NOTIONS ESSENTIELLES
Métavers (en anglais, Metaverse) : contraction du préfixe « méta » qui signifie au-delà (ou avec) et de « vers » désignant le mot univers. Le Métavers désigne donc étymologiquement un univers au-delà de (ou avec) l’univers. En pratique, il peut être défini comme un univers virtuel numérique, un monde plus ou moins ouvert, persistant et immersif (souvent en réalité virtuelle ou augmentée) auquel des utilisateurs peuvent accéder au moyen de matériel et de logiciels.
Avatar : d’un point de vue technique, représentation informatique en 2D ou en 3D d’un utilisateur. Ledit utilisateur ayant souvent la possibilité de contrôler son avatar.
Bêta-testeur : personne chargée de tester un produit informatique avant sa publication.
Version bêta : version d’un logiciel avant sa version finale pour la commercialisation
Réalité virtuelle (en anglais, Virtual reality) : abrégée RV (en anglais, VR), renvoie à un procédé informatique permettant de simuler la présence d’un utilisateur dans un environnement généré artificiellement par le biais d’un ou plusieurs logiciel(s).
« En 3D, ce n’est plus du contenu qu’il faut réguler, mais des comportements à part entière » – Brittan Heller, avocate spécialisée en technologie, auprès du Financial Times.
Depuis le changement de nom de Facebook en Meta, le Métavers fait beaucoup parler de lui, mais pas toujours pour de bonnes raisons. Si l’on s’intéresse un peu à l’actualité qui a suivi cet événement, on se rend compte que ce phénomène d’univers virtuel immersif tend à s’imposer comme l’une des « révolutions » majeures à venir et ce dernier est en train de s’imposer comme un incontournable de l’évolution du numérique, voire même comme l’avenir d’internet selon certains.
Cet intérêt grandissant a provoqué une ruée vers le Métavers et de nouvelles plateformes et initiatives apparaissent jour après jour. Nombreux sont donc ceux qui se sont jetés dans le grand bain spéculatif des mondes virtuels. Et évidemment, Facebook (désormais Meta), non en tant que précurseur mais en tant que figure de proue autoproclamée de cette nouvelle « ruée vers l’or numérique », n’a bien sûr pas attendu bien longtemps avant de dévoiler au public son propre univers virtuel en réalité virtuelle : Horizon Worlds.
Cependant, une petite semaine seulement après son lancement en version bêta « semi-ouverte » (bêta sur invitation uniquement après inscription sur le site dédié), l’univers virtuel a malheureusement fait parler de lui dans une publication postée par une bêta-testeuse, directement sur la page Facebook officielle d’Horizon Worlds. Dans cette publication, l’utilisatrice décrit des faits semblant indiquer que son avatar aurait subi des attouchements par l’avatar d’un inconnu.
Un espace impossible à modérer avec uniquement des procédés traditionnels
La question de la modération de tels espaces se pose donc naturellement et il est clair que la sécurité des utilisateurs doit être une des préoccupations majeures dans un environnement en réalité virtuelle comme Horizon Worlds, un espace où un grand nombre d’interactions se font avec d’autres utilisateurs qui sont pour la majorité des inconnus.
En l’absence de modération, le Métavers – entendu au sens large – pourrait rapidement devenir un espace d’insécurité, notamment pour les femmes et les minorités, déjà touchées par le harcèlement sur les réseaux sociaux, mais de nombreuses autres dérives peuvent également être envisagées.
Cependant, une modération réellement efficace d’un métavers est un problème de taille au vu du nombre colossal d’interactions simultanées pouvant intervenir dans ces espaces. Une telle surveillance en temps réel semble tout bonnement irréaliste. En raison du nombre important d’utilisateurs potentiels, peu de solutions semblent vraiment efficaces et le Métavers apparaît comme un espace impossible à modérer, du moins avec des procédés traditionnels.
Il est donc nécessaire de trouver une autre forme de modération ou, à défaut, des solutions complémentaires permettant aux utilisateurs de se protéger et c’est le chemin que semblent prendre ces plateformes en matière de sécurité.
La mise en place d’outils permettant à l’utilisateur de garantir sa propre sécurité
Pour le cas de Horizon Worlds, Meta a fait le choix de mettre à la disposition de ses bêta-testeurs certains outils, qui s’accompagnent d’un éventuel récapitulatif sur les pratiques de sécurité (alors proposé par un utilisateur missionné par Meta).
Ainsi, pour se « protéger » des comportements inappropriés pouvant survenir dans de telles situations, les utilisateurs du métavers peuvent avoir recours à une fonction créant une « zone de sécurité » autour de leur avatar, en clair, une sorte de bulle personnelle les coupant immédiatement de toute interaction vocale avec les autres utilisateurs présents. La manipulation est supposée être simple puisqu’elle peut se déclencher au moyens d’un simple bouton physique.
De plus, Meta indique que des « spécialistes de la sécurité » de l’entreprise peuvent retrouver l’enregistrement de la scène en cas de signalement par un utilisateur. Il est vrai que le principe même de ces plateformes permet au moins cet avantage : la conservation massive de données et donc aussi des comportements inappropriés. On peut donc envisager des bannissements d’utilisateurs à condition d’avoir établi des règles applicables et respectueuses des données personnelles desdits utilisateurs.
À qui doit revenir la responsabilité de la protection ?
