Depuis quelques semaines, la proposition de loi dite « sécurité globale » fait l’objet de polémiques, notamment en raison de son article 24 concernant la diffusion d’images de policiers dans le cadre de leurs fonctions. Si ce dernier concentre l’attention, d’autres articles sont susceptibles eux-aussi d’impacter les libertés des citoyens. C’est le cas de l’article 22 concernant l’usage de drones par les forces de l’ordre.
En mai 2020, la question de la surveillance par drones s’est posée devant le Conseil d’État. À cette occasion, le juge des référés a précisé que l’usage de drones par les forces de l’ordre n’était possible que si ce dispositif était soumis à avis de la CNIL et encadré par la loi. Par conséquent, l’article 22 de la proposition de loi sécurité globale vient pallier à ce flou juridique en instaurant un cadre spécifique. Néanmoins, il semblerait que cet encadrement ne soit pas assez restrictif.
Ce que prévoit le texte
Le texte précise les conditions dans lesquelles les drones pourront être déployés par les forces de l’ordre. Tout d’abord, le recours à ce type de surveillance sera possible dans plusieurs cas de figure, notamment la « sécurisation de rassemblements en cas de risque de troubles graves à l’ordre public », la « prévention des actes de terrorisme » et le « secours aux personnes ». Par ailleurs, les forces de l’ordre ne seront pas les seules à pouvoir faire usage d’un tel dispositif. En effet, les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers seront aussi habilités à utiliser des drones.
Le texte pose également certaines limites. En effet, le recours aux drones ne pourra pas être permanent et il ne sera pas possible de filmer l’intérieur des domiciles et des entrées. En outre, le public devra être informé de la mise en place du dispositif, excepté « lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ». En d’autres termes, le public ne sera pas informé si la surveillance a pour objectif de constater des infractions par exemple.
Par ailleurs, les images devraient être transmises en temps réel aux forces de l’ordre. Néanmoins, le texte n’écarte pas la possibilité de conserver les données dans la limite de 30 jours maximum, excepté dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire. En outre, la proposition de loi impose la tenue d’un registre des traitements ainsi qu’une consultation pour avis de la CNIL.
Un cadre juridique insuffisant
L’article 22 inquiète en ce qu’il est très peu limité. Hormis son alinéa 5 concernant l’interdiction de filmer l’intérieur des domiciles et des entrées, le texte ne dispose d’aucun garde-fou rendant par conséquent le cadre juridique très insuffisant au vu des nombreuses atteintes à la vie privée qu’il pourrait engendrer. C’est notamment l’avis de la Défenseur des droits Claire Hédon qui estime que « le recours aux drones comme outil de surveillance ne présente pas les garanties suffisantes pour préserver la vie privée ».
L’autre critique apportée à ce texte est que la surveillance par drones pourrait dissuader les citoyens d’exercer certains de leurs droits. C’est notamment le cas du droit de manifester comme le souligne Paul Cassia, Professeur de droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Pour l’instant à l’état de proposition de loi, le texte a été adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale et suit son chemin dans la procédure législative.
SOURCES :
Vincent Michelon, « Sécurité globale : ce que prévoit la future loi encadrant la surveillance par drone », LCI, novembre 2020
Julien Lausson, « Caméras piéton, drones : que prévoit la loi Sécurité Globale sur la vidéosurveillance? », Numerama, novembre 2020
Antoine Jeuffin, « Proposition de loi sécurité globale : ce que prévoit l’article 22 sur les drones », France Inter, décembre 2020
Pablo Maillé, « Loi sécurité globale : pourquoi l’article sur les drones inquiète (aussi) », Usbek et Rica, novembre 2020
« Proposition de loi relative à la sécurité globale », Vie publique, décembre 2020