Internet est une ressource formidable pour améliorer ses connaissances et pour accéder à l’information. Il est aussi un excellent moyen pour faire entendre sa voix. En effet, Internet est un moyen nous permettant d’exercer notre liberté d’expression, ce qui est devenu encore plus facile avec l’essor des réseaux sociaux. Malheureusement, tout progrès connait des défauts et des détournements. Internet ne fait pas exception à la règle. Des personnes mal intentionnées se sont servi de cet outil afin de pratiquer des activités illégales et aujourd’hui ce sont les terroristes qui s’en servent pour développer leurs réseaux, recruter de nouveaux membres ou au moins trouver de nouveaux adeptes. C’est ce qu’ont mis en lumière les attentats qui ont eu lieu le 07 janvier 2015 à Paris.
Internet soumis aux exceptions légales en matière de liberté d’expression
La liberté d’expression est protégée, en France elle est consacré à l’article 11 de la Déclaration de droits de l’homme et du citoyen. Bien qu’elle soit la règle elle n’est pas absolue et connait des exceptions, notamment en matière d’ordre public, de propos interdits par la loi ou de sécurité publique. C’est lorsque les contenus présents sur internet sont choquants ou qu’ils portent atteinte à l’un des éléments précités que le droit à la liberté d’expression peut être limité comme sur n’importe quel autre support.
Pharos, l’outil de lutte contre la violence sur internet
C’est notamment en 2009, suite à la publication sur internet de nombreuses vidéos choquantes et de publications inappropriées que le gouvernement a décidé de réagir en créant le site internet-signalement.gouv.fr. Ce site permet aux internautes de signaler aux autorités tout contenu ou comportement qui leur semblerait interdit par la loi. Le procédé est simple, il suffit à l’internaute qui verrait une vidéo d’un jeune lançant un chaton contre un mur, des propos racistes ou antisémites sur un blog ou des actes de pédopornographie sur un site ou tout autre contenu choquant de se connecter sur ce site, de cliquer sur « signalement » et d’y décrire le contenu qui lui semble illégal. Ensuite, les signalements sont re-dirigés vers une plateforme gérée par les policiers et gendarmes de l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC). Cette plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements communément appelée Pharos va faire le tri entre les différents signalements et vérifier si ceux-ci sont bien répréhensibles par la loi. Le signalement constitutif d’une infraction sera alors dirigé vers le service compétent concerné. Cela peut être la police, la gendarmerie ou les services de douanes par exemple. Cela peut aussi parfois déboucher sur une enquête. Ce mécanisme qui restait assez méconnu du grand public a tout de même permis d’avoir 124 000 signalements en 2013 dont 500 ont donnés lieu à des enquêtes. Pour 50% d’entre eux, il s’agit d’escroqueries sur internet, 10% sont des atteintes sur mineur et pour 12% il s’agit de propos racistes ou d’incitation à la violence.
3 721 messages favorables aux attentas de Charlie Hebdos recensés grâce à Pharos
Les attentats ayant eu lieu à Charlie Hebdo le 07 janvier 2015 ont suscité un élan de soutien en France et dans le monde entier que cela soit dans les rues comme sur internet et notamment sur les réseaux sociaux. Cependant, des voix dissonantes ont été entendues sur les réseaux sociaux. En effet, certains ont salué les actes perpétrés par les deux terroristes énonçant que ce qui était arrivé était un juste retour des choses. La population qui s’était insurgée contre l’atrocité de ces actes s’est aussi mobilisée pour dénoncer ces comportements puisque 3 721 messages faisant l’apologie du terrorisme ont été recensés grâce à Pharos. Cela ne signifie pas que tous les messages publiés seront sanctionnés car pas tous tomberont sous le coup de la loi pénale. Néanmoins, cela permettra d’identifier ceux susceptibles d’être punis par la loi.
Le 13 novembre 2014, une loi a été adoptée afin de lutter plus efficacement contre le terrorisme. Cette loi a créé l’article 421-2-5 du code pénal qui considère l’utilisation d’internet pour la commission de tels faits comme une circonstance aggravante. En effet, selon cet article, le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou d’en faire publiquement l’apologie est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. C’est à cette sanction que s’expose un homme qui dès le 8 janvier s’est écrié « vive les assassins de la police » devant des policiers. La sanction est portée à 7 ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque ces faits sont commis sur internet. Il suffit que les propos soient constitutifs d’une apologie du terrorisme et qu’il soient diffusés par le biais d’un service de communication au public en ligne. Les 3 721 messages ne seront certainement pas considérés comme tels mais cela pourrait vraisemblablement permettre de mener quelques enquêtes et de sanctionner certains auteurs de ces propos odieux. D’ailleurs, un homme doit être jugé devant le tribunal correctionnel de Strasbourg pour avoir fait l’apologie de l’attentat de Charlie Hebdo.
