pas responsables des informations diffusées par un tiers. Ils doivent dès lors retirer promptement les contenus « manifestement illicites. » dans un délai de 24h. Par ailleurs, ces derniers disposent d’une obligation de surveillance qui concerne principalement des contenus relatifs à la protection des mineurs à l’encontre des messages à caractère pornographique ou encore des contenus incitant à la mise en danger d’autrui. Ainsi, ceux relatifs aux cruautés effectuées envers les animaux pourraient sans aucune difficulté passer au travers de cette obligation. En effet, comment pourrait-t-on exiger le retrait d’un contenu attentatoire aux animaux alors même, que le Code Civil les considère seulement comme des biens meubles ou immeubles ?
La vidéo du lanceur de chat démontre ainsi les importantes lacunes juridiques en la matière.
Sources :
GARRIC (A.), « Chaton torturé : Une condamnation exemplaire », lemonde.fr, mis en ligne la 03 février 2014, consulté le 22 février 2014, <http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/02/03/chaton-torture-une-condamnation-exemplaire_4359214_3244.html>.
ANONYME, « Chat torturé : l’homme condamné à un an ferme », lexpress.fr, mis en ligne le 03 février 2014, consulté le 22 février 2014, <http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/chat-torture-l-homme-condamne-a-un-an-ferme_1319978.html.>
ANONYME, « Le “lanceur de chat” condamné à un an de prison ferme », nouvelobs.com, mis en ligne le 03 février 2014, consulté le 23 février 2014, <http://tempsreel.nouvelobs.com/vu-sur-le-web/20140203.OBS4782/marseille-l-homme-qui-torturait-un-chat-juge-ce-lundi.html>.
DEVEZEAUD (C.), « Le statut des hébergeurs face à la demande de retrait de vidéos exhibant des excès de vitesse ». iredic.com, mis en ligne le 04 février 2013, consulté le 23 février 2014, <https://iredic.fr/?p=11438>.