Le deuxième numéro de l’émission « Un soir à la Tour Eiffel » diffusé sur France 2 mercredi 9 octobre aura beaucoup fait parler de lui et en aura fait réagir plus d’un. Dans ce nouveau talk-show, Alessandra Sublet reçoit chaque semaine, au premier étage de la Tour Eiffel, un invité et des personnalités en lien avec ce dernier. Pour ce numéro, la présentatrice recevait l’écrivain et humoriste Nicolas Bedos venu annoncer la sortie de son nouveau livre, Les serments déchirés, écrit dans la plus grande discrétion. Au cours de l’interview, il révèle que ce livre relate sa relation de dix-sept mois avec l’ex-première dame, Valérie Trierweiler. Il n’en fallait pas plus pour que les réseaux sociaux et les médias ne s’enflamment sur cette nouvelle plus que surprenante. L’émission quant à elle, n’étant pas en direct, poursuit son cours normalement. Ce n’est qu’une heure plus tard, lorsque le générique de fin démarre, que la présentatrice et l’humoriste révèlent la supercherie, du livre aux révélations, tout était faux. Il explique alors qu’il voulait dénoncer à travers ce canular la « peopolisation » actuelle de la politique et l’emballement médiatique qui en découle.
Les répercutions de la supercherie sur l’émission
A l’heure du numérique, dévoiler une telle liaison à la télévision ne pouvait pas passer inaperçue. Instantanément après cette fausse révélation, les réseaux sociaux, dont Twitter, se sont enflammés pour relayer l’information, chacun y allant de son petit commentaire sur cette nouvelle relation adultérine de l’ex couple présidentiel. Les audiences de l’émission quant à elles étaient plutôt bonnes pour un programme diffusé en deuxième partie de soirée puisque le talk-show a été regardé par plus d’un million de téléspectateurs (9,1% des parts de marché), soit plus de 200 000 téléspectateurs de plus que pour la diffusion du premier numéro. Il reste à savoir à présent, si en acceptant de participer à ce canular, dès le deuxième numéro, les producteurs de l’émission n’ont pas pris le risque de voir la crédibilité du programme entachée. Les téléspectateurs ne risquent-ils pas pour les prochains invités de soupçonner un nouveau canular ? De ne pas avoir totalement confiance dans les révélations qui pourraient-être faites ? Le doute est permis. Quoi qu’il en soit, si l’objectif de la chaîne était de faire parler de cette nouvelle émission, le pari est réussi puisque la polémique créée autour de ce canular a été commentée par tous les médias. De plus, pour le numéro suivant consacré à Carla Bruni-Sarkozy, si les audiences ont légèrement diminuée, avec 900 000 téléspectateurs ( 7,8% des parts de marché), elles restent toujours plus élevées que celles du premier numéro. Donc si le buzz autour du canular n’aura pas permis de faire réellement augmenter les audiences, il aura au moins fait connaitre l’émission.
Un buzz médiatique programmé et assumé par France 2
L’émission ne se déroulant pas en direct, c’est en son âme et conscience que la chaîne publique France 2 a donné son accord pour la réalisation et la diffusion de cette supercherie. Si l’idée vient de Nicolas Bedos, France 2 a accepté à la condition que les téléspectateurs soient informés que tout ceci n’était qu’un canular. Pourtant, dès le lendemain de la diffusion, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) s’est saisi au titre de sa mission de veiller au respect de la déontologie dans les médias audiovisuels. S’il est rare que celui-ci sanctionne les chaînes pour ce genre de blague, France Télévision a néanmoins dans son cahier des charges une obligation d’honnêteté de l’information. Les sanctions pourraient être justifiées par le fait que le canular était trop bien fait, ce qui a pu induire en erreur le téléspectateur. En effet, il ne s’agissait pas d’une émission humoristique, l’interview menée par Alessandra Sublet avait été répétée avec l’humoriste, des passages du « faux » livre ont été cités, mais surtout la révélation de la supercherie a été trop tardive puisqu’elle n’a été faite qu’à la fin de l’émission. Les téléspectateurs n’avaient donc, pendant ce laps de temps, aucune raison douter de la véracité d’information. Les nombreuses réactions sur les réseaux sociaux et les médias ainsi que la polémique constituée par ce canular attestent que la supercherie a été totale. Si à l’heure actuelle, le CSA ne s’est pas encore prononcé sur cette affaire, il vraisemblable que seule une mise en garde pour manquement aux règles déontologiques ne soit adressée à la chaîne. Cette polémique fait cependant renaître le débat sur la liberté d’expression et ses limites.
La liberté d’expression face au respect de la vie privée
Il ne faudrait pas dans cette affaire oublier une des principales protagonistes de cette supercherie : Valérie Trierweiler. Cette dernière n’a pas été préalablement informée de la diffusion de ce canular, or, celui-ci porte directement atteinte à la vie privée de l’ex première dame. Le droit français prévoit cependant des exceptions à ce droit et notamment que l’atteinte au droit au respect de la vie privée n’est pas sanctionnée si l’information est en relation directe avec un événement d’actualité et ne porte atteinte à la dignité de la personne. Cependant, en l’espèce, il s’agit seulement d’humour et de critique de la société, et non pas d’information ou de débat public. Cette exception ne peut donc pas être retenue dans ce cas. De plus, la révélation tardive de la vérité a pu dans une certaine mesure porter atteinte à son honneur et sa réputation en laissant une part de doute dans l’esprit des gens, ce qui pourrait même être considéré comme de la diffamation. Pour l’heure, cependant, Valérie Trierwieiler n’a pas porté plainte contre l’humoriste, ni fait connaître son intention de le faire.
La polémique autour de cette affaire soulève à nouveau le débat sur le droit à l’humour qui avait déjà été évoqué lors de l’affaire Dieudonné pour justifier les propos antisémites qu’il avait tenu lors de son spectacle en 2008.Dans l’attente d’une décision du CSA, la polémique créée autour de ce canular n’aura peut être pas permis à Nicolas Bedos de dénoncer comme il le souhaitait la « peopolisation » de la politique, mais de prouver une fois de plus que la liberté d’expression n’est pas absolue et de confirmer l’expression selon laquelle les meilleures blagues sont les plus courtes.
Sources :
CHERON A., « Affaire Nicolas Bedos – Valérie Trierweiler sur France 2 : humour, liberté d’expression ou atteinte à la vie privée. », village-justice.com, mis en ligne le 14 octobre 2014, consulté le 19 octobre 2014, <http://www.village-justice.com/articles/Affaire-Nicolas-Bedos-Valerie,17998.html>
DENIS G., « Un soir à la Tour Eiffel : avec Carla Bruni-Sarkozy, les audiences repartent à la baisse », toutelatele.com, mis en ligne le 16 octobre 2014, consulté le 19 octobre 2014, <http://www.toutelatele.com/un-soir-a-la-tour-eiffel-avec-carla-bruni-sarkozy-les-audiences-repartent-a-la-baisse-64034>
MORIN F., « France 2 «assume» le canular de Nicolas Bedos », tvmag.lefigaro.fr, mis en ligne le 9 octobre 2014, consulté le 19 octobre 2014, <http://tvmag.lefigaro.fr/le-scan-tele/polemiques/2014/10/09/28003-20141009ARTFIG00118-france-2-assume-le-canular-de-nicolas-bedos.php>