En janvier 1993 c’est une révolution dans le domaine de la sécurité publique, le Maire de Levallois-Perret, Patrick Balkany fait poser 90 caméras de surveillance aux abords d’abribus, d’immeubles et autres lieux sensibles sujet à des dégradations. Le caractère sécuritaire ne séduit pas automatiquement, une partie des habitants ne voit pas cette surveillance d’un bon oeil.
C’est à partir de l’élection à la présidence de Nicolas Sarkozy, en mai 2007, que le choix prioritaire de la vidéosurveillance a été fait. Elle aurait un pouvoir de dissuasion, de repérage des faits et d’identification des auteurs. A la fin du quinquennat le terme de « vidéoprotection » apparait dans l’article 17 de la « loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » (dite LOPPSI 2). Cet aménagement lexical arrive a point pour remplacer celui de « vidéosurveillance » beaucoup plus connoté et nuisible à une politique dynamique d’équipement du pays en vidéosurveillance.
Ces dispositifs filment des individus parfois en continue dans un but quai sacralisé : la sécurité. Les différentes entrées affichent clairement l’objectif poursuivi « établissement placé sous vidéosurveillance pour la sécurité des biens et des personnes ». Dans ce cadre il est impossible d’aller faire ses provisions dans un supermarché, d’aller à la banque ou même rentrer chez soi, sans être filmé.
Mais au contraire, lorsque la vidéo sert à des interêts supérieurs comme lors des interrogatoires ou des gardes à vue. A ce niveau, elle est parfaitement acceptée car participe au bien commun de protection des individus. La vidéo a pourtant longtemps souffert de sa représentation dans la littérature de science-fiction, attentatoire aux libertés fondamentales, organe de surveillance de masse et contrôle exacerbé de la population.
Aujourd’hui, c’est le remède idéal à l’insécurité, la délinquance et même le terrorisme. Le contrôle de la population est de plus en plus intrusif mais paradoxalement mieux accepté. Toutes les structures multiplient les dispositifs de surveillance, mais ces pratiques comportent intrinsèquement des risques élevés pour les libertés et droit fondamentaux.
« Tout ceci, nous le faisons pour vous protéger. Pour que vous soyez plus en sécurité », explique le PDG d’AnyVision, une start-up israélienne en reconnaissance faciale. Pour autant, selon le sociologue Laurent Mucchielli, « 98% des attentats qui ont été empêchés l’ont été par des renseignements humains », mais le marché mondial de la vidéosurveillance intelligente est estimé à 40 milliards de dollars.
En Chine, la mise en place de la politique de surveillance vidéo remonte à 2008, qui atteint aujourd’hui un niveau inégalé : crédit social avec un système de notation généralisé et contrôle de la population. Cette surveillance a permis de mettre en place des pratiques pour le moins surprenantes, notamment en matière de sécurité routière, où la reconnaissance faciale permet d’identifier les piétons qui traversent hors des clous er d’afficher leur photo sur des écrans. Cette technique est aussi utilisé dans les toilettes publiques afin de lutter contre le vol de papier hygiénique. Black Mirror, 1984 ou Minority report s’imposent comme arguments de poids pour montrer les dérives hypothétiques vers une dystopie technocratique ; mais la réalité dépasse parfois la fiction.
A l’heure où de plus en plus d’Etats ont recours aux technologies de surveillance pour endiguer l’épidémie du Covid-19, pour l’historien israélien, auteur notamment de Sapiens et Homo deus, la crise serait « test majeur de citoyenneté » a savoir si les Etats basculeront vers la surveillance de masse et le repli nationaliste.
Sources :
Sylvain Louvet , Tous surveillés : 7 milliards de suspects ? », documentaire Arte, avril 2019
Harari Yuval, In the Battle Against Coronavirus, Humanity Lacks Leadership