L’application TikTok se place comme l’une des applications les plus populaires du moment avec pas moins de 1,5 milliard de téléchargement à l’échelle mondiale, dont 100 millions aux Etats-Unis. Véritable phénomène, l’application chinoise n’échappe cependant pas aux polémiques constantes qui bousculent les marchés et se retrouve avec plusieurs enquêtes la visant.
Une première enquête pour contre-espionnage
Voilà quelques semaines que l’application TikTok, dont ByteDance est la société mère située en Chine, est dans le viseur du gouvernement américain qui soupçonne un espionnage des américains par la Chine au travers de l’application. Le démocrate au Sénat Chuck Schumer et le républicain Tom Cotton s’inquiètent que ByteDance, « qui est obligé de respecter les lois chinoises », pourrait être contraint à « coopérer avec les services de renseignement du Parti communiste chinois », même si les données sont stockées sur le sol américain. Face à l’inquiétude des deux hommes, et de plusieurs autres sénateurs, le Comité sur l’investissement étranger aux États-Unis (CFIUS) a ouvert une enquête pour vérifier que TikTok ne soit pas un moyen d’entrer dans le smartphone des utilisateurs et ne collecte pas les données de ceux-ci pour ensuite les transmettre au gouvernement chinois, comme elle a pu soupçonner l’entreprise Huawei de le faire il y a quelques mois.
Une seconde enquête pour transfert des données américaines sur des serveurs chinois
Même si l’application affirme que les données des américains sont stockées sur des serveurs américains et non chinois, et que donc ces données ne sont pas soumises aux lois chinoises, le 27 novembre 2019 un nouveau scandale a éclaté : TikTok aurait transféré les données privées des utilisateurs sur des serveurs chinois.
La polémique a commencé alors qu’une étudiante californienne porte plainte, devant le tribunal américain du district nord de la Californie, contre ByteDance, TikTok et Musical.ly, pour l’atteinte à plusieurs lois, dont la loi fédérale sur la fraude informatique et le droit à la confidentialité défini par la Constitution de Californie. En effet, alors qu’elle a téléchargé l’application en mars 2019, sans avoir cependant créé de compte, elle a découvert quelques mois plus tard qu’un compte avait été créé à son insu et que cinq vidéos qu’elle n’avait jamais enregistrées ou publiées, mais qu’elle avait essayé de créer, avaient été postées sur l’application sans son autorisation. Au passage, ses données personnelles étaient collectées sans qu’elle n’en ait conscience, et donc sans qu’elle n’ait donné son accord pour cela. Parmi ces données certaines seraient des données biométriques récoltées grâce aux gros plans des vidéos sur les visages des utilisateurs, ou encore des données géographiques, par exemple. Par ailleurs, il serait rapporté que l’application continuerait de collecter ces données alors que l’application est fermée.
Les américains craignent que ces données ne soient utilisées pour identifier les utilisateurs, établir leur profil, les pister, et permettre une publicité ciblée.
De plus, selon Reuters, ces données auraient ensuite été transférées sur deux serveurs en Chine en avril 2019 : bugly.qq.com et umeng.com. En étant sur un serveur chinois et non américain, les données seraient soumises à la loi du pays, alors que la Chine n’est pas spécialement connue pour partager la même notion de confidentialité des données citoyennes que les États-Unis, ou encore que l’Europe et son RGPD.
Une troisième enquête quant à la collecte de données personnelles de mineurs
Alors que deux enquêtes étaient déjà tournées vers TikTok et sa société mère ByteDance, une troisième plainte a été déposée, le 3 décembre 2019, pour des données de mineurs collectées via l’application.
Il semblerait que, depuis 2014, ByteDance a, non seulement, collecté les données de mineurs de moins de 13 ans sans le consentement des parents, mais également vendu ces informations à divers annonceurs.
Ce n’est malheureusement pas la première fois que TikTok est pointé du doigt quant aux données des mineurs puisque le 27 février dernier l’application a été condamnée à une amende de 5,7 millions de dollars par la Federal Trade Commission (FTC) pour collecte de données personnelles de mineurs sans autorisation parentale préalable. Il leur a été demandé, par ailleurs, la suppression de toutes les vidéos publiées par des enfants américains de moins 13 ans.
En effet, le Children’s Online Privacy Protection Act (COPPA), qui est la loi visant la protection de la vie privée des enfants en ligne, interdit aux entreprises de collecter des données personnelles d’enfants de moins de 13 ans sans avoir eu le consentement explicite des parents. Cela vaut donc pour les réseaux sociaux. ByteDance n’est pas à l’abri d’une nouvelle condamnation.
Une inquiétude pour les données des utilisateurs du monde entier
C’est donc à trois enquêtes en l’espace de seulement quelques semaines, que TikTok et ByteDance doivent faire face, et toujours au sujet des données personnelles des utilisateurs de l’application. Cela ne peut que nous amener à nous poser de sérieuses questions quant à leurs politiques en la matière, car si les autorités américaines s’en inquiètent tant, on peut légitimement douter du respect du Règlement général sur la protection des données (RGPD) en Europe par l’application et sa société mère.
De plus, l’application risque de continuer à faire parler d’elle dans le domaine puisque la version chinoise de TikTok, Douyin, s’est récemment pourvue d’une nouvelle fonctionnalité : la recherche de vidéos inversées, grâce à la reconnaissance faciale, pour retrouver toutes les vidéos dans lesquelles une personne apparaît, même si celles-ci sont réparties sur différents comptes.
Sources :
FOURNIER G., « TikTok accusé de transférer les données privées des utilisateurs à des serveurs chinois », Siècle Digital, 3 décembre 2019.
GANGLOFF Y., « Encore une plainte contre ByteDance : la société aurait collecté des données de mineurs », Siècle Digital, 6 décembre 2019.
KAHN S., « Pourquoi les États-Unis ouvrent une enquête sur l’application chinoise TikTok », Le Figaro, 4 novembre 2019.
PAUL K., « TikTok accused in California lawsuit of sending user data to China », Reuters, 3 décembre 2019.
MAKENA K., « TikTok’s parent company sued for collecting data on kids », The verge, 4 décembre 2019.
« TikTok ! Qui est-ce ? Des Chinois avides de données », Le big data, 4 décembre 2019.