Depuis la démocratisation du tatouage au sein de notre société, se sont posées différents problèmes en ce qui concerne les droits de propriétés intellectuelles du tatoueur mais aussi du porteur. Il est toutefois clair qu’il existe des différences de conceptions en la matière entre les Etats-Unis et la France et cela avant tout en ce qui concerne la reconnaissance du tatouage en temps qu’oeuvre d’art.
Ainsi, au début du mois de février 2016, le jeu vidéo « NBA 2K16 » est poursuivi aux États-Unis pour la reproduction de plusieurs tatouages de sportifs. Il est vrai que la compagnie, qui développe le jeu vidéo, communique principalement sur le réalisme de ses graphismes et notamment en diffusant des images de basketteur portant des tatouages qui sont parfaitement reproduits. C’est à ce titre que le plaignant, une société du Delaware, revendique la gestion des droits des tatouages portés sur plusieurs stars de la NBA.
L’art corporel pose ainsi un certain nombre de questions, notamment, si on reconnaît un droit d’auteur en matière de tatouage, qui est le titulaire du droit ? La titularité pourrait en effet être attribuée au tatoueur, ou au porteur du tatouage, ou encore à une tierce personne qui l’aurait dessiné.
Il est donc intéressant de faire une comparaison entre les conceptions française et américaine de la reconnaissance du tatouage en tant qu’oeuvre.
• La reconnaissance par le juge américain d’un droit de copyright.
Le copyright, inscrit au titre 17 du United States Code, est le pendant américain du droit d’auteur français. Celui-ci exige deux conditions à la reconnaissance de la qualité d’oeuvre :
– la fixation sur un support stable dans le temps.
– L’originalité.
Toutefois, bien que ces critères semblent similaires à ceux du droit d’auteur français, il existe des différences d’interprétation. En effet, dans le modèle américain, la reconnaissance de la qualité d’oeuvre a plutôt une volonté économique comme le prouve la définition anglo-saxonne de l’originalité basée sur la « sweat of the brow theory ». Les tribunaux américains exigent ainsi de l’auteur qu’il démontre un certain degré de compétence, de travail et de jugement pour que son œuvre soit considérée comme originale.
C’est sur la base de ces critères que certains tatoueurs ont, ces dernières années, porté plainte pour la reproduction de leur « oeuvre ». Toutefois, la qualité d’oeuvre n’a encore jamais été reconnu par le juge comme on peut le voir dans les différentes affaires. On trouve tout particulièrement deux cas ayant eu un fort retentissement.
Le premier est celui de l’affaire Victor Withmill contre la société Warner Bros en 2011 pour la reproduction des tatouages du célèbre boxeur, Mike Tyson, dans le film Very Bad Trip 2. Victor Withmill était le tatoueur de Mike Tyson ayant réalisé le tatouage facial de l’athlète. Le problème, en l’espèce, était que le tatouage avait été reproduit sur un autre acteur, sans en avoir demandé l’autorisation. À ce titre, l’artiste avait réclamé, avant la sortie du film, le retrait de toutes les scènes où apparaissaient le tatouage, ou bien l’annulation de la diffusion en salle.
En l’espèce, les parties ont préféré conclure l’affaire par un « accord amiable », terme que l’on peut interpréter comme une compensation importante offerte au tatoueur par la société de production, chose courante aux Etats-Unis.
En revanche, la seconde affaire opposant le tatoueur Christopher Escobedo à l’éditeur du jeux vidéo, « UFC Undisputed », THQ avait aboutit, pour la reproduction du tatouage d’un athlète, au paiement d’une compensation de 22 500 dollars.
Il y a donc, aux Etats-Unis, une véritable volonté de reconnaissance du tatouage en tant qu’oeuvre. Toutefois, selon l’artiste tatoueur français Tin-Tin, fondateur du Syndicat National des Artistes Tatoueurs, ces affaires doivent se régler au cas par cas. Selon lui, si l’on doit reconnaître un droit patrimonial, le tatouage faisant partie intégrante d’un être humain, il faut se demander si la reproduction a eue lieu pour faire apparaitre le porteur du tatouage ou uniquement à cause du tatouage lui même. Ainsi, si on prend le cas de l’affaire du jeux vidéo « UFC Undisputed », la reproduction a eu lieu car le sportif à été choisi pour ses qualités sportives et non ses tatouages.
