“C’est l’enjeu du transfert de la bande de 700 MHz vers le secteur des télécoms”, c’est en ces termes péremptoires que le Président de la République annonce lors du discours de clôture du séminaire du CSA, la cession d’une partie des fréquences 700Mhz pour la téléphonie 4G. En réalité, cette déclaration ne vient que confirmer une décision prise unilatéralement par la présidence en mai 2013. Ces Ultra Hautes Fréquences (UHF), autrefois utilisées par la télévision, seront mises aux enchères à partir de 2015 pour un transfert effectif entre 2017 et 2019.
Aucune autre précision sur le calendrier. Seule certitude c’est l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’Arcep, qui sera chargé de lancer la procédure pour l’attribution des fréquences dans “un délai (…) impératif”.
En pratique, l’Arcep procédera à un examen attentif de plusieurs critères, à l’image de ce qu’elle a pu faire en 2011 lors de la mise en vente des bandes 800 et 2.600 MHz. Les candidatures doivent satisfaire à des critères de recevabilité qui ont pour “objet de vérifier que la candidature respecte les conditions de forme requises par l’appel à candidatures”. Au regard de l’article L.42-1 du code des postes et des communications électroniques, les demandeurs doivent être en capacité technique et financière de répondre aux obligations de l’exercice, faire une bonne utilisation des fréquences et veiller à la sauvegarde de l’ordre public. Si l’ensemble de ces critères est rempli, l’autorité notera chacune des offres formulées par les demandeurs, puis examinera les combinaisons d’offres des candidats et enfin sélectionnera la meilleure association.
L’enjeu est immense pour les opérateurs. Le spectre 700Mhz répondra plus facilement à l’explosion des usages en très haut débit mobile. Ces fréquences dites “en or” permettent une large diffusion du signal et une très bonne pénétration dans les immeubles. Les quatre opérateurs ne peuvent donc s’en passer, mais ne sont pas tous en position d’investir.
Une mise en vente au plus mauvais moment
L’arrivée de Free Mobile en 2012 a fragilisé ou redynamisé, selon le point de vue, le marché du mobile en France. Les opérateurs historiques estiment être en difficulté financière, et ne semblent pas être en situation d’investir de façon importante dans l’acquisition de nouvelles fréquences. Or l’Etat en attend près de 2 à 3 milliards d’euros de recettes dans le projet de loi de Finances pour 2015. Bouygues Télécom et Orange affirment ne pas avoir besoin pour l’instant de fréquences supplémentaires. Seul Free est vraiment intéressé par cette mise en vente pour compléter son réseau. Ce dernier dispose de trois fois moins de fréquences que la société de Martin BOUYGUES, et pour cause il n’a pu acheter les derniers spectres mis en vente.
Pour SFR « Il y a tromperie sur la marchandise ! ». En effet, en 2012 les opérateurs ont déboursé plus de 3,5 milliards d’euros. L’Etat affirmait alors que plus aucune fréquence ne serait mise en vente d’ici une dizaine d’années. La Société Française du Radiotéléphone menaçait il y a quelques mois encore d’un recours en Conseil d’Etat pour préjudice.
Ce n’est pas par hasard que le président officialise cette nouvelle devant les acteurs de l’audiovisuel. Le secteur espérait l’attribution de ces fréquences pour le déploiement de la Télévision Numérique Terrestre (TNT) en Haute Définition. Mais en réalité, le gouvernement anticipe une vision européenne qui privilégie l’utilisation des fréquences 700 Mhz dans le secteur des télécoms. Ainsi le rapport de Pascal LAMY présenté devant la Commission Européenne affirme que “la bande de 700 MHz (694-790 MHz) devrait être réaffectée au haut débit sans fil, moyennant toutefois un délai suffisant pour assurer une transition qui soit la moins coûteuse possible pour les utilisateurs du spectre et les citoyens et pour tenir compte de la diversité des niveaux de pénétration de la radiodiffusion hertzienne en Europe. L’échéance se situerait aux alentours de 2020, avec une tolérance de 2 ans.”
Une dernière question se pose au tour de la valorisation du patrimoine national. Le Conseil Constitutionnel pourrait s’intéresser à cette mise aux enchères d’autant plus que plusieurs observateurs considèrent que cette mise en vente se fait au plus mauvais moment.
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