Le 27 novembre dernier le Parlement européen a voté une motion hautement symbolique, qui invitait la Commission européenne à « envisager de séparer les moteurs de recherche des autres services commerciaux ».
Un contexte hostile à Google en Europe
Suite à la consécration le 13 mai dernier, par le juge européen, d’un véritable « droit à l’oubli » imposant à Google le déréférencement de certains contenus, l’entreprise américaine est aujourd’hui une nouvelle fois dans le viseur de l’Union européenne.
En effet, le jeudi 27 novembre les députés européens ont approuvé à une très large majorité (461 pour, 101 contre, et 88 abstentions) une résolution « pour la défense des droits des consommateurs sur le marché numérique », résolution qui vise, sans pour autant jamais la nommer, la société Google Incorporation.
Ce texte appelle ainsi la Commission européenne à « envisager des propositions afin de séparer les moteurs de recherche des autres services commerciaux ». Autrement dit, c’est un message fort qu’envoie le Parlement européen à la Commission, en l’invitant fermement à envisager un démantèlement pur et simple de Google. Celui-ci passerait par la dissociation entre le moteur de recherche d’une part, de tous les autres services commerciaux que Google propose d’autre part. Une telle scission permettrait d’empêcher Google d’abuser de sa position dominante, en restaurant le cadre du marché concurrentiel. C’est pourquoi le processus favoriserait la mise en place d’une saine concurrence dans le secteur, et susciterait donc la dynamisation du marché européen : les principales sociétés concurrentes de Google seraient moins dépendantes du moteur de recherche américain.
Le géant Google inquiète L’Europe
Il faut d’abord partir des chiffres, pour comprendre pourquoi Google inquiète tant l’Europe. Sur le vieux continent, non seulement la société emblématique de la Silicon Valley monopolise près de 90% des parts de marché, mais encore équipe 85% des Smartphones grâce a son système Androïd. Mais Google ne se résume plus à un simple moteur de recherche, dans la mesure où la société détient également Youtube, Google +, Blogger, Google Maps, Google Earth, Google AdWords, Google Traduction, Google Drive, ou encore Google Shopping. Il s’agit là de nombreux services, correspondant à ce qu’on appelle la « recherche verticale », et que l’entreprise Google propose en complément de son moteur de recherche. C’est pourquoi Google est accusé d’abuser de sa position quasi monopolistique, pour mettre en avant ses propres services.
Effectivement le Parlement européen accuse Google de manipuler les algorithmes informatiques, afin de mettre en avant ses propres services commerciaux, et ce évidemment au détriment de ses concurrents tels que Yelp, Bing, Qwant, Expedia ou Lastminute.com par exemple.
Un aveu de faiblesse du Parlement européen face au géant Google ?
Vient ensuite cette interrogation : l’entreprise Google doit elle craindre ce vote ?
Car si le Parlement européen a certes le pouvoir de soumettre ses résolutions à la Commission qui détient elle le monopole de l’initiative législative au niveau européen, le Parlement n’a pas le moindre pouvoir pour ordonner une éventuelle scission de Google, ni d’aucune autre entreprise d’ailleurs.
Ce texte est « sans effet sur Google, c’est un vote indicatif, le Parlement n’a aucune compétence en la matière. Mais c’est un moyen de mettre la pression sur la multinationale » reconnaissait ainsi un parlementaire.
Ce vote à portée hautement symbolique permet seulement de maintenir une pression suffisante sur la Commission européenne, qui mène depuis 2010 une enquête portant sur les pratiques anticoncurrentielles auxquelles se livre Google. Cependant, pour le moment, elle n’a jamais pris de mesures fermes à son encontre.
Dès lors, ce texte n’a qu’une portée symbolique, et non contraignante pour l’entreprise de Moutain View.
La défaillance de la Commission Européenne face à Google
La Commission Européenne avait, effectivement, à la suite de plusieurs plaintes déposées par des fournisseur de services en ligne, tels que Ciao, Foundem, Microsoft, Expedia, TripAdvisor ou encore Twenga, décidé d’ouvrir une enquête pour abus de position dominante en novembre 2010 ; sur le fondement de l’article 102 du TFUE. En effet ce dernier interdit le fait, pour une ou plusieurs entreprises, d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur de l’Union européenne.
Les entreprises plaignantes demandaient déjà à ce que Google procède à un référencement, et à un affichage loyal, afin que leurs services ne soient pas discriminés au moment de l’affichage du résultat de la recherche.
La Commission avait alors tenté à l’époque à plusieurs reprises de trouver un accord avec Google afin que le moteur de recherche modifie ses pratiques.
Justement, en février 2014, soit après quatre années d’enquête, Google et la Commission européenne avaient réussi à trouver un compromis, au sein duquel Google s’était engagé à faire des concessions sur la manière dont les résultats de ses concurrents s’affichent lors de la présentation des résultats de la recherche sur ses pages.
Aujourd’hui, force est de constater que le résultat de ces quatre années d’enquête est un réalité un aveu de faiblesse manifeste de la part de la Commission européenne puisque le problème est toujours le même. Ce qui démontre en réalité que la Commission n’avait pas osé prendre de sanction exemplaire à l’encontre du mastodonte qu’est Google.
Malgré la récente nomination de Margretge Vestager à la tête de la Direction Générale de la Concurrence au sein de la Commission Européenne, il n’en demeure pas moins que le vote du Parlement a peu de chances d’aboutir prochainement à un véritable démantèlement de Google. Néanmoins, l’entreprise américaine devrait commencer à prendre au sérieux la fronde européenne qui ne cesse de croitre …
SOURCES :
– CHARANY (A.), « Scission de Google, le gros coup de bluff du parlement »,01net.com, publié le 22 novembre 2014, consulté le 28 novembre 2014, <http://www.01net.com/editorial/633463/scission-de-google-le-gros-coup-de-bluff-du-parlement>
– DUCOURTIEUX (C.) et DELCAMBRE (A.), « L’Europe s’attaque symboliquement à Google », lemonde.fr, publié le 27 novembre 2014, consulté le 29 novembre 2014, <http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/11/27/l-europe-prete-a-en-decoudre-avec-google_4530357_3234.html#xIBpEFRyK92QU7Rf.99>
– GUILLARD (B.), « Face à Google, l’incroyable faiblesse de la Commission européenne », lemonde.fr, publié le 10 mars 2014, consulté le 29 novembre 2014, <http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/03/10/face-a-google-l-incroyable-faiblesse-de-la-commission-europeenne_4380194_3232.html#ImI6kr5mElYg0TSo.99>