Depuis le 10 décembre dernier, la chaîne d’information en continue France 24 est désormais diffusée en direct et en streaming sur Youtube, une première pour une chaîne de télévision française.
Une véritable ouverture sur le monde
Lançait en 2006, la chaîne France 24 propriété du groupe France Média Monde a pour ambition initiale d’offrir à la France une chaîne d’information internationale afin de concurrencer des géants de l’information tels que la BBC, CNN ou Al Jazeera. Preuve de cette politique d’ouverture sur le monde, France 24 est diffusée en trois langues, français, anglais et arabe. En 2013, la chaîne était déjà accessible dans le monde entier, dans plus de 250 millions de foyers à travers 177 pays et sur les cinq continents.
Ainsi, dans cette volonté de s’ouvrir toujours plus sur le monde, la chaîne a décidé de diffuser un flux en direct sur la plus populaire des plateformes de vidéos en ligne. Selon le communiqué de presse de la chaîne, cette nouvelle diffusion s’inscrit « dans une stratégie globale de syndication multi-supports et multilingue des chaînes du groupe France Médias Monde leur permettant d’accroitre l’accessibilité de leurs contenus en offrant de nouvelles passerelles vers leurs services numériques ».
Une première incursion chez le géant américain
La chaîne est désormais diffusée en direct 24h/24 et 7j/7 sur la plateforme, une première pour une chaîne de télévision française. A l’international, des chaînes d’informations comme Skynews, Al Jazeera ou Euronews ont déjà opté pour cette solution de streaming en direct sur Youtube. Mais, en France le seul cas similaire est celui de la chaîne parlementaire LCP qui est également diffusée en streaming live sur la plateforme de vidéo en ligne d’Orange, Dailymotion. En effet, l’accès au direct en streaming des chaînes de télévision françaises via des plateformes de vidéo en ligne reste encore une curiosité. L’accès au flux en direct d’une chaîne de télévision se fait en général via les sites internet des chaînes et via leurs propres plateformes de diffusion, comme TF1 sur WatTV.
Jusqu’ici les chaînes de télévision françaises limitaient leurs partenariats avec le géant américain à la simple diffusion d’extraits vidéo. A ce titre, France 24 avait déjà conclu en 2006 un partenariat avec Youtube pour la diffusion d’extraits vidéo. De plus en plus de chaînes de télévision réticentes à la base ont finalement plié face à la visibilité sans comparaison que peut offrir la plateforme américaine. Ainsi, en 2013 Canal + avait finalement décidé de lancer sa page Youtube afin de diffuser ses divers contenus. Récemment, TF1 et Youtube ont également enterré la hache de guerre. La fin d’une bataille judiciaire qui laisse présager l’arrivée imminente mais tardive de la première chaine française sur la plateforme.
Mais jusqu’ici aucune chaîne n’avait encore opté pour le choix d’une diffusion en direct sur Youtube. Ce nouveau cas de figure permet de relancer le débat sur la régulation des plateformes de vidéo en ligne par le CSA.
Vers une régulation des plateformes de vidéos en ligne par le CSA ?
Les plateformes de vidéo en ligne telles que Youtube et Dailymotion échappent au domaine de régulation du conseil supérieur de l’audiovisuel. La loi du 30 septembre 1986 n’est pas applicable aux plateformes de vidéos en ligne. Ces plateformes ne relèvent pas de la communication audiovisuelle, mais de la communication au public en ligne. En effet, ces plateformes ont le statut juridique d’hébergeur, elles sont soumises à loi pour la confiance en l’économie numérique (LCEN) de 2004. Ainsi, un même programme disponible via la télévision et via ces plateformes de vidéos en ligne n’est pas soumis aux mêmes règles.
Le cas de la chaîne France 24 étant jusqu’à maintenant inédit, se pose la question de sa régulation. En effet, Youtube étant une plateforme de vidéo en ligne, le CSA ne devrait pas être compétent. Cependant, dans le cas du streaming live des chaînes de télévision sur internet à l’instar des Web TV, le CSA a toujours prôné la neutralité technologique. C’est-à-dire que pour le CSA, les éditeurs de chaînes sur internet utilisent uniquement internet d’un point de vue technique. La diffusion de France 24 sur Youtube n’est que l’extension en temps réel de ce qui est diffusé au même moment à la télévision. Ainsi, tant que le service correspond à la définition d’un service de télévision, il relève du droit de la communication audiovisuelle et du domaine de régulation du CSA.
Cependant, comme l’indique le communiqué de presse de la chaîne, il sera également proposé sur la plateforme de vidéo en ligne la diffusion d’événements exclusifs en direct. Des programmes inédits à la télévision seront diffusés directement sur Youtube. Or, dans ce cas on ne pourra plus parler de neutralité technologique ou de continuité. Par ailleurs, France 24 continuera de proposer des extraits vidéo sur sa page Youtube, qui devraient logiquement toujours échapper à la régulation du CSA. Ainsi, il y aura potentiellement sur une même page plusieurs programmes soumis à des régimes de régulation différents.
C’est pour cette raison, que depuis quelques temps le CSA milite pour étendre le spectre de sa régulation aux plateformes de vidéos en ligne et plus largement à tout internet afin de mettre fin au différentiel qui peut apparaître pour un même contenu. Ce qui est notamment le cas dans le cadre de la protection de l’enfance et de l’adolescence, qui bénéficie d’un cadre plus strict dans la loi du 30 septembre 1986. Un « lobbying » présent dans le dernier rapport annuel 2013 du CSA qui préconisait entre autres, une régulation étendue aux services audiovisuels numériques. Une nouvelle catégorie qui engloberait désormais les plateformes de vidéos en ligne. Qui plus est, le rapport Lescure, préconisait également de rétablir l’équité fiscale en englobant les plateformes vidéos en ligne dans la catégorie des SMAD pour lesquels le CSA est compétent.
Ainsi, reste à attendre que le CSA se prononce clairement sur le cas de France 24 afin de définir les contours de sa régulation. Mais, si à l’avenir d’autres chaînes de télévision venaient à opter pour ce même mode de diffusion, le CSA tiendrait alors un argument imparable dans sa conquête de la régulation des plateformes de vidéos en ligne.
SOURCES :
– LEGRAND (D.), « France 24 débarque en direct sur Youtube, en 720p », nextimpact.com, mise en ligne le 10 décembre 2014. <http://www.nextinpact.com/news/91343-france-24-debarque-en-direct-sur-youtube-en-720p.htm>
– ANONYME, « France 24 désormais disponible en direct sur Youtube », france24.com, mise en ligne le 10 décembre 2014. <http://www.france24.com/fr/france24-direct-youtube/>