Considéré au départ comme un marché de niche, les drones ont réussi à séduire un large public. Par leur facilité d’utilisation, ils ont conquis le coeur de nombreux amateurs de modèles réduits, d’aéronautique et de photographie. Même si les prévisions économiques n’ont pas été pleinement atteintes, cette technologie offre de belles promesses pour l’avenir tant les usages, notamment dans le secteur professionnel, semblent variés. Cet outil trouvera une application certaine dans la vie de nombreux utilisateurs au même titre qu’internet et la téléphonie mobile. Avec un fort taux d’équipement envisagé dans les années à venir, la législation française doit suffisamment s’armer pour anticiper les différents usages en leur donnant une définition légale.
Trou d’air et bulle dans le secteur industriel des drones
Le drone n’est plus un objet de curiosité, il est même encré dans l’espace technologique, à tel point que lors du dernier Consumer Electronics Show de Las Vegas il n’était plus au centre des attentions. La société française Parrot n’a même pas fait acte de présence. Les visiteurs ne se bousculent plus pour approcher et tester de tels produits.
L’intérêt des consommateurs pour les aéronefs s’essouffle-t-il ?
Le secteur des drones a subi un léger « trou d’air » ces derniers mois. De nombreux fabricants ont dû revoir leur stratégie de développement à la baisse. Parrot et le constructeur chinois Yuneec ont réduit leurs effectifs. Des entreprises comme 3D-Robotics et Lily Robotics, qui avaient effectué des levées de fonds de plusieurs millions de dollars ont dû quitter le navire. En 2016 le marché s’est retrouvé saturé par une offre grand public trop riche ce qui a entrainé une chute des prix.
Les petits groupes n’ont pas su résister face à des géants comme DJI, leader mondial dans ce domaine.
Les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets. On se souvient d’épisodes critiques comme la crise du jeu vidéo en 1983, la « bulle internet » dans les années 2000 ou encore l’introduction de Facebook en bourse.
Les analystes restent toutefois optimistes sur l’avenir du marché avec des chiffres rassurants. Rien qu’en France le chiffre d’affaire des entreprises dans ce secteur devrait passer de 36 millions à 88 millions d’euros d’ici à 2020. En 2035, on estime que le marché mondial des drones pèsera près de 37 milliards de dollars.
Pour l’heure, une forte progression est attendue grâce au perfectionnement des produits (liaison GPS, vol automatisé, vidéo 4K) et aux promesses d’investissement des GAFA qui y voient déjà un intérêt à court-moyen terme notamment pour répondre aux besoins d’instantanéité de certains services.
Un outil incontournable pour les professionnels et la sécurité des territoires
Le drone est un outil moins coûteux que d’autres moyens de captation plus conventionnels. Il est utilisé largement dans le monde du cinéma et de la Télévision pour les prises de vue.
Il trouve des applications pratiques dans de nombreux domaines. Ainsi les drones peuvent servir à l’étude des terres agricoles pour optimiser les rendements et faire des économies en eau et pesticides, Des drones aquatiques assistent même les pêcheurs, d’autres encore sont affectés à des missions humanitaires dans des pays en voie de développement.
Disney Enterprise a déposé 3 brevets en 2014 pour faciliter les manoeuvres des grandes animations dans les parcs Disneyland.
Le monde des sports extrêmes commence à connaitre quelques exploits, Ingus Augstkalns s’est lâché depuis un drone à 300 mètres d’altitude, ce qui est une première mondiale.
Des courses de drone sont organisées, la Drone Racing League aux Etats Unis est diffusée à la télévision.
La photographie par drones est même devenue un art.
Les drones vont également révolutionner les réseaux postaux. Amazon a effectué son premier vol commercial de drone le 14 décembre 2016. DPD Group, une filiale de La Poste effectue déjà des livraisons dans le Var. L’Estonie a battu un record en livrant une boisson en 5 minutes par drone. La Suisse est à l’avant garde sur ce terrain car elle effectue depuis octobre des livraisons médicales au dessus des zones urbaines. C’est le premier pays à avoir autorisé le survol des villes par des drones autonomes.
La messagerie mobile comme Snapchat mise également sur les drones.
Une future révolution des transports se profile à l’horizon, on parle déjà de taxis drones à Dubaï.
