C’est fait : la nouvelle Commission européenne présidée par la femme politique allemande Ursula von der Leyen est entrée en fonction ce 1er décembre 2019 après avoir été approuvée à une large majorité par le Parlement européen.
Lors de son discours d’ouverture de la session plénière du Parlement, la nouvelle présidente a rappelé les engagements de son programme pour « une Union plus ambitieuse » et les grandes orientations de la Commission pour la période 2019-2024 parmi lesquelles figurent notamment, à côté du climat et de l’économie, l’innovation et le numérique. Alors, quelles sont les ambitions de la nouvelle présidente pour le numérique ?
Jean-Claude Juncker, le président sortant de la Commission, était déjà dans une optique de « transformation numérique » tenant à conceptualiser l’influence du numérique et de l’internet sur nos organisations. Ainsi, la blockchain, l’intelligence artificielle, le Big Data, le Cloud, la 5G ou encore les plateformes sont de nouvelles technologies qu’il semble primordial d’aborder et Ursula von der Leyen en a bien conscience.
Face à ces mutations, la nouvelle présidente souhaiterait faire de l’Europe une souveraineté technologique pour concurrencer les géants du web américains notamment en investissant dans les domaines essentiels des nouvelles technologies. Pour cela, deux personnes ont été désignées afin d’encadrer ces technologies émergentes : la danoise Margrethe Vestager, commissaire à la concurrence, qui va coordonner l’Europe à l’ère du numérique, et le français Thierry Breton qui va diriger et développer le marché intérieur numérique. Quels sont leurs points d’attaque ?
- Aborder et contrôler l’intelligence artificielle
Très évoquée, elle est l’une des grandes priorités du programme de la Commission puisque son enjeu est primordial de par sa capacité à analyser les données en masse. L’intelligence artificielle pourra permettre de trouver des solutions uniques en matière de santé, de sécurité et de productions agricoles ou manufacturières mais pour assurer son bon fonctionnement, il faut l’encadrer. Les deux commissaires en charge du Numérique devront donc émettre une proposition législative « relative aux implications humaines et éthiques de l’intelligence artificielle » qui permettra en outre d’encadrer l’usage du Big Data, ces données devenues tellement volumineuses que les capacités humaines ne suffisent plus à les analyser.
- Assurer la protection des personnes sur Internet
Protéger les consommateurs à l’ère du numérique est une des priorités de la nouvelle Commission. Le programme souhaite rester dans la continuité du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) de 2018 en favorisant la protection de la vie privée, la sécurité sur Internet ou encore l’éthique. Dans une lettre de mission, la nouvelle présidente exige que soit proposée une législation intitulée Digital Services Act tenant à renforcer les règles de responsabilité et de sécurité des plateformes et autres services numériques. Cela devra d’ailleurs toujours s’effectuer dans le respect du marché unique numérique, libre et sécurisé, qui permet aux utilisateurs de faire des achats en ligne au-delà des frontières et aux entreprises de vendre en ligne dans toute l’Union européenne.
- Imposer une taxation aux géants du numérique
Dans la logique du marché unique et de l’harmonisation des États membres, la Commission européenne avait proposé en mars 2018 un projet de taxe sur les services numériques pour que chaque entreprise paye une taxe dans chaque État membre en fonction des services numériques qu’elle y propose. Le problème, c’est qu’en matière de fiscalité l’unanimité est nécessaire : les États membres n’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur la proposition de la Commission, le projet est tombé à l’eau. En effet, par crainte de représailles américaines, beaucoup d’États comme l’Allemagne ou la Suède ont préféré renoncer à un tel projet. Faute d’accord européen, Ursula von der Leyen a donc enjoint les commissaires en charge du numérique de raccommoder le travail relatif à la taxation numérique pour arriver à un accord international d’ici la fin de l’année 2020 ou alors de proposer une taxe européenne plus juste.
En effet, les GAFA implantent leurs filiales dans les pays européens aux taux d’imposition les plus faibles et sont ainsi deux fois moins imposées que les entreprises traditionnelles en Europe. Ce fonctionnement prive en partie les États membres d’importantes recettes fiscales. Cette taxe permettrait ainsi de récupérer une partie des sommes générées par les entreprises du numérique dans chaque État membre et restaurerait un équilibre dans l’implantation des grandes entreprises du numérique sur le territoire européen.
- Renforcer l’accès et l’éduction au numérique
Le programme souhaite assurer l’apprentissage du numérique pour tous notamment en soutenant l’utilisation des technologies et le développement des compétences numériques dans l’éducation, mais aussi en proposant des cours en ligne pour que chacun puisse se conditionner au numérique.
La Commission veut garantir à tous les citoyens européens la meilleure connexion Internet possible notamment en assurant la couverture Wi-Fi dans les territoires ruraux mais également en installant des points d’accès Wi-Fi gratuits dans les lieux publics.
Du côté des télécommunications, le programme prévoit de soutenir la baisse des frais téléphoniques pour réduire et harmoniser les prix des appels et des SMS des 28 États membres de l’Union européenne. D’autre part la Commission a présenté un plan d’action pour déployer la 5G sur le territoire européen : le nouveau standard pour la téléphonie mobile qui permettra le déploiement effectif des objets connectés avec notamment les voitures autonomes, les réseaux intelligents, les maisons connectées ou encore des services numériques dans le domaine de la santé.
Selon Ursula von der Leyen, le numérique est un moteur de compétitivité et d’innovation, ainsi son déploiement est essentiel pour faire de l’Europe une souveraineté technologique.
Que ce soient les États-Unis avec les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) ou la Chine avec les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), le marché du numérique est conquis par ces géants du web. La nouvelle présidente de la Commission compte ainsi trouver une alternative numérique européenne à la hauteur de ces géants américains et asiatiques en proposant ce programme qui encadre le numérique et l’innovation.
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SOURCES
DANIEL J., « Qu’est-ce que la taxe GAFA ? », Toute l’Europe, octobre 2019, accessible via www.touteleurope.eu.
DE LAUBIER C., « La Commission européenne 2019-2024 part en quête d’un “leadership numérique” face aux GAFA et aux BATX », Édition Multimédia, décembre 2019, accessible via www.editionmultimedia.fr.
INFO DU JOUR., « L’Europe numérique en construction », Info du jour – Société, décembre 2019, accessible via www.infodujour.fr.
LAUSSON J., « Numérique : quelles sont les personnalités à suivre dans la nouvelle Commission européenne ? », Numerama – Société, décembre 2019, accessible via www.numerama.com.
MUNCH B., « La Commission européenne présidée par Ursula Von Der Leyen est entrée en fonction », Vie publique – Actualité, décembre 2019, accessible via www.vie-publique.fr.
TOBELEM B., « Numérique : le programme de la nouvelle Commission européenne », Toute l’Europe, novembre 2019, accessible via www.touteleurope.eu.