« Broadcast Yourself », tel est le slogan de la célèbre plateforme Youtube. Ce service a été créé en 2005 par trois employés de l’entreprise Paypal, Steve Chen, Chad Hurley et Jawed Karim. Il permet d’écouter des vidéos en streaming. Depuis lors, l’activité et l’attractivité du site n’ont cessées de croître. En France, le mode de visionnage de musique en streaming c’est-à-dire sans téléchargement est de plus en plus prisé. Selon une étude menée par la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet sur le volume de consommation des biens et services culturels dématérialisés, en juin 2013, 84% des personnes interrogées plébiscitaient le streaming pour accéder à des œuvres dématérialisées. Sur ces 84%, 66% déclaraient écouter de la musique en streaming. La même étude révèle que les sites les les plus utilisés pour écouter de la musique en streaming sont YouTube (54%) et Deezer (23%).
En 2006, Google a acquis Youtube pour un montant de 1,65 milliard de dollars. Le 17 novembre 2014, l’entreprise américaine faisait évoluer son service en annonçant l’arrivée de Youtube Musick Key. Ce service qui se présente comme une alternative au modèle traditionnel de financement utilisé par Youtube suscite des interrogations quant à son succès.
- Le financement traditionnel par la publicité en ligne
Selon la loi pour la loi pour la confiance dans l’économie numérique, Youtube est un hébergeur de contenu, il s’agit d’ une personne morale : « qui assure, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services » (Article 6-1-2). L’hébergeur de contenu permet à l’internaute de visionner des vidéos en streaming gratuitement. L’accès étant gratuit, l’hébergeur utilise les publicités en ligne afin de dégager des revenus. Selon le cabinet d’analyse eMarketer il semble qu’en 2013, les revenus publicitaires de la plateforme s’élevaient à 5,6 milliards de dollars. Cette année Youtube peut également remercier le chanteur coréen Psy dont le clip Gangnam style visionné plus de 2 milliards de fois a permis d’engranger 8 millions de dollars de recettes publicitaires. Les recettes publicitaires sont réparties entre Youtube qui s’octroie 45% et les personnes qui ont participé au processus de création de la vidéo sur la plateforme (55%). Les annonceurs peuvent utiliser la régie publicitaire de Google Adsense afin de publier leurs messages publicitaires sur Youtube. Il est intéressant de voir sous quels formats se présentent ces publicités. En effet, il existe plusieurs façons d’intégrer de la publicité en ligne dans une vidéo. Par le biais du « instream », la publicité est insérée avant (préroll), pendant (midroll), ou après (post roll) le flux de vidéo original. Le message publicitaire ne peut être interrompu par l’utilisateur. La seconde méthode nommée « trueview instream » fonctionne sur le même principe que la première à la seule différence que la publicité est désactivable au bout de quelques secondes, d’où le message « skip ad » ou « ignorer l’annonce » qui laisse le choix à l’internaute au bout de cinq secondes. Les bannières « invideo » également appelées « overlays » permettent la superposition d’un élément publicitaire à la vidéo principale, cet élément s’affiche de manière transparente dans le coin inférieur de la vidéo. Enfin, la dernière méthode est celle de l’annonce graphique qui apparaît à droite de la sélection vidéos et au dessus de la liste de suggestion de vidéos.
- L’abonnement, une alternative pour échapper au financement par la publicité en ligne
Bien que la publicité en ligne permet de dégager des bénéfices substantiels pour le site. Elle ne fait pas le bonheur des internautes qui s’agacent de sa présence. Dans ce contexte, de nombreux logiciels sont apparus ces dernières années dans l’optique d’empêcher la publicité, l’un des plus populaire étant « adblock plus ». La directrice de Youtube, Susan Wojcicki a bien compris la situation et a tenu les propos suivants à l’occasion de la conférence Code/Mobile organisée le 27 octobre 2014 en Californie : « jusqu’à maintenant, YouTube vit grâce à la publicité, ce qui est une bonne chose puisque cela nous a permis de toucher des milliards d’internautes. Mais nous sommes arrivés à un stade où certains ne veulent plus voir de publicités ». Moins d’un mois plus tard le service Youtube Music Key sous version bêta a vu le jour aux États-Unis, en Espagne, en Italie, en Finlande et en Grande-Bretagne. Son étendu au grand public est prévu pour l’été prochain. La mise en route du service a été salué par le directeur de l’Union des Producteurs Phonographiques Indépendants Jérôme Roger qui estime qu’il : « va permettre de stimuler la concurrence entre opérateurs et d’accélérer sans nul doute la croissance du streaming, qui pourrait constituer à l’horizon 2018 le modèle dominant en matière de consommation de musique ». Accessoire au service Youtube classique, il est disponible sur les appareils mobiles, les smartphones et les tablettes, il permet un streaming illimité de vidéos musicales sans publicités mais en contrepartie d’un abonnement promotionnel d’un montant de 7,99 dollars par mois qui se stabilisera à 9,99 dollars. En se basant sur un nouvel modèle économique, Youtube Music Key représente ainsi une alternative au modèle traditionnel. Mais pourquoi payer quant il est possible d’accéder gratuitement aux mêmes vidéos. Certains utilisateurs ne sont pas foncièrement dérangés par la présence de publicités. Google a donc pris soin d’ajouter d’autres fonctionnalités au service. En effet, comme pour certains services de vidéos à la demande, il sera possible d’écouter des musiques en mode hors ligne. D’autre part les titulaires d’un téléphone mobile pourront vaquer à leurs occupations tout en laissant en fond sonore une musique sélectionnée sur Youtube, écouter des albums entiers d’artistes ou accéder à des playlists préprogrammées. Enfin, les abonnées de Google Play Music All Access qui disposent déjà d’un catalogue de 30 millions de titres pourront accéder automatiquement à Youtube Music Key. Cette synergie des services conduit à une bibliothèque musicale extrêmement diverse qui menace directement les concurrents tels que Deezer et Spotify qui offrent également un service streaming premium. C’est probablement dans cette fonction que réside le coup de maître orchestré par Google. Pour autant, ces fonctionnalités seront-elles suffisantes pour convaincre les internautes ? Le coût en vaut-il le coup ? Le service Youtube Music Key ne concerne pas la France pour l’instant mais l’on peut déjà douter de son succès. En effet, un sondage OpinionWay pour Mozoo publié le 3 décembre 2014 révèle que seulement 13% des personnes interrogées seraient prêtent à payer en plus du coût du fournisseur d’accès internet pour disposer d’un internet sans publicités alors que 78% se disent gênées par celle-ci. La majorité refusent donc de financer un internet sans publicités. Autant dire que le financement par la publicité en ligne n’est pas prêt de disparaître totalement et a encore de beaux jour devant lui.
Sources:
Note Midem 2014 consommation de musique dématérialisée., « HADOPI, Département recherche, étude et veille, la consommation de musique dématérialisée » mis en ligne le 29 janvier, consulté le 28 décembre 2014, http://www.hadopi.fr/sites/default/files/Note%20Midem%202014%20-consommation%20de%20musique%20dematerialisee.pdf, p 15
Étude carnets de consommation., « Etude du volume de consommation des biens et services culturels dématérialisés » mis en ligne le, consulté le 28 décembre 2014, mis en ligne le 26 juin 2013, http://www.hadopi.fr/sites/default/files/page/pdf/HADOPI-OPINION-WAY-26062013-Carnet_de_consommation%20%282%29.pdf