Certains messages ont déjà pu être retirés des réseaux sociaux ou de certains sites internet. La loi du 13 novembre permet également à l’autorité administrative de demander aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) de bloquer l’accès aux sites faisant l’apologie du terrorisme. Après les attentats plusieurs ministres et élus ont demandé un contrôle renforcé du web et surtout des réseaux sociaux afin d’éviter une propagation des propos haineux. Il est important d’endiguer ce phénomène que ce soit dans un sens ou dans l’autre afin d’éviter une montée de violence dans les rues et des débordements. Les ministres de l’intérieur de 11 pays ont appelé à renforcer cette collaboration avec les FAI.
La plupart des personnalités politiques appellent à une mobilisation importante afin de lutter contre l’apologie du terrorisme. Il semblerait que cette mobilisation ait été entendue. En effet, à Toulouse trois hommes âgées de 20 à 25 ans qui avaient manifesté leur solidarité aux jihadistes des attentats de Charlie Hebdo ont été condamnés à des peines de prison ferme. Le juge avait demandé 18 mois de prison ferme pour les deux premiers qui ont finalement été condamnés à 10 mois. Pour le dernier, le juge avait demandé 12 mois qui se sont finalement soldés par une condamnation à 3 mois. Un toulonnais de 27 ans qui avait écrit sur sa page Facebook « on a bien tapé, mettez la djellaba, on ne va pas se rendre il y a d’autres frères à Marseille » a été condamné à un an de prison dont trois mois fermes.
Des sanctions sévères prononcées à Marseille
Suites aux attentats, plusieurs arrestations et condamnations ont eu lieu également à Marseille. Au TGI de cette ville, il y a en moyenne trois arrestations par jour concernant l’apologie du terrorisme et les peines prononcées sont sévères. En effet, lorsque les personnes faisant l’apologie du terrorisme ont en plus un « petit » casier elles prennent en général deux ans d’emprisonnement. Pour les peines de moins de deux ans, des mandats de dépôt sont demandés à l’audience à chaque fois. La répression est donc sévère, sachant qu’habituellement on ne va pas en prison quand une peine de moins de deux ans est prononcée, celle-ci se soldant par des mesures alternatives à l’enfermement telles que le placement sous surveillance électronique mobile autorisée par le juge d’application des peines.
Dieudonné n’échappera certainement pas à la règlementation
C’est suite à la déclaration sur son compte Facebook du polémiste selon laquelle il disait se sentir « Charlie Coulibaly » après les attentats de Charlie Hebdo qu’une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme. Dans cette déclaration, Dieudonné associe le slogan de soutien aux victimes au nom du terroriste ayant tué une policière et quatre otages. Pour ces propos, il sera jugé en correctionnelle le 4 février. Le premier ministre a décidé de faire de Dieudonné un combat personnel et a précisé qu’il fallait prendre des « mesures draconiennes ». Il faut dire que ce n’est pas la première fois qu’il fait une telle apologie. En effet, en septembre dernier une enquête avait déjà été ouverte pour les mêmes faits suite à la publication d’une vidéo où la décapitation était présentée comme un progrès et l’accès à la civilisation.
En conclusion on peut dire que suite à ces évènements d’une extrême gravité, il y a une réelle volonté d’appliquer la loi afin d’endiguer le phénomène et d’éviter qu’internet ne devienne un instrument au service du terrorisme.
Sources :
REES M., « Charlie Hebdo : 3 721 messages d’apologie du terrorisme recensés sur Internet », nextinpact.com, mis en ligne le 09 janvier 2015, consulté le 10 janvier 2015, <http://www.nextinpact.com/news/91682-charlie-hebdo-3-721-messages-en-ligne-accuses-dapologie-terrorisme.htm>
BERNE X., « Pharos : 8 000 signalements d’internautes transmis à la police pour enquête en 2013 », nextinpact.com, mis en ligne le 27 novembre 2014, consulté le 11 janvier 2015, <http://www.nextinpact.com/news/91115-pharos-8-000-signalements-d-internautes-transmis-a-police-pour-enquete-en-2013.htm>
ANONYME., « Le gouvernement annonce vouloir encadrer davantage les réseaux sociaux », lemonde.fr, mis en ligne le 12 janvier 2015, consulté le 12 janvier 2015, <http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/01/12/le-gouvernement-annonce-vouloir-encadrer-davantage-les-reseaux-sociaux_4554254_4408996.html>