TousAntiCovid est une application mobile déployée le 22 octobre 2020 destinée à informer les personnes ayant été en contact avec une personne infectée par le virus de la Covid-19 afin que leur prise en charge se réalise le plus rapidement possible.
UNE MISE EN PLACE APPROUVÉE PAR LES AUTORITÉS
Tout commence en février dernier, lorsque la Chine, la Corée du Sud et Singapour décident de lancer leurs applications respectives de « contact tracing » afin d’endiguer la pandémie au sein de leurs territoires. Malgré la déclaration de Christophe Castaner, ancien ministre de l’intérieur, qui affirme en mars 2020 que le lancement d’un tel projet de traçage n’est « pas dans la culture française », l’application StopCovid est déployée sur le territoire national le 2 juin 2020.
C’est tout d’abord la Commission Européenne qui plaide en faveur d’un dispositif de traçage par mobile. Elle annonce le 16 avril 2020 l’élaboration d’une « boîte à outils commune au niveau de l’UE en vue de l’utilisation d’applications mobiles de traçage des contacts et d’alerte pour lutter contre le Coronavirus. » A cette occasion, Thierry Breton, commissaire au marché intérieur, déclare :
«L’utilisation d’applications de traçage des contacts pour limiter la propagation du coronavirus peut être utile, en particulier dans le cadre des stratégies de sortie des États membres. Toutefois, pour que ces applications puissent être adoptées et donc pour qu’elles puissent être utiles, il faut absolument des garanties solides en ce qui concerne le respect de la vie privée.»
Cette démarche sera soutenue par le Comité Européen de Protection des données (CEPD), qui publie le 21 avril dernier les Lignes directrices 4/2020 relatives à l’utilisation de données de localisation et d’outils de recherche de contacts dans le cadre de la pandémie de COVID-19 dans lesquelles il donne des conseils aux états pour que leur traitement de données soit conforme au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et à la directive E-Privacy sur la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques.
C’est ensuite au niveau national que la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a, le 24 avril 2020, rendu un avis sur le projet de déploiement d’une telle application. Elle avait alors considéré que cela était possible à condition que celle-ci soit utile à la stratégie étatique de déconfinement et que le respect de la vie privée de ses hypothétiques utilisateurs soit assuré. Elle avait également édicté certaines recommandations qui devaient être suivies.
Suite au projet de décret adressé au Conseil d’État en mai dernier, la CNIL est de nouveau sollicitée par le ministère des solidarités et de la santé. Elle indique dans sa délibération n°2020-056 du 25 mai 2020 portant avis sur un projet de décret relatif à l’application mobile dénommée « StopCovid » que l’application sera respectueuse du principe de protection des données personnelles car ces dernières seront pseudonymisées et que les recommandations édictées dans son premier avis du 24 avril avaient été suivies, notamment « l’absence de conséquence juridique négative attachée au choix de ne pas recourir à l’application, ou encore la mise en œuvre de certaines mesures techniques de sécurité. » Elle précise toutefois que des contrôles réguliers seront réalisés pour s’assurer que l’utilisation des données personnelles collectées soit conforme au RGPD.
Malgré ces garanties, l’application peine à séduire les français : 3 semaines après son lancement, elle n’avait prévenu que 14 personnes d’un risque potentiel d’infection ; et au 31 août 2020, seulement 1725 personnes l’avaient utilisées pour se déclarer malade, alors que les chiffres de l’épidémie à cette période étaient d’environ 6000 nouveaux cas par jour. Au total, l’application n’aura été téléchargée que 2,6 millions de fois en 4 mois. Emmanuel Macron annonce ainsi dans son allocution du 14 octobre dernier que « Ça n’a pas marché » et qu’une nouvelle version de l’application, dénommée « TousAntiCovid », sera disponible dès le 22 octobre.
STOP COVID VS TOUS ANTI COVID : QUELLE DIFFÉRENCE ?
TousAntiCovid n’apporte pas de changements majeurs à StopCovid : il s’agit plutôt d’une mise à jour de l’ancienne application, qui, selon le président, a vocation a désormais être en plus « une application d’information ». Son ergonomie a en effet été repensée pour être plus simple d’utilisation. Ainsi, ses utilisateurs peuvent, en plus de se signaler comme malade, avoir accès aux chiffres de l’épidémie en temps réel. Elle permet également d’éditer plus rapidement son attestation de déplacement dérogatoire, nécessaire dans le cadre de ce deuxième confinement national.
Étant donné qu’aucun changement majeur portant sur le traitement des données personnelles n’a été mis en œuvre, la saisine de la CNIL n’était cette fois ci pas obligatoire. Cette dernière a toutefois communiqué au Parlement le 14 septembre dernier son avis trimestriel sur les conditions de mise en œuvre de l’application, avis qui sera renouvelé d’ici la fin de l’année.
De plus, l’institution protectrice de la vie privée rappelle qu’elle pourra conduire de nouveaux contrôles pour examiner les futures évolutions de TousAntiCovid.
