En avril 2015, les juridictions britanniques ont pris des mesures afin de restreindre l’accès à la plateforme PopCorn Time. Ces mesures ont été reprises par les juridictions italiennes en août 2015 afin d’obstruer le développement du logiciel. En effet, en France, comme en Europe, les autorités prennent de plus en plus de sanctions à l’encontre des sites de téléchargements illégaux, qui se voient fermer les uns après les autres. On retrouve parmi eux des sites en pair à pair ou en anglais, « peer to peer » comme Megaupload ou encore Pirate Bay. Cependant, il est fréquent que ces mêmes sites, une fois fermés, ré-ouvrent par la suite. Depuis quelques années, s’est ajouté un problème supplémentaire, le modèle de PopCorn Time.
La création d’un logiciel illégal performant
PopCorn Time est un logiciel libre de lecture continue de vidéos par internet, via le pair à pair. Cette application a été créée par un groupe de développeurs de Buenos Aires et est disponible au public depuis février 2014. Elle permet aux internautes de visionner des œuvres cinématographiques et audiovisuelles en continu et sans publicité. Le système peut apparaitre, à première vue comme un site de streaming, dans la mesure où aucun fichier ne semble être téléchargé, mais il n’en est rien.
A l’inverse, le logiciel est basé sur le partage en pair à pair. En effet, l’internaute en visionnant l’œuvre cinématographique ou audiovisuelle, effectue un téléchargement illégal. L’innovation effectuée par les développeurs apparait dans le fait que le fichier est téléchargé simultanément à sa lecture, et il n’est pas stocké par la suite dans l’ordinateur de l’internaute, on parle en informatique de mémoire cache. Il s’agit d’une mémoire qui enregistre temporairement des copies de données provenant d’une source, afin de diminuer le temps d’un nouvel accès en lecture d’un matériel informatique à ces données.
Le problème réside dans le fait que les internautes ne sont absolument pas conscients de télécharger illégalement. L’application est facilement disponible sur internet et l’interface créée est similaire à celle des services de médias à la demande (ou SMAD) comme Netflix. En 2015, PopCorn Time a, de ce fait été désigné comme un des concurrents principaux de Netflix.
Dans un souci de respect des droits d’auteur, et notamment de l’article L311-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, les juridictions ont pour objectif de fermer les sites de téléchargement illégal. De nombreuses mesures ont été prises par les autorités compétentes en la matière, cependant, la création de PopCorn Time a entrainé de nouvelles difficultés.
Les mesures insuffisantes prises par les juridictions
En avril 2015, la justice britannique a ordonné des mesures afin de bloquer une série de sites liés au logiciel PopCorn Time. Ce blocage a permis de rendre plus difficile l’accès à l’application et également d’effectuer les éventuelles mises à jour disponibles. La Haute Cour britannique a de ce fait limité le téléchargement de l’application en elle-même, mais les internautes l’ayant déjà installé sont toujours en mesure de télécharger illégalement. Cette décision a sans doute inspiré les juridictions italiennes qui ont prises des mesures similaires en août 2015, mais ces dernières sont-elles suffisantes ?
En France, la loi Hadopi, du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, sanctionne les internautes et tente de limiter le téléchargement illégal d’œuvres présentes sur internet. Bien que de nombreux sites de téléchargements soient fermés, la plupart d’entre eux ré-ouvrent soit en modifiant le nom de domaine (cela fut le cas de MegaUpload qui a été ré-ouvert sous le nom de Mega), soit en modifiant simplement le suffixe.
Les créateurs de PopCorn Time revendiquent leur logiciel comme étant légal dans la mesure où ils ne sont pas créateur de contenus. En effet, ils considèrent que leur action constitue la création d’une simple base de données permettant l’accès aux œuvres présentes sur différents sites, le logiciel n’héberge donc aucun contenu. Toutefois, cet argument ne peut être recevable puisque la source des œuvres utilisée est à l’origine, illégale.
S’agissant du procédé de mémoire cache, utilisé par le logiciel, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), a affirmé, le 5 juin 2014 que « l’article 5 de la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, relative à l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens que les copies sur l’écran d’ordinateur de l’utilisateur et les copies dans le « cache » du disque dur de cet ordinateur, effectuées par un utilisateur final au cours de la consultation d’un site internet, satisfont aux conditions selon lesquelles ces copies doivent être provisoires, présenter un caractère transitoire ou accessoire et constituer une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique, ainsi qu’aux conditions fixées à l’article 5, paragraphe 5, de cette directive et peuvent dès lors être réalisées sans l’autorisation des titulaires de droits d’auteur. ». Cette décision rendue par la CJUE rend la fermeture de PopCorn Time d’autant plus difficile.
