La 46ème élection présidentielle des États-Unis, opposant Donald Trump (parti Républicain), l’actuel Président américain, à Joe Biden (parti Démocrate), s’est achevée il y a quelques jours.
C’est la première fois dans l’histoire des États-Unis que l’écart entre deux candidats est aussi important, les résultats sont sans appel, le candidat démocrate remporte la victoire avec 306 grands électeurs contre 232 pour le candidat républicain.
Depuis leur avènement, les réseaux sociaux sont devenus la principale source d’information et/ou de désinformation, avec une influence majeure sur les élections politiques et leurs résultats
Une méthode d’influence bien rodée :
Selon une enquête réalisée par Facebook en 2017, faisant suite aux nombreux scandales ayant eu lieu pendant de la campagne électorale de 2016, l’influence sur les électeurs repose sur 3 procédés1 :
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La collecte de données personnelles pour identifier les goûts politiques des citoyens et agir en conséquence.
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La création de fausses informations dites « fake news ».
- La diffusion massive des informations, qu’elles soient fondées ou non, et des opinions de chacun.
Cependant il est important de comprendre que ce sont les abonnés qui influencent et non le réseau en lui-même.
Les acteurs qui se cachent derrière les réseaux sociaux :
Les réseaux sociaux ont marqué un tournant dans la propagande politique, en invitant de nouveaux acteurs dans le partage d’informations et la communication.
- Les utilisateurs des réseaux comme influenceurs des élections :
Sur le plan politique, ces acteurs sont très divers. En effet, la grande nouveauté apportée par les médias sociaux est la possibilité pour « n’importe qui » de partager « n’importe quoi ».
Par conséquent, tout citoyen peut influencer les résultats de l’élection. Cela peut se faire par le partage de fake news, d’informations en faveur d’un candidat, d’articles discréditant un adversaire, ou de son propre avis sur les candidats. Sans qu’il n’y ait nécessairement de sources fiables pour étayer ces informations.
- Les tentatives d’influence de certains pays
C’est une opportunité qu’ont trouvée certains pays pour influencer d’une nouvelle manière le candidat de leur choix. Lors des élections de 2016, la Russie a été accusée d’avoir influencé le résultat de l’élection grâce aux réseaux sociaux.
Cette année encore, Christopher Wray, directeur du FBI a témoigné d’une nouvelle tentative d’influence des votes par le Kremlin. L’avis du président sur la question : ne pas prendre au sérieux les attaques russes et se concentrer plutôt sur le réseau social Tik Tok détenu par la Chine.
- L’influence de certaines sociétés :
Ce mode de communication est également utilisé par des sociétés. L’exemple le plus marquant est sans aucun doute l’affaire Facebook-Cambridge Analytica qui a éclaté en 2018. Un chercheur de l’université de Cambridge, le docteur Aleksandr Kogan, a collecté des données Facebook en proposant à des utilisateurs de remplir un test psychologique qui nécessitait l’accès à leurs données. Ces données ont été ensuite revendues au cabinet londonien Cambridge Analytica, spécialisé dans l’étude de consommation et d’opinion politique. Ce cabinet, engagé à l’époque pour la campagne politique de Trump de 2016, était ensuite chargé d’optimiser le ciblage des audiences pour l’affichage des publicités en ligne et les appels aux dons. Concrètement, les utilisateurs Facebook voyaient apparaître des publicités leur indiquant que Trump avait pour engagement certaines de leurs opinions politiques, que ce soit vrai ou non .
Cette année un nouveau scandale a éclaté, révélant l’écriture de fake news sur les réseaux sociaux par de faux médias. Ces derniers engageaient des pigistes croyant écrire de vrais articles pour un vrai média.
- Le rôle d’influence des candidats à la présidence :
Le principe même d’une élection étant de convaincre les votants que l’on est le meilleur candidat, les candidats se doivent d’influencer le scrutin. C’est donc depuis toujours que les politiques tentent d’influencer les élections par le biais des médias. En effet aux États-Unis en 1800, Thomas Jefferson avait mené une campagne offensive contre son adversaire John Adams dans la presse écrite. Plus d’un siècle plus tard Franklin Delano Roosevelt avait utilisé la radio pour se faire aimer du peuple américain. En 1960, John Fitzgerald Kennedy avait compris l’impact que la TV pourrait avoir sur les gens et avait, contrairement à son adversaire Richard Nixon, basé sa stratégie de communication sur cette nouvelle technologie
Puis, l’élection d’Obama marque un nouveau tournant dans l’utilisation des réseaux sociaux en politique. Tout comme Kennedy en son temps, Obama a su se démarquer grâce à une stratégie de communication novatrice, utilisant les réseaux sociaux afin d’augmenter sa cote de popularité, campagne souvent qualifiée de « première élection du XXIe siècle ».
Dès 2016, Donald Trump a lui aussi eu abondamment recours aux réseaux sociaux, mais plutôt en utilisant les déclarations polémiques pour conquérir le cœur des américains. On se souvient de la campagne de dénigrement contre Hillary Clinton orchestrée par Donald Trump au moyen de nombreux Tweet qui lui ont permis de gagner quantité de voix face à la candidate démocrate.
Une influence qui s’étend même après l’annonce des résultats :
Malgré la victoire éclatante de Joe Biden (306 grands électeurs contre 232) le président sortant ne parvient pas à accepter sa défaite. Au contraire, il y voit, la preuve d’une machination visant à lui faire perdre son statut de président.
C’est ainsi que l’on peut lire sur sa page tweeter « Il a gagné parce que l’élection était truquée », « Il a seulement gagné aux yeux des MEDIAS FAKE NEWS » ou encore « Je ne concède RIEN ! La route est encore longue. L’élection était TRUQUÉE ! »
Bien que de nombreuses expertises de plusieurs autorités électorales aient annoncé qu’il n’y avait pas eu de piratage électoral, les conséquences des propos du président ont été immédiates. De nombreuses publications dénonçant des fraudes et apportant les « preuves » de celles-ci sont rapidement apparues sur la toile.
Exemple : La photo ci-dessous a été partagée sur les réseaux en tant que preuve de la fraude massive. Une légende indiquait que des personnes avaient voté deux fois, que des morts avaient également voté, qu’il y avait plus de votes que de personnes inscrites sur les listes etc… Alors qu’en réalité cette photo date de 2019. En effet elle a été diffusée dans le cadre d’une action en justice engagée par une fondation juridique conservatrice contre la ville de Detroit l’accusant de fraudes dans ses listes électorales. Ces poursuites ont été abandonnées en juin 2020, bien avant l’élection présidentielle.
Voilà comment les réseaux sociaux peuvent influencer les élections.
Pour finir sur une note positive, cette élection comptabilise aussi le plus important taux de participation de l’histoire des États-Unis. Le partage massif sur les réseaux sociaux du hashtag #voted, pour inciter à voter, semble avoir favorablement influencé les américains.
Sources :
« Aux USA une campagne électorale virale », France Culture 2020
« #USA 2020 sur les réseaux sociaux », France Culture, 2020
« Facebook étudie l’impact des réseaux sociaux sur les élections », AFP, 30 avril 2019
« A voté ! » : quand Facebook influence les élections », 29 novembre 2018, Laurent Gayard
« Obama and the Power of Social Media and Technology », Jennifer Aaker, Victoria Chang, 2009