La force invasive de l’internet, alliée à l’ampleur des réseaux sociaux a mené à l’émergence d’un nouveau phénomène : le « trolling ».
Dans le sillage de l’image de la bête au physique repoussant et à la bienveillance fort discutable, le « troll » tel qu’on l’entend sur la toile revêt deux significations de nos jours :
Soit cela désigne l’action consistant en une publication provocante, un commentaire désobligeant, pouvant faire appel au sarcasme, à un humour noir, afin de susciter de vives réactions, des polémiques. Cette manœuvre, que l’on pourrait qualifier de simple canular, peut aussi s’apparenter à un acte purement méchant et insultant.
Soit le « troll » vise l’interlocuteur même à l’origine de l’action, dont la seule motivation consiste à toucher un nombre important de personnes, sans chercher à dialoguer ni à argumenter par la suite.
A l’ère de l’internet, les trolls sont omniprésents : articles, commentaires, forums, mails, sites internet, pages Facebook, comptes Tweeter …
Il faut bien garder à l’esprit que cette pratique peut autant relever du divertissement (au goût parfois douteux, certes), que de la malveillance chaotique.
Ainsi, face à l’étendue de ce phénomène, les constatations suivantes ont pu être établies :
– Eradiquer totalement les comptes de ces trolls est impossible. En effet, malgré la possibilité d’obtenir leur bannissement par les responsables du réseau, il sera toujours possible de créer d’autres comptes par la suite, en espérant seulement l’épuisement de ces internautes malintentionnés.
– Interdire l’option « commentaire » priverait l’utilisateur de s’exprimer sur le sujet.
– La liberté d’expression est mise en balance avec cette agressivité gratuite à la disposition de n’importe quelle personne confortablement installée derrière son écran, créant une impression de zone de non-droit.
– Banalisation de la violence verbale, des stigmatisations, des discriminations de tout ordre.
– Création d’un nouveau mode de communication pour les internautes : Tweeter permet par exemple d’interpeller directement une marque, un service public, un grand groupe.
– Le rôle grandissant des Community Manager qui prennent à contre-pied les trolls, en tirant partie de la manœuvre : à l’aide de réponses drôles et bien senties, les Community Manager bénéficient d’une toute nouvelle notoriété.
Le trolling : encouragé par un sentiment de désinhibition
Dopé par la force des réseaux sociaux, le mot qui fâche est devenu banal, facile à formuler, puisque de son smartphone, l’utilisateur peut publier ou commenter en quelques secondes et toucher des centaines voire des milliers de personnes.
Le partage de vidéos, de photos, de captures d’écran est devenu d’une facilité déconcertante.
A cela, ajoutez les montages, réalisés avec plus ou moins de finesse et de talent, et vous obtenez une multitude de trolls disséminés sur la toile.
N’importe quel sujet est bon à prendre : du braquage de la starlette Kim Kardashian, aux candidatures pour l’élection présidentielle française, en passant par la nouvelle coupe de cheveux de Justin Bieber.
L’imagination et la créativité des internautes sont sans limites.
Alors que l’emploi d’un ton satirique ou d’un humour piquant peut être bien accueilli, certains internautes dépassent souvent le simple stade de la farce, pour finalement verser dans la violence, la menace ou encore le harcèlement.
La cause : ce sentiment d’impunité justifié par le fait que l’utilisateur a l’impression d’être une aiguille dans une botte de foin.
En effet, s’exprimer sur internet nécessite seulement du matériel (ordinateur ou smartphone), une connexion, et un compte crée en quelques minutes.
Anonymisé derrière un pseudonyme et noyé parmi d’innombrables utilisateurs, l’internaute peut se sentir intouchable, et donc se permettre une attitude éloignée de toutes les règles les plus élémentaires de courtoisie, qu’il ne manquerait probablement pas de respecter dans la vie réelle (ou IRL – In Real Life).
Les conséquences peuvent être dévastatrices, puisque le trolling peut verser dans le cyber harcèlement avec ces mouvements acharnés, contre des personnes lambdas, tout comme des personnalités bénéficiant d’une certaine notoriété.
Les remarques peuvent évoluer en insultes, voire menaces de haute gravité qui justifieraient un dépôt de plainte si elles avaient été proférées de vive voix.
Or, le fait que ces actions soient relayées sur internet et par des milliers d’internautes, rend difficile l’identification originaire du mal, puisque l’effet boule de neige ne peut prendre que quelques heures voire quelques minutes.
Au mieux la victime ignore les commentaires ou y réplique par un commentaire ou se retire du réseau social, au pire des cas des suicides ont pu faire l’objet des faits divers…
Des études menées ont pu identifier les trolls les plus agressifs comme des personnes atteintes de troubles de la personnalité : psychopathie, narcissisme, sadisme, etc.
