Le 15 octobre 2020, le Sénat a validé la proposition de loi qui rallonge d’un an l’expérimentation de boites noires numériques, née avec la loi de renseignement du 22 juillet 2015. Celle-ci concerne un dispositif de surveillance controversé, visant les réseaux de télécommunications.
Ce dispositif a été pensé pour lutter contre la menace terroriste dans un contexte d’état d’urgence. Il se base sur des algorithmes qui analysent toutes les connexions et les contenus échangés à travers les fournisseurs d’accès à internet ( FAI ), et les hébergeurs. Les plateformes telles que les réseaux sociaux sont particulièrement concernés. La finalité est de repérer les potentielles menaces pour la sécurité de L’État, en stockant ces informations dans des boites noires gérées par les services de renseignement français.
Dans un premier temps, ce dispositif a été mis en place pour une expérimentation exceptionnelle et temporaire, à travers la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015, qui prévoyait initialement une date de fin en décembre 2018. Cependant, le terme de ce procédé de surveillance a été repoussé par la loi de lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017, à la fin de l’année 2020. Un nouveau projet de loi a été ensuite adopté par l’assemblée le 21 juillet 2020, pour prolonger l’expérimentation une année supplémentaire. Enfin, c’est au tour du Sénat d’adopter ce projet de loi le 15 octobre 2020, dans une procédure accélérée. Ainsi, cette surveillance qui devait être temporaire, semble s’installer dans la durée.
En revanche, que ce soit à l’échelle nationale ou européenne, ces boites noires ne font pas l’unanimité, et font l’objet de vives critiques.
En effet, ce dispositif de surveillance a de nombreux détracteurs, tels que l’association de La Quadrature du Net, qui dénonce « une surveillance de masse », portant atteinte aux libertés individuelles des internautes. Dans le même sens, l’Observatoire des libertés et du numérique, s’oppose à ce dispositif, qu’il considère « liberticide » dans une lettre ouverte du 17 juillet 2020.
De plus, ce projet a eu un traitement médiatique assez négatif, car il rappelle le scandale révélé par Edward Snowden, concernant la surveillance globalisée de masse par l’agence nationale de sécurité des États-Unis (NSA).
Par ailleurs, les opposant à cette surveillance peuvent s’appuyer sur la Cour de justice européenne (CJUE) qui a rendu un arrêt le 6 octobre 2020, répondant à une question préjudicielle concernant ce dispositif. Dans cette décision, les juges de la grande chambre de la CJUE, estiment que les boites noires françaises illustrent « une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation incompatible avec le droit de l’Union ». De ce fait, ces boites noires prévues par le droit national français, à l’article L851-3 du Code de la sécurité intérieure, sont en contradiction avec le droit de l’Union européenne.
Suite à cette décision, il serait donc difficile d’utiliser les données récoltées dans ces boites noires, comme preuve devant un juge. De plus, le prolongement de ce dispositif d’une année par le Sénat est intervenu quelques jours seulement, après cette décision de la CJUE, qui ne semble pas avoir été prise en compte par les Sénateurs.
Sources :
https://www.laquadrature.net/2020/07/17/il-est-temps-darreter-les-prolongations-securitaires/