Depuis le 30 septembre, les décisions administratives et judiciaires rendues par les hautes juridictions doivent être publiées sur des plateformes, de manière libre et gratuite. Le Conseil d’État devra donc publier les décisions administratives et la Cour de cassation, les décisions judiciaires.
Qu’est-ce que l’open data ?
Les données publiques font l’objet d’un dispositif d’open data, qui impose l’ouverture des données numériques produites par les acteurs publics. L’administration détient des données des citoyens, qui ont vocation à être diffusées au plus grand nombre. Ce partage doit se faire de manière libre pour permettre la réutilisation de ces données par des tiers.
En effet l’article 6 de la CEDH dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement » ; et l’article 11-3 de la loi du 5 juillet 1972 que « les tiers sont en droit de se faire délivrer copie des jugements prononcés publiquement ». Ces articles traduisent la volonté du législateur d’instaurer une véritable transparence au sein de l’administration.
En 2012, le conseil des ministres fait signer aux membres du gouvernement une charte contenant le devoir de transparence. La France s’engage alors dans l’ouverture des données publiques en intégrant le Partenariat pour le Gouvernement Ouvert, dont l’objectif est l’ouverture et la transparence de l’action publique.
En 2016, c’est le SIRENE (système répertoriant les caractéristiques des entreprises) qui est ouvert de manière gratuite au public, et en accès libre.
La mise en oeuvre de la publication des décisions de justice
La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique impose l’accessibilité des décisions de justice sur internet dans le but de redonner confiance aux citoyens s’agissant de la justice. Il faut moins d’occultation et plus de transparence. C’est suite à cette loi que les choses ont réellement changé, notamment concernant la publication des décisions de la Cour de cassation et du Conseil d’État.
Actuellement, il existe une plateforme nommée Ariane Web qui recense environ 230 000 documents depuis plus de dix ans, dont des décisions de justice du Conseil d’État et des cours administratives d’appel, ainsi que du tribunal des conflits. Cette plateforme est ainsi une base de jurisprudence administrative seulement.
Mais nous sommes encore loin du résultat souhaité : seulement 20 000