Le 15 septembre dernier, la SACEM et Twitch ont annoncé la signature d’un accord inédit concernant la diffusion des œuvres musicales sur la plateforme.
La SACEM et Twitch : Qu’est-ce que c’est ?
La SACEM, Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, est une société de gestion des droits d’auteur française. Elle assure la protection juridique des œuvres des artistes sociétaires.
Twitch est une plateforme américaine de livestream rachetée par Amazon en août 2014. Le livestream c’est la diffusion en direct d’un contenu audiovisuel. C’est-à-dire que le créateur contenu, appelé « streamer », se filme lorsqu’il joue à des jeux vidéo, joue de la musique, dessine, cuisine et diffuse ce film en direct sur la plateforme. Ainsi, les internautes peuvent interagir en temps réel avec le vidéaste.
A l’origine, la plateforme était principalement dédiée à la diffusion en direct de jeux vidéo et aux compétitions de jeux vidéo, appelées e-sport. Aujourd’hui, la plateforme se diversifie et on y trouve de nouveaux contenus. Depuis la fin des années 2010, la musique se démocratise de plus en plus sur la plateforme.
Twitch réinvente la musique en live
Twitch propose de nouvelles expériences aux artistes. Ceux-ci peuvent interagir avec leurs fans au cours d’une FAQ (foire aux questions) ou à l’occasion d’un concert. La diffusion en direct leur permet d’avoir une certaine proximité avec leurs fans et de créer une réelle connexion avec leur communauté. En effet, Jean-Noël Tronc, PDG de la SACEM, déclare : « Nous avons pu constater que des artistes se tournent de plus en plus vers Twitch pour accroître leur présence et rencontrer leurs fans ».
De plus, la plateforme de livestream permet aux artistes de vivre de la musique grâce à son système de monétisation. Les viewers – spectateurs du livestream – peuvent faire des donations aux streamers qu’ils apprécient ou même s’abonner et verser, chaque mois, au créateur de contenu un certain montant.
En outre, la période actuelle n’est pas propice à l’exercice de l’activité musicale. Les salles sont fermées, les concerts sont annulés. C’est pourquoi de nombreux artistes ont choisi de se tourner vers la plateforme Twitch afin de poursuivre leur activité et garder un lien avec leur public.
Un accord inédit aux conséquences floues
En quoi consiste cet accord ? Il a un double objectif :
- Premièrement, les artistes sociétaires percevront des droits de la part de la SACEM s’ils se produisent en direct sur Twitch. L’accord simplifie le quotidien des artistes qui n’auront plus besoin de déclarer leurs livestreams à la SACEM.
- Deuxièmement, les artistes sociétaires percevront des droits d’auteur si un créateur de contenu diffuse leurs œuvres sur la plateforme Twitch.
Toutefois, les détails de cet accord n’ont pas encore été dévoilés. C’est pourquoi les conséquences qui vont en découler restent encore très floues.
Concernant les artistes, ceux-ci se demandent si cet accord sera permanent ou bien temporaire. Il semblerait que – contrairement au dispositif d’urgence temporaire mis en place par la SACEM fin mai dernier pour rétribuer les artistes qui se sont produits en direct sur Facebook, Instagram et Twitter – cet accord avec Twitch vise à instaurer une méthode pérenne.
Concernant les streamers, de nombreuses questions se posent. Ceux-ci se demandent si ce partenariat leur permettra de diffuser librement les musiques du catalogue de la SACEM. Ils s’interrogent également à propos des revenus des vidéos concernées : Seront-ils reversés aux artistes comme sur la plateforme YouTube ?
Cette dernière interrogation est un réel problème pour les créateurs de contenus. En effet, le fruit de leur travail peut leur être volé si une musique protégée apparait pendant quelques secondes dans leur vidéo. Cela pose notamment difficulté aux streamers de jeux vidéo car ces derniers contiennent souvent des airs protégés. En outre, sur Twitch, les rediffusions de livestreams sont publiées de façon brute, contrairement aux vidéos YouTube qui sont travaillées avant d’être diffusées sur la plateforme.
Une avancée insuffisante au niveau international
Si cet accord est sans précédent, quid de l’utilisation des musiques étrangères par les créateurs de contenus français ?
En effet, en juin dernier, les puissantes maisons de disques américaines, les majors (Universal Music, Sony Music et Warner Music), ont rappelé à l’ordre Twitch concernant des infractions aux droits d’auteur dans un grand nombre de clips – séquences courtes extraites des directs par le streamer et les viewers – tirés de livestreams. En tant qu’hébergeur, Twitch doit veiller au respect de la loi. C’est pourquoi, à la suite de ce rappel à l’ordre, la plateforme agit rétroactivement et supprime de nombreuses vidéos publiées depuis 2017.
Suite à une nuée de réactions, Twitch a déclaré vouloir donner plus de contrôle aux streamers sur leurs clips, comme ils peuvent déjà le faire pour les rediffusions. Toutefois, aujourd’hui, aucun accord avec les majors ne semble envisagé par la plateforme. Un tel accord permettrait d’éviter de nombreuses infractions aux droits d’auteur et ainsi de protéger les artistes et rassurer les créateurs de contenus qui utiliseraient des œuvres protégées.
En conclusion, bien que cet accord entre Twitch et la SACEM semble être une grande avancée tant pour les artistes que pour les streamers français, de nombreuses questions restent encore sans réponses. De plus, le chemin à parcourir est encore long pour la plateforme concernant les œuvres étrangères.
Sources :
- « Twitch signe un accord avec la SACEM : Un soutien pour les créateurs dans le contexte actuel », SACEM, 17 septembre 2020
- Maxime Biaggi, « Twitch trouve un accord avec la SACEM pour résoudre les problèmes de droits d’auteur », Millenium, 15 septembre 2020
- Jacques Guilloux, « Cinq questions sur l’accord historique entre Twitch et la SACEM pour soutenir les créateurs », Profession spectacle, 22 septembre 2020
- Chloé Woitier, « Musique en direct : La SACEM signe un accord avec la plateforme Twitch », Le Figaro, 15 septembre 2020