Pour en savoir plus sur le passage de StopCovid à TousAntiCovid, n’hésitez pas à consulter la note d’actualité rédigée par Louis Parmentier à ce sujet: TousAntiCovid la nouvelle tentative du gouvernement après StopCovid.
L’UTILISATION DU PROTOCOLE ROBERT
Mais comment l’application TousAntiCovid fonctionne-t-elle concrètement ? Elle utilise le protocole dit ROBERT (pour ROBust and privacy-presERrving proximity Tracing »), développé par l’Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA) et le Fraunhofer-Gesellschaft, son équivalent allemand.
Cette méthode n’a pas été choisie par hasard : il s’agit de celle la plus respectueuse de la vie privée, car elle n’utilise que la technologie Bluetooth des téléphones mobiles et non pas leur localisation GPS.
Ainsi, en activant Tous Anti Covid, votre téléphone se verra attribuer plusieurs pseudonymes, qui seront utilisés les uns après les autres pendant un certain temps, afin de s’assurer que vous ne pourrez pas être tracé. Lorsque vous vous trouvez près (à moins d’un mètre et pendant plus de 15 minutes) d’autres personnes qui ont installé l’application, leurs téléphones enregistrent et stockent vos pseudonymes de manière chiffrée.
En cas de contamination, vous pourrez donc choisir de partager tous les pseudonymes des téléphones des personnes avec qui vous avez été en contact avec une base de données centrale, qui se chargera d’envoyer une notification sur les téléphones concernés.
Les pseudonymes sont chiffrés et renouvelés toutes les 15 minutes, et la durée de conservation des pseudonymes collectés ne peut excéder 15 jours, conformément au cahier des charges établi.
UNE APPLICATION TRÈS CONTROVERSÉE
L’application fait toutefois l’objet de nombreuses critiques, notamment sur la collecte des données qu’elle engendre. Le 15 juin dernier, un chercheur en cryptologie de l’INRIA révélait ainsi à Mediapart que contrairement aux règles édictées dans le décret portant sur la création de StopCovid, l’application envoyait au serveur central toutes les données de contact de ses utilisateurs, qui étaient ensuite filtrées afin de ne conserver que celles correspondant à un contact de plus de 15 minutes et à moins d’un mètre. Malgré le fait que ce problème ait été réglé par une mise à jour de l’application effectuée fin juin 2020, la défiance des français ne s’en trouve que renforcée : Par exemple, sur les 23 étudiants de la promotion 2020-2021 du Master 2 Droit des Médias Électroniques, aucun n’a téléchargé TousAntiCovid.
Se pose également la question de l’utilité réelle de l’application. Même si les téléchargements ont augmenté suite au lancement de cette nouvelle version TousAntiCovid, pour passer d’environ 3 à 7 millions ces dernières semaines, on reste bien loin des 15 à 20 millions de téléchargements voulus par Cédric O., secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques. A titre de comparaison, nous pouvons citer le Royaume Uni, où l’application nationale de contact tracing, dénommée NHS-Covid 19, a été téléchargée par environ 40% des détenteurs de smartphone depuis son lancement en septembre dernier.
Sources:
- Ministère des Solidarités et de la santé, TousAntiCovid: réponses à vos questions, 21 octobre 2020
- Commission Européenne, Coin presse, Coronavirus: une approche au niveau de l’UE en faveur d’applications efficaces de traçage des contacts afin d’aider à la levée progressive des mesures de confinement, 16 avril 2020
- CEPD, Lignes directrices 4/2020 relatives à l’utilisation de données de localisation et d’outils de recherche de contacts dans le cadre de la pandémie de COVID-19, 21 avril 2020
- CNIL, Délibération n° 2020-046 du 24 avril 2020 portant avis sur un projet d’application mobile dénommée « StopCovid », 24 avril 2020
- CNIL, Délibération n° 2020-056 du 25 mai 2020 portant avis sur un projet de décret relatif à l’application mobile dénommée « StopCovid » , 25 mai 2020
- REYNAUD (F.), Emmanuel Macron acte l’échec de l’application StopCovid et annonce une nouvelle version : « Tous anti-Covid », Le Monde, 14 octobre 2020
- CNIL, La CNIL rend public son avis trimestriel adressé au Parlement sur les conditions de mise en œuvre des traitements SI-DEP, Contact Covid et StopCovid, 14 septembre 2020
- INRIA, Fraunhofer AISEC, Un protocole de suivi des contacts rapprochés, rigoureux et respectueux de la vie privée., Avril 2020
- DELACROIX (G), Stop Covid, l’appli qui en savait trop, Mediapart, 15 juin 2020
- BALENIERI (R), 7 millions de téléchargements pour TousAntiCovid, Les Échos, 2 novembre 2020
- PARMENTIER Louis, Tous AntiCovid la nouvelle tentative du gouvernement après l’application StopCovid., IREDIC, 5 novembre 2020