Depuis le mois de février, le réseau social twitter vient de faciliter l’usage des Gifs par les aficionados du genre, ces derniers tendant à être de plus en plus nombreux. Les utilisateurs peuvent désormais directement piocher parmi un catalogue d’images animées accessible via la plateforme. Sur le réseau social, les « twittos » vont en avoir une utilisation dans le but d’exprimer principalement leurs émotions. Cette bibliothèque est réalisée à partir d’un partenariat avec deux sociétés, dont l’une, GIPHY, possède une liste impressionnante de partenaires disponible sur leur site, au titre duquel figure 20th Century Fox, HBO, Disney, « Game of Thrones » ou encore Calvin Klein. Cependant, hors partenariat comme en l’espèce avec twitter, quels problèmes juridiques sont alors soulevés par les Gifs ?
COMMENÇONS PAR DÉFINIR CE QU’EST UN GIF
Le mot Gif signifie « Graphics Interchange Format ». Ce format, permet la compression de plusieurs images au format GIF dans un seul et même fichier. La succession des images, dans un laps de temps relativement court, va donner à l’utilisateur l’impression d’une image animée. Cependant le format GIF, originellement breveté, est désormais utilisable librement par tout le monde car tombé dans le domaine public.
SE POSE ALORS LA QUESTION DE CONNAITRE LE RÉGIME APPLICABLE AUX GIFS
Aucune question n’est à se poser concernant les Gifs « Homemade », à partir d’images dont l’auteur est titulaire des droits, créant alors des contenus qui lui sont propres. Quand est-il en revanche lorsque la création de ces Gifs met en jeu les droits issus d’oeuvres préexistantes ? En effet, on peut remarquer que souvent les Gifs vont être réalisés à partir d’images tirées de films, de séries, d’émissions télévisées… et ce, sans autorisation des titulaires ou ayants droits, pour être communiqués au public. La jurisprudence sur le sujet est quasi inexistante. Ici nous n’allons nous intéresser qu’au cas de l’oeuvre qui n’est pas tombée dans le domaine public.
LE GIF FACE AUX DROITS D’AUTEUR
Deux exceptions aux droits d’auteur issues du Code de la propriété intellectuelle (CPI) vont ici nous intéresser. Celles-ci figurent à l’article L122-5 du Code précité.
L’EXCEPTION DE COURTE CITATION
Cette exception mise en oeuvre par le CPI à l’article L122-5, alinéa 3, permettrait à l’auteur d’un Gif son utilisation sans pour autant requérir au préalable l’accord de l’auteur de l’oeuvre. Cependant, pour pouvoir être mise en jeu, trois conditions cumulatives devront être remplies.
La première condition est relative à la brièveté de la citation. En effet, la représentation ou la reproduction d’un extrait d’une oeuvre ne peut s’apparenter à une courte citation que si elle est courte. La durée d’un Gif ne durant que quelques secondes, le juge n’aurait sans nul doute aucune difficulté à apprécier du respect de cette première condition.
La seconde condition se rapporte quant à elle aux droits moraux de l’auteur, plus précisément à son droit de paternité. Il devra donc clairement être fait mention de l’auteur ainsi que de l’oeuvre première pour pouvoir prétendre relever de l’exception. A défaut il s’agirait alors d’une atteinte au droit moral. Cette seconde condition ne pose pas de difficulté particulière lorsque on l’a transpose au Gif. On peut très bien imaginer ces mentions en légende par exemple.
La troisième et dernière condition en revanche est plus délicate ici. La citation devra être faite, dans un but justifié « par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées ».
Cependant, le Gif relève plus du divertissement et cette troisième condition semble plus difficile à remplir. De plus, la Cour de cassation tend à ne faire s’appliquer l’exercice de l’exception de citation qu’en matière littéraire. Les juges sont hostiles à étendre l’exception pour certaines catégories d’oeuvres, à savoir pour les oeuvres musicales, plastiques, graphiques ou encore audiovisuelles. Difficile donc d’étendre cette exception au droit d’auteur pour l’usage des Gifs. A ce sujet, l’avocat Benjamin MONTELS (spécialiste du droit d’auteur et de l’audiovisuel), se prononce cependant en faveur de l’application de cette exception « le code de la propriété intellectuelle ne faisant pas de distinction sur le genre des oeuvres ».
Comme le souligne le professeur Valérie Laure BENABOU dans un rapport du CSPLA sur “Les oeuvres transformatives”, les possibilités de mise en oeuvre de cette exceptions sont aujourd’hui peu compatibles « avec l’évolution technologique qui conduit les hommes à déployer des moyens de communication qui ne passent plus seulement par l’écrit mais aussi par le son et l’image. Ainsi, la limitation de la citation au domaine littéraire semble devoir être frappée d’obsolescence ».
L’EXCEPTION DE PARODIE
On pourrait également envisager la mise en oeuvre d’une autre exception de l’article L122-5 pour permettre l’utilisation d’un Gif la encore sans autorisation de l’auteur. Le même article, dans son 4 ème alinéa dispose que, l’auteur ne peut interdire « la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ».
Le Gif poursuivant dans la majorité des cas un but humoristique, notamment du fait d’un texte associé, pourrait entrer dans le champ de cette exception. Il conviendrait alors au juge d’en apprécier, et ce au cas par cas, mais aucune jurisprudence n’a à ce jour été rendue sur la question.
LE CAS TRANCHÉ DES GIF CONCERNANT DES REPRÉSENTATIONS SPORTIVES
En matière sportive, l’utilisation du Gif n’est pas admise du fait des intérêts en balance, notamment des droits de diffusion acquis par les chaines. Cela a été illustré dans des affaires récentes aux Etats unis mais également en France, notamment par une mise en demeure émanant de la Ligue de Football professionnelle à l’encontre du site internet « Les cahiers du foot », concernant l’utilisation de Gifs au sein de la rubrique “La boîte à GIF”, dont les images étaient issues de compétitions sportives. Comme le souligne justement Julien LAUSSON pour Numérama, les vidéos des matchs se trouvaient pourtant accessibles sur la plateforme en ligne YouTube, parlant alors « d’un exemple navrant d’une application du droit d’auteur poussée à l’extrême ».
UN CADRE JURIDIQUE INCERTAIN
Le vide jurisprudentiel en matière de GIF nous laisse donc dans un cadre juridique incertain. On peut cependant penser, qu’avec l’engouement dont font actuellement l’objet les Gifs et la monétisation qui pourrait alors suivre, des contentieux apparaissent. La prudence est donc de mise.
SOURCES :
BENABOU (V. L.) , Rapport de la mission du CSPLA sur «Les oeuvres transformatives » , P54/114.
BROUZE (E.), “Droits d’auteur ; pourriez-vous être attaqué pour un GIF animé ?”, rue89.nouvelobs.com, publié le 02/04/2015, consulté le 29/02/2016, “http://rue89.nouvelobs.com/2015/04/02/droits-dauteur-pourriez-etre-attaque-gif-anime-258342”.
CAHEN (M.), “Les Gifs et le droit d’auteur”, journaldunet.com, publié le 09/11/2015, consulté le 29/02/2016, “http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/62633/les-gifs-et-le-droit-d-auteur.shtml”.
OLIVEAU (T.), “GIF et Vine de sport: qu’a-t-on le droit de faire sur internet ?”, bfmbusiness.bfmtv.com, publié le 15/10/2015, consulté le 29/02/2015, “http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/gif-et-vine-de-sport-qu-a-t-on-le-droit-de-faire-sur-internet-922656.html”.