Antoine Garapon et Michel Rosenfeld ont envisagé la possibilité d’une hyper surveillance par les drones en Europe. Au lieu d’une logique pénale préventive on irait vers une logique de « préemption » par le biais d’algorithmes prédictifs dont les drones pourraient servir de support. Les services de polices commencent à être formés aux drones pour plus d’efficacité sur le terrain. Le projet de loi antiterroriste y fait d’ailleurs référence dans son amendement CL155, l’idée étant la surveillance de zones de protection soumises à risque terroriste comme les manifestations culturelles, sportives et locales.
Le réalisateur Alex Cornell a publié une vidéo fiction sur les différentes applications possibles dès aujourd’hui et dans un futur proche.
La surveillance est souvent entendue avec une connotation péjorative, pourtant là encore on trouve d’intéressantes exploitations. Par exemple les drones peuvent contrôler la qualité de l’air en temps réel, contrôler les flux routiers (vitesse, embouteillages, accidents), faciliter l’accès à certains lieux (lignes haute tension, conduites de gaz, caténaires), photographier des sites sensibles (archéologiques, zones de guerre), surveiller les zones sismiques (Etna) et les effritements rocheux, prévenir les tempêtes et l’approche des requins près des plages (Australie), surveiller les examens et déceler les comportements suspects (Chine), surveiller les entrepôts industriels et les espaces de stockages…
La vraie valeur ajoutée d’une telle technologie, bien plus que l’objet physique en lui-même, c’est l’ensemble des données traitées et les informations recueillies.
La surveillance concernant les drones de loisir soulève un certain nombre de questions, notamment lorsque des sites protégés comme les centrales nucléaires sont survolés par des particuliers.
Les drones de loisir de plus en plus encadrés
La législation différencie les drones professionnels et de loisir. Si la première catégorie peut être autorisée à survoler des espaces urbains bien définis, la seconde en est défendue en partie. Pour les drones de loisir ou « aéromodèles télépilotés », il faut faire une distinction entre espaces privés urbains et espaces publics urbains. Ainsi si le vol en espace privé restreint est autorisé, à condition de ne pas dépasser la hauteur de son domicile, le vol en espace public est lui interdit depuis un arrêté du 17 décembre 2015. Tout contrevenant à cette règle pourra être puni d’un an d’emprisonnement et 75 000 € d’amende selon l’article L6233-4 du code des transports.
Le non-respect du droit à l’image ou de la vie privée (espionnage du voisinage) est constitutif d’un délit passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende selon l’article L226-1 du code pénal.
Les mauvais usages des drones peuvent aussi entrainer une violation de propriété privée. Il faut être vigilant pour éviter certains débordements comme on a pu le voir avec l’application mobile Pokemon Go et la réalité augmentée. De nouvelles problématiques vont émerger sur la détérioration des biens publics et privés avec l’arrivée des drones graffeurs.
La Direction générale de l’aviation civile a mis en ligne une vidéo des 10 règles de base à respecter pour l’usage des drones de loisir. Ce document existe aussi en version PDF. Le but étant d’éviter les accidents pouvant entrainer des dommages corporels et matériels. Les vols de nuit sont interdits par manque de visibilité. On y parle également de vie privée et de droit à l’image, ainsi que de zones restreintes.
Les films de vacances avec drone deviennent à la mode. Or, Certains endroits très touristiques sont interdits de survols, comme le Parc national du Mercantour ou la réserve naturelle des Calanques de Marseille.
Selon l’article L. 6211-4 du code des transports « Le survol de certaines zones du territoire français peut être interdit pour des raisons d’ordre militaire ou de sécurité publique »
Rentrent dans cette catégorie les bases militaires, les aéroports, les hôpitaux et les centrales nucléaires.
En 2015 par exemple une base militaire stratégique abritant des sous-marins nucléaires auraient été survolée par un drone.
Les « incidents » entre avions et drones ont plus que doublé en 2016 selon un rapport de l’UK Airprox Board. Ainsi 70 incidents de ce type ont été recensés l’année dernière rien qu’en Angleterre. En février 2016 à Roissy, un Airbus A320 a évité de justesse un drone lors d’un atterrissage. Un premier cas de collision entre un aéronef et un avion a eu lieu au Canada au mois d’octobre 2017. Pour éviter ce genre de dommages la hauteur maximale de vol a été fixée à 150m (article 5 de l’arrêté du 17 décembre 2015).