Tandis ce que la bataille menée contre les sites de téléchargements illégaux se poursuit, la France n’a toujours pas ordonner les mesures nécessaires afin de limiter l’accès à l’application. En effet, lorsque l’on recherche PopCorn Time sur l’internet, les premiers liens disponibles sont les sites permettant de télécharger l’application. Cependant, on peut être amené à se demander s’il est de l’ordre du possible de fermer le logiciel.
Une justice dépassée par de nouveaux moyens technologiques
Alors qu’il est d’ores et déjà difficile de fermer définitivement un site de téléchargement, les développeurs créent des logiciels qui semblent toujours plus sécurisés. Les juridictions sont donc contraintes de trouver des solutions innovantes. En France, l’offre légale se développe progressivement, cependant, il ne pourra en aucun cas être un frein au téléchargement illégal. En effet, PopCorn Time ne respecte pas la chronologie des médias, ce qui permet aux internautes français de visionner les œuvres peu de temps après leur sortie officielle.
Tandis que dans les autres pays, les juridictions s’efforcent à fermer les sites illégaux, la loi française sanctionne l’acte de contrefaçon au moyen de l’article L335-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, modifié par la loi protection et liberté de 2009 ; mais semble davantage mettre l’accent sur la sanction des internautes, l’objectif étant purement dissuasif. Cette approche a prouvé ses limites dans la mesure où la loi comporte des failles évidentes, la rendant peu répressive.
Enfin, les développeurs de PopCorn Time invitent les internautes français à se munir de VPN, qui permettent de camoufler l’adresse IP des utilisateurs. L’application évolue de jours en jours et les menaces de poursuites sont toujours plus grandes, c’est pourquoi les créateurs ont publié le code du logiciel sur internet (PopCorn Time est désormais un logiciel OpenSource). L’application a donc été reprise par différentes équipes de développeurs qui ont ainsi créé popcorntime.io et popcorntime.se. L’application offre aujourd’hui des options que n’offrent pas Netflix, comme par exemple, la possibilité de visionner des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles sur son smartphone, ou encore de les visionner sans connexion internet.
Il y a 4 jours, un lycéen serbe de 15 ans, Milan Kragujevic, a développé une version web de PopCorn Time, PopcornTime Browser, une version désormais directement disponible depuis le navigateur Internet, sans installation de logiciel. Bien que l’industrie du cinéma américain se félicite de la fermeture instantanée du navigateur (3 jours seulement après son ouverture), il ne faut pas oublier que celle-ci a été effectuée par nul autre que le créateur lui-même de cette version. En effet, la Motion Picture Association of America a fait pression sur le jeune développeur, qui a préférer se retirer.
Cependant, cette victoire est en demi-teinte, dans la mesure où cette fermeture n’est pas le résultat d’une décision de justice quelconque. La législation doit sans cesse être adaptée afin de palier aux manquements en matière de téléchargement illégal (et notamment le procédé de mémoire cache).
Sources
LE NOUVEL OBSERVATEUR, « PopCorn Time, le site de téléchargement illégal qui se veut indestructible », consulté le 10 octobre 2015, http://tempsreel.nouvelobs.com/les-internets/20150520.OBS9271/popcorn-time-le-site-de-telechargement-illegal-qui-se-veut-indestructible.html
IRIS MERLIN – Base de données d’informations juridiques relative au secteur audiovisuel en Europe, consulté le 11 octobre 2015, http://merlin.obs.coe.int/iris/2015/6/article18.fr.html
HADOPI – Haute Autorité de la diffusion des œuvres et de la protection des droits sur internet, consulté le 12 octobre 2015, http://www.hadopi.fr/ressources/rapport-annuel
KONBINI – All pop everything, « Popcorn Time : la version web tire le rideau », consulté le 21 octobre 2015, « http://www.konbini.com/fr/tendances-2/version-web-de-popcorn-time-tire-le-rideau/ »
LE MONDE – « Pourquoi utiliser Popcorn Time présente des risques, consulté le 22 octobre 2015, « http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/12/19/pourquoi-utiliser-popcorn-time-presente-des-risques_4541219_4408996.html#EkmYyOMpvfbKLVUp.99 »