La plateforme peut-elle réellement se contenter de mettre des outils dans les mains des utilisateurs pour se libérer de toute responsabilité ? Il est évidemment difficile d’apporter des conclusions fermes à ces questions, d’autant que l’on voit poindre deux conceptions divergentes à l’horizon.
D’un côté, Meta est conscient que la responsabilité ne peut pas peser sur l’utilisateur et semble conscient du fait que cela ne peut être de la faute de l’internaute s’il n’utilise pas toutes les fonctions mises à sa disposition. Mais malgré-tout, la mise en place d’un tel outil délègue une partie de la responsabilité sur l’utilisateur. En d’autres termes : « Si l’outil est là, pourquoi ne l’avez-vous pas utilisé ? ». On ne cherche donc plus à prévoir les comportements inappropriés, mais simplement à en limiter les effets et on donne à la victime la charge de se protéger.
C’est alors en se rapportant aux termes de la bêta-testeuse que l’on voit émerger une problématique bien spécifique au Métavers : dans un univers virtuel immersif, le choc émotionnel peut être perçu différemment et perturber le jugement de la victime. Afin de se poser la question de la responsabilité, il faut donc avoir à l’esprit que la nature immersive de la réalité virtuelle va venir amplifier les phénomènes toxiques que nous connaissons déjà en matière de réseaux sociaux.
« Le harcèlement sexuel est déjà quelque chose de grave en ligne, mais être en réalité virtuelle ajoute de l’intensité à ce type d’événement », décrit la bêta-testeuse.
La difficile qualification des comportements inappropriés à l’encontre un avatar
S’agissant de l’événement en tant que tel, en plus de relancer le débat sur la sécurité des femmes en ligne et sur les comportements haineux sur Internet, la réelle inquiétude est de voir ce genre d’événements se multiplier avec le nombre croissants de métavers à venir. Il est donc intéressant de savoir ce que dit la loi à ce sujet et l’on peut alors se poser la question de la qualification de ces « agressions sexuelles en ligne ».
Si l’on se positionne en l’espèce, il est difficile de parler « d’agression sexuelle » lorsque l’on se rapporte à des faits survenus sur un avatar. En effet, pour qualifier l’agression sexuelle, il faut à la fois un élément intentionnel et un élément matériel. Malheureusement, la matérialité fait défaut dans le cadre d’une agression en ligne.
La qualification la plus adaptée serait donc possiblement celle de l’outrage sexiste, qui renvoie au fait « d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Si l’on se réfère au code pénal, cette qualification est totalement applicable et fait sens, y compris pour des faits survenus en ligne.
« Mais face à ces difficultés, il ne faut pas oublier non plus que la loi n’est pas la seule à devoir apporter des solutions. Le droit ne peut pas tout faire. Il faut aussi se tourner vers la responsabilité de Facebook et des plateformes en général. » – Tiphaine Bouglon, juriste et doctorante en droit du numérique au sein du Laboratoire Biens Normes et Contrats de l’Université d’Avignon
Ce qu’il faut retenir, c’est que le Métavers est un concept encore embryonnaire dont les limites juridiques peuvent sembler floues. La question de la responsabilité est importante et pourra certainement trouver un ancrage dans les normes actuelles régulant déjà les réseaux sociaux, en raison du vecteur d’interactions sociales que s’avère être cette technologie.
Sources :
- HEATH Alex, « Meta opens up access to its VR social platform Horizon Worlds » [en ligne], The Verge, déc. 2021, volume, numéro, pagination (début et fin), [consulté le 12 janv. 2021]. https://www.theverge.com/2021/12/9/22825139/meta-horizon-worlds-access-open-metaverse
- BEURNEZ Victoria, « FACEBOOK: LE MÉTAVERS, ENVIRONNEMENT “TOXIQUE” ET “PRATIQUEMENT IMPOSSIBLE” À MODÉRER » [en ligne], BFMTV, nov. 2021, [consulté le 12 janv. 2021]. https://www.bfmtv.com/tech/mal-modere-le-metavers-pourrait-etre-une-menace-existentielle_AN-202111230322.html
- BEURNEZ Victoria, « DANS LE MÉTAVERS DE FACEBOOK, UNE PREMIÈRE ACCUSATION D'”AGRESSION SEXUELLE VIRTUELLE” » [en ligne], BFMTV, déc. 2021, [consulté le 21 janv. 2021]. https://www.bfmtv.com/tech/dans-le-metavers-de-facebook-une-premiere-accusation-d-agression-sexuelle-virtuelle_AN-202112170219.html
- VINIACOURT Elise, « Entre harcèlement sexuel et inconfort, le métavers de Facebook déjà un lieu toxique pour les femmes » [en ligne], Libération, déc. 2021, [consulté le 12 janv. 2021]. https://www.liberation.fr/economie/economie-numerique/entre-harcelement-sexuel-et-inconfort-le-metavers-de-facebook-deja-un-lieu-toxique-pour-les-femmes-20211218_KHZVH2YHQNAX7DZ6J7GYWRR6SY/
- BECHADE Corentin, « Titre de l’article » [en ligne], Numerama, déc. 2021, [consulté le 12 janv. 2021]. https://www.numerama.com/tech/795377-surprise-non-il-y-a-deja-du-harcelement-sexuel-dans-le-metaverse.html
- ECHAROUX Emilie, « Métavers : « Pour qu’une agression soit qualifiée de viol, il faut qu’il y ait une matérialité » » [en ligne], Usbek & Rica, déc. 2021, [consulté le 12 janv. 2021]. https://usbeketrica.com/fr/article/agressions-sexuelles-metavers