Google et YouTube : dans une lutte contre la négation du dérèglement climatique

Le 7 octobre 2021, soit moins d’un mois avant le début de la conférence COP26, Google s’est fermement positionné sur la délicate question de la monétisation des vidéos climatosceptiques disponibles depuis sa plateforme. En effet, l’entreprise américaine a décidé d’interdire la monétisation publicitaire des vidéos dites climatosceptiques, c’est-à-dire des vidéos qui nient la réalité ou contestent l’origine du changement climatique faisant pourtant l’objet d’un consensus scientifique.

Retour sur le rapport de l’ONG Avaaz de 2020

Ce changement de position était vivement souhaité et attendu, notamment par l’ONG Avaaz, à l’origine d’un rapport publié le 16 janvier 2020 dans lequel elle dénonce l’inaction de YouTube face aux vidéos climatosceptiques en circulation sur la plateforme. Dans son rapport, l’ONG a mis en lumière le fait que l’algorithme de YouTube participait à l’amplification de la circulation de ce type de vidéos. L’algorithme permet en effet de suggérer la lecture de nouvelles vidéos en lien avec celles précédemment visionnées. De fait, ce système pouvait tendre à l’accroissement du nombre de vidéos, notamment climatosceptiques, qui sont proposées aux internautes. De plus, l’ONG soulignait une gêne quant à la monétisation publicitaire de ces vidéos en ce que YouTube percevait une partie de cette rémunération.

L’entreprise se défend en expliquant que son « système de recommandations n’est pas conçu pour filtrer ou pénaliser des vidéos ou chaînes selon leurs points de vue ». Elle assure toutefois prendre des mesures pour lutter contre la désinformation, notamment en matière de santé ou au sujet des armes à feu. En revanche, YouTube et Google ont déjà agi sur la question de la rémunération publicitaires des contenus climatosceptiques.

L’adoption par YouTube d’une position ferme quant aux vidéos climatosceptiques au moyen de l’interdiction de la monétisation publicitaire

L’entreprise américaine affirme faire la différence entre des contenus qui présentent de fausses informations allant à l’encontre du consensus scientifique d’une part, et des contenus qui amènent les éditeurs à discuter du sujet, voire même à l’analyser d’autre part. YouTube explique que l’interdiction qu’elle vient de mettre en place concerne « les contenus faisant référence au changement climatique comme étant un canular ou une arnaque, les affirmations niant que les tendances à long terme montrent que le climat mondial se réchauffe, et les affirmations niant que les émissions de gaz à effet de serre ou l’activité humaine contribuent au changement climatique ».
Afin d’éviter toute erreur dans la sélection des vidéos concernées, YouTube a prévu de mettre en place des vérifications automatiques et manuelles. L’objectif de ce double contrôle est d’éviter une mauvaise évaluation du contenu d’une vidéo, privant ainsi, par erreur, un éditeur d’un moyen de rémunération.

Les annonceurs, c’est-à-dire les entreprises qui paient pour l’insertion de leurs publicités sous les vidéos, quant à eux, ont fait savoir leur souhait de ne pas être liés aux contenus climatosceptiques.
Ainsi, Google Ads a modifié son règlement afin de pouvoir mettre en place cette nouvelle mesure d’interdiction de la monétisation publicitaire des vidéos climatosceptiques.

Par ailleurs, YouTube a pour statut juridique d’être un hébergeur. Or, l’article 6-1-2 de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 définit les hébergeurs comme « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ». La législation en vigueur précise également qu’ils sont soumis à un régime d’irresponsabilité civile pour les informations qu’ils stockent, hormis les cas où :

• ils ont eu connaissance du caractère illicite « ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère », ou

• dès lors qu’ils ont eu connaissance du caractère illicite, ils n’ont pas « agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».

Ainsi, YouTube, tout en souhaitant garder une certaine neutralité dans sa position sur le maché du numérique puisqu’il continue d’héberger des contenus climatosceptiques, agit fort en démonétisant ces vidéos.

La plateforme se base sur l’opinion du consensus scientifique quant à la question du dérèglement climatique pour agir. Le principe de neutralité du net est ainsi respecté puisque les contenus sont visibles et accessibles. Toutefois, YouTube a décidé de ne pas être rémunéré grâce à ces vidéos. La plateforme conserve et respecte par conséquent des valeurs éthiques. On peut supposer que ces vidéos ne sont pas considérées comme étant illicites, puisque dans le cas contraire YouTube aurait été dans l’obligation de retirer ces contenus sous peine que sa responsabilité puisse être engagée.

On peut également penser que YouTube agit en ce sens pour améliorer son image en matière d’écologie, notamment pour des raisons politiques.

Cependant, sur d’autres sujets sensibles, notamment et à titre d’exemple, sur de fausses informations relatives aux vaccins, le positionnement du géant américain est encore plus ferme puisqu’il se laisse la possibilité de supprimer de sa plateforme des vidéos ou encore de fermer des chaines.

Un engagement comparable à celui de Twitter et de Facebook face au bannissement de Donald Trump

Cette évolution de la position de YouTube fait écho au bannissement de l’ancien président des Etats-Unis, Donald Trump, des réseaux sociaux américains, à savoir de Twitter, de Facebook et d’Instagram le 8 janvier 2021. En effet, suite de la victoire de Joe Biden aux élections présidentielles et de l’invasion des partisans de l’ex-président américain au Congrès, ces hébergeurs ont condamné les propos violents et l’attitude jugée déplacée de Donald Trump en supprimant, d’une part, les contenus illicites et en supprimant, d’autre part, le compte de l’ancien président.

Sources :

• Alexandra BENSAMOUN ; Julie GROFFE, Dalloz, Répertoire IP/IT et Communication, Création numérique, Octobre 2013

• Julien LAUSSON, « YouTube empêche désormais la monétisation des vidéos climatosceptiques », Numerama, 8 octobre 2021, https://www.numerama.com/politique/746133-youtube-empeche-desormais-la-monetisation-des-videos-climatosceptiques.html

• Adrien SENECAT, « Comment la désinformation sur le climat se diffuse et se finance sur YouTube », Le Monde, 17 janvier 2020, https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/01/17/comment-la-desinformation-sur-le-climat-se-diffuse-et-se-finance-sur-youtube_6026186_4355770.html

• Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, Legifrance, https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000801164/