La course aux vues, likes et retweets serait ainsi une sorte de reconnaissance et une manière d’exister.
Étrangement, alors qu’internet a libéré la prise de parole, qui peut donc dépasser le politiquement correct, le trolling a suscité des effets négatifs dans d’autres domaines, notamment dans celui du journalisme.
Face aux vives réactions et détournements que certains sujets peuvent désormais susciter, les journalistes eux-mêmes, représentants de la libre information, en viennent à s’autocensurer en évitant d’aborder certains sujets tels que la dépénalisation de la drogue, l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, les orientations sexuelles, les convictions religieuses ou les affirmations politiques.
Alors qu’encadrer et repousser ce phénomène parait fort ardu, une nouvelle mouvance nait peu à peu, en réponse à ces trolls parasites : l’humour cassant et intelligent, notamment par les Community Manager.
Les nouvelles stars du milieu : les Community Manager
Le rôle du Community Manager (animateur de communauté) consiste à animer et à fédérer des communautés sur Internet pour le compte d’une société, d’une marque, d’une célébrité ou d’une institution.
Endossant un rôle de plus en stratégique, le Community Manager se distinguer ces derniers temps, principalement sur les réseaux sociaux, dont le plus touché est Tweeter.
Un tweet est un petit message de 140 caractères maximum diffusé sur la plateforme Twitter. Les tweets d’un auteur sont diffusés auprès de ses followers ou abonnés, c’est à dire les individus ayant choisi de suivre la publication de ses petits messages.
Ces tweets peuvent obtenir des likes et être rediffusés par la suite par d’autres utilisateurs.
Ainsi, un simple message, accompagné éventuellement d’une image peut bénéficier d’une portée extraordinaire, et peut être encore plus valorisé par l’emploi de hashtags.
Les Community Manager ont donc commencé à se démarquer à l’aide de répliques légères, voire grinçantes. Cette nouvelle pratique mêlant humour et savoir-vivre, permet souvent de faire taire des internautes agressifs, tout en obtenant une meilleure cohésion de sa propre communauté, ou permettant de séduire de nouveaux internautes.
Ces nouvelles réponses, que l’on pourrait qualifier en souriant de « mode alternatif de règlement des litiges » ont fini par avoir une autre ampleur puisqu’elles sont devenues une nouvelle source de divertissement et donc de communication, de publicité pour les enseignes (ou même des personnalités connues. Ex : Le chanteur décalé Julien Doré est connu pour ses réponses sans détours alliant sarcasme et ironie).
Avec l’art et la manière, les Community Managers parviennent à neutraliser habilement ces trolls dont la portée parasite est altérée, en devenant des pions et permettant de fédérer toujours plus la communauté.
Un Tumblr s’est même amusé à répertorier les meilleures réponses de ces Community Manager, et c’est un véritable régal à la lecture.
Outre cette manière de contourner les ambitions néfastes des trolls, des solutions tentent d’être apportées, l’actualité s’étant emparé du sujet.
La recherche de solutions alternatives
Tandis que la lutte contre les trolls a pu faire l’objet d’une très sérieuse conférence, et largement fréquentée fin 2015, durant laquelle Linus Neumann, un hacker allemand, distillait ses précieux conseils pour isoler et tourner en dérision les trolls malveillants par des attitudes à adopter ou la mise en place de réglages techniques de modération, des concepteurs réfléchissent à d’autres manières de décourager les utilisateurs malveillants.
Dernièrement, un site norvégien de la radio-télévision publique a mis provisoirement un nouveau dispositif pour en tester l’efficacité : pour laisser un commentaire, l’internaute doit répondre à un questionnaire concernant l’article qu’il a potentiellement lu.
S’il répond aux trois questions à choix multiples, l’utilisateur pourra enfin s’exprimer.
Par cette technique, le site espère décourager les trolls, et favoriser l’expression de commentaires positifs.
Une question demeure cependant : qu’en est-il du droit ?
Internet est-il voué à demeurer un vaste espace de communication permettant les dérives les plus abusives sans sanctions aucunes ?
Même si certains cas médiatisés ont pu mener à la fermeture de comptes malveillants, voire de mises en examen de certains internautes (surtout pour le cas d’acharnement personnel, de cyber harcèlement), force est de constater que le trolling, dans sa version la plus malveillante, est une sorte de traduction de l’adage « dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas », grâce à la dématérialisation de la pratique.
Pour l’heure, les moyens les plus efficaces pour lutter contre les trolls demeurent dans l’intelligence de la réponse : l’indifférence, la réplique savante, ou encore des obstacles d’ordre technique.
Sources :
– http://www.hacking-social.com/
– http://www.usine-digitale.fr/