Bien-sûr, c’est une conception économique de la reconnaissance d’un droit d’auteur sur le tatouage, conception qui n’est absolument pas reconnue en France.
• L’absence du tatouage dans le droit d’auteur français.
Il est tout d’abord important de préciser que le tatouage n’est pas présent dans la liste non exhaustive des créations considérés comme oeuvre de l’esprit par l’article L112-2 du code de la propriété intellectuelle. Ainsi, bien que l’article L112-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination », l’absence de mention du tatouage à l’article précédent est un premier indice quant à sa reconnaissance en tant qu’oeuvre.
Le second indice est d’un autre ordre puisqu’en effet, selon un arrêt du Conseil d’Etat du 21 Octobre 2013, les tatouages ne figurant pas au nombre des réalisations considérées comme des oeuvres d’art, limitativement énumérées par les dispositions du II de l’article 98 A de l’annexe III au code général des impôts, ils ne sauraient être assimilés à une gravure et ne peuvent donc bénéficier du taux réduit applicable aux oeuvre d’arts.
Le tatouage n’est donc pas à l’heure actuelle reconnu comme oeuvre de l’esprit. On peut toutefois imaginer que la porte n’est pas fermée quant à la reconnaissance d’un droit d’auteur pour le créateur du tatouage. En effet, il s’agit ici d’un arrêt du Conseil d’Etat qui relève uniquement que le tatouage ne fait pas partie de la liste limitative des oeuvres bénéficiant du taux réduit de TVA. Ce serait à la cour de Cassation de se prononcer sur la question, chose qui n’a toujours pas été faite à l’heure actuelle.
Toutefois, bien que le tatouage n’ait pas à l’heure actuelle de véritable protection par le droit d’auteur, le dessin d’origine qui le compose est quant à lui reconnu comme une oeuvre de l’esprit. On est donc qu’à un pas de la protection du tatouage, avec toutefois un problème qui se pose toujours. En effet si on reconnaît un droit d’auteur au tatoueur en tant que créateur, puisque dessinateur du dessin original, celui-ci ne doit pas interdire au porteur de s’approprier son image et donc de pouvoir bénéficier librement des éléments de son corps.
Il est donc important dans un premier temps que la qualité d’oeuvre soit reconnu au tatouage, mais également que dans un second temps que soit concilié les droits de l’artistes et ceux du porteur du tatouage. Cela devrait donc passer logiquement par un cadre textuel adapté.
AUDUREAU (.W), « Le jeu vidéo « NBA 2K16 » poursuivi pour avoir reproduit les tatouages de sportifs », lemonde.fr consulté le 6 février 2016, publié le 3 février 2016, http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/02/03/le-jeu-video-nba-2k16-poursuivi-pour-avoir-reproduit-les-tatouages-de-sportifs_4858712_4408996.html
CLÉMENT (N.), « Droit d’auteur : votre tatouage vous appartient-il vraiment ? », konbini.fr, consulté le 6 février 2016, publié le 31 juillet 2014, www.konbini.com/fr/tendances-2/tatouage-droit-dauteur/
Recueil Lebon – Recueil des décisions du conseil d’Etat 2013, « TVA : les tatouages ne bénéficient pas du taux réservé aux oeuvres d’art », dalloz.fr, consulté le 7 février 2016, www.dalloz.fr.lama.univ-amu.fr/documentation/Document?id=LEBON/JURIS/2013/0597&ctxt=0_YSR0MT1Ecm9pdCBkJ2F1dGV1ciB0YXRvdWFnZcKneCRzZj1wYWdlLXJlY2hlcmNoZQ==&ctxtl=0_cyRwYWdlTnVtPTHCp3MkdHJpZGF0ZT1GYWxzZcKncyRzbE5iUGFnPTIwwqdzJGlzYWJvPVRydWXCp3MkcGFnaW5nPVRydWXCp3Mkb25nbGV0PQ==&nrf=0_UmVjaGVyY2hlfExpc3Rl