En Novembre, une campagne de prévention contre le Sida à destination de personnes homosexuelles est apparue dans les rues, afin de les sensibiliser contre la maladie. Ce choix d’affiches répond à une motivation sanitaire et médicale, puisque, de fait, il est constaté que cette maladie touche, aujourd’hui, de nombreux couples homosexuels. Elle fut rapidement retirée dans certaines villes au motif d’une certaine immoralité et « corruption » des enfants sur la vision d’un couple. Représentant principalement des couples gays enlacés, celle-ci a laissé transparaitre, sur fond de croisade politique, certains abus contraires aux valeurs essentielles de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
Un consentement à la dégradation d’affiches de prévention sanitaire au service de l’intérêt général
Ces affiches ont déchainé les passions, notamment chez les associations conservatrices, telle que La Manif pour tous, et les maires de partis politiques de droite. Elles ont été l’objet de nombreuses réactions, dont des dégradations physiques vantées sur les réseaux sociaux.
En effet, un acte de vandalisme a été partagé à travers des photos sur le réseau social Twitter, par un partisan de la première heure de La Manif pour tous, avec pour légende : « Nettoyage en cours à deux pas d’une école primaire ». Cet acte a été salué par de nombreuses personnes, dont certaines personnalités politiques telles que Christine Boutin, anciennement Ministre sous le gouvernement Fillon et récemment condamné par la Cour d’Appel de Paris pour incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle.
Il faut rappeler, en premier lieu, que suivant l’article 17 de la Loi du 29 Juillet 1881 « ceux qui auront enlevé, déchiré, recouvert ou altéré par un procédé quelconque, de manière à les travestir ou à les rendre illisibles, les affiches apposées par ordre de l’Administration dans les emplacements à ce réservés, seront punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 3° classe. ». Un tel acte est donc supposé entrainer une condamnation judiciaire, d’autant plus qu’il est exposé au grand jour sur les réseaux sociaux.
Son exposition incontrôlable sur le net participe à la propagation d’une forme de provocation à la haine en raison de l’orientation sexuelle. L’acte de dégradation de l’affiche contient en lui seul deux infractions de presse. En effet, la provocation aux crimes et délits est punie par la loi du 29 Juillet 1881 avec les articles 23 et 24. La loi dispose que « seront punis ceux qui auront provoqué à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle » à l’aide de « support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ».
Cet acte de vandalisme laisse apparaitre un message beaucoup plus important qu’une simple dégradation d’affiche. Sa divulgation sur les réseaux sociaux participe à une incitation à la discrimination de certaines personnes en raison de leur orientation ou identité sexuelle.
Le plus inquiétant est sans doute l’approbation plus ou moins explicite d’une ancienne Ministre, et de ce fait d’une certaine partie de la classe politique censée représenter et défendre les libertés fondamentales de la République. Ce geste impartial, ainsi qu’un certain silence de certaines autorités à dénoncer un tel acte, peut engendrer un sentiment de banalisation de la discrimination et à une stigmatisation de certains groupes de personnes.
Un déchainement de propos injurieux à caractère discriminatoire sur les réseaux sociaux
Et si seulement cette campagne n’était que victime d’une dégradation de ses affiches… Aujourd’hui, il est bien connu que les réseaux sociaux sont un nid à délits en tout genre. Ces affiches de prévention n’ont pas été épargné. En effet, elles ont fait l’objet de nombreuses injures à caractère discriminatoire sur le net.
La discrimination est définie par l’article 225-1 du Code pénal comme « toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de l’origine, du sexe, de la situation de famille, de la grossesse, de l’apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur, du patronyme, du lieu de résidence, de l’état de santé, de la perte d’autonomie, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre, de l’âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes physiques. »
Durant tout le mois de Novembre, un débat a mis en émoi les réseaux sociaux. Il opposait les personnes pour et contre cette campagne de sensibilisation contre le Sida. Si la liberté d’expression est reine sur Internet, il n’empêche que certains propos litigieux entrainent une condamnation.
La lutte contre la discrimination fait partie de ces combats menés sur Internet, réprimant naturellement la liberté d’expression illimitée que semble fournir le net.
Cette répression se fait à l’aide du délit d’injure dont dispose la loi du 29 Juillet 1881 en son article 33. Elle est définie par l’article 29 comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ».
L’injure est discriminatoire lorsqu’elle vise à mépriser un groupe de personnes déterminé, ici en raison de leur orientation sexuelle.
Malheureusement, tous les propos litigieux publiés ne peuvent pas faire l’objet d’une condamnation.
Cependant, bien qu’ils ne puissent être condamnés sur le net, le motif de retrait de ces affiches ne pourrait-il pas dissimuler une certaine forme d’injure à caractère discriminatoire et donc être condamnable ?
Une instrumentalisation idéologique et politique entrainant la répression de la liberté d’expression ?
Ces affiches de prévention ont fait l’objet d’un retrait des panneaux d’affichage dans une dizaine de villes.
Le motif de leur retrait visait principalement à protéger les mineurs. Cette campagne de prévention a été considéré comme portant « atteinte à la dignité au risque de heurter la sensibilité de l’enfance et de la jeunesse » et « contraire aux bonnes moeurs et à la moralité » dans certaines communes.
Il est évident que la campagne de prévention fut censurée au détriment d’un message sanitaire d’intérêt général.
Cette censure pose certaines questions. D’une part, n’est-il pas contraire au droit du public à recevoir l’information d’avoir accès à ces affiches porteuses d’un message d’intérêt général ? En effet, le Sida est une maladie qui touche de nombreuses personnes quelque soit leur orientation sexuelle.
D’autre part, l’utilisation vivace du motif de protection des mineurs à l’égard d’une telle campagne, considérée comme « immorale », ne serait-elle pas un mirage pour cacher une forme de discrimination portant sur l’orientation sexuelle ? Ceci peut dénoter une forme d’instrumentalisation propre au contexte politique.
Cependant, si tel est le cas, il s’agirait d’une répression à la liberté d’expression pour des raisons toutes autres que celles établies par les articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
Aujourd’hui, on peut s’apercevoir d’une certaine instrumentalisation et manipulation politique au profit d’une certaine idéologie et au détriment d’un pluralisme culturel. Ceci dessine une forme d’entrave à la liberté d’expression qui semble s’opposer aux véritables motivations d’une restriction à cette liberté fondamentale établies par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
SOURCES :
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DE MARESCHAL (E), « Plusieurs maires de droite font retirer des affiches controversées sur le VIH », publié le 22 Novembre 2016, consulté le 20 Décembre 2016,
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/11/22/01016-20161122ARTFIG00323-plusieurs-maires-de-droite-font-retirer-des-affiches-controversees-sur-le-vih.php
HERVÉ (E), « Affiches dégradées par des membres de La Manif pour tous : signalement au parquet », publié le 18 Novembre 2016, consulté le 20 Décembre 2016,
http://www.bfmtv.com/societe/affiche-degradee-par-des-membres-de-la-manif-pour-tous-le-parquet-saisi-pour-appel-a-la-haine-1060954.html