15 centrales nucléaires françaises ont été visitées par des drones en l’espace de 3 mois. Une première affaire de ce genre a été jugée le 12 octobre 2016 par le tribunal correctionnel de Bourges.
Ce type de menace est pris au sérieux par les autorités compétentes. En janvier 2017 le Forum économique mondial de Davos s’est équipé de fusils anti-drones pour prévenir tout risque d’intrusion.
Il existe un vrai problème lié à la sécurité et au renseignement concernant la captation d’images et les données pouvant être recueillies. La prise de vue aérienne est régie par l’article D133-10 du Code de l’aviation civile et l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs.
Les moyens de protection des zones à risque
De nombreux constructeurs planchent sur des solutions software permettant un usage optimal et légal. Les prochaines générations devraient embarquer des systèmes de mapping permettant de cartographier les espaces de vol et empêcher les drones de décoller aux abords des sites protégés comme les aéroports. Certains modèles pilotés sur smartphone embarquent déjà ce type de solutions. Le signal GPS permet de créer un « mur invisible » autour des zones répertoriées. Cependant ce type de dispositif n’est pas proposé par tous les fabricants.
La sécurisation de l’espace aérien et terrestre est une vraie préoccupation pour les pouvoirs publics.
L’Arrêté du 27 janvier 2017 est venu fixer la liste des zones interdites à la prise de vue aérienne par appareil photographique, cinématographique ou tout autre capteur. Il fournit une liste assez exhaustive de ces zones classées par département.
Le ministère de la transition économique et solidaire a mis en ligne une carte interactive des zones de restrictions pour les drones de loisir en France métropolitaine, représentant les « zones soumises à interdictions ou à restrictions pour l’usage, à titre de loisir, d’aéronefs télépilotés ». Une carte des zones de restriction en territoire d’outre-mer devrait être disponible d’ici quelques mois.
L’arrêté du 30 mars 2017 modifiant l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord n’est qu’une mise à jour des zones de contraintes offrant la possibilité d’évolution de nuit sous certaines conditions restrictives. Il est question également d’une possible autorisation de survol de zones règlementées ou dangereuses.
La nouvelle loi attendue pour juillet 2018 apportera 2 évolutions non négligeables, tout d’abord une obligation de déclaration pour tout propriétaire d’un aéronef de plus de 800 g et ensuite une obligation d’équipement de signaux sonores et lumineux permettant une meilleure visibilité de l’objet à l’oeil nu. Du fait d’une forte hausse des accidents, le Canada a resserré sa législation sur les drones de plus de 250 g.
Concernant l’immatriculation, les drones de moins de 25 kilos y échappent pour le moment, mais quelques commentateurs estiment que si l’usage sauvage et la surveillance de sites sensibles augmentent, il est fort à parier que de nouvelles mesures plus fermes verront le jour pour faciliter l’identification des propriétaires.
Toutes ces règles se rajoutant au fur et à mesure peuvent peser dans le choix des consommateurs et finalement les décourager lors de l’acte d’achat. La législation actuelle et celle à venir peuvent paraitre assez lourdes sur certains aspects, mais le rôle du législateur est avant tout d’anticiper l’usage généralisé de ces outils professionnels et de loisirs pour prévenir toute situation juridique inédite.
SOURCES :
T. corr. Bourges, 12 oct. 2016: Énergie-Env.-Infrastr. 2017, no 10, obs. Charles et Dupont.
Forest D., « Drone Land : quand l’Europe consacre le règne de l’hypersurveillance », Dalloz IP/IT 2017 p.300
Pourcel E., « Drone aérien : y-a-t-il un pilote « de » l’avion ? », JCP, n° 49, 30 Novembre 2015, p.1312
ANONYME, « Drones – Loisir et compétition », ecologique-solidaire.gouv.fr, publié le 13 décembre 2016, consulté le 29 octobre 2017,
<https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/drones-loisir-et-competition>
DAVID M., « Nouvelles règlementations sur les drones civils en 2018 », data.gouv.fr, publié le 7 mars 2017, consulté le 27 octobre 2017,
< https://www.data.gouv.fr/fr/reuses/nouvelles-reglementations-sur-les-drones-civils-en-2018/>
NORMAND J-M., « La foire du drone », lemonde.fr, publié le 24 octobre 2017, consulté le 28 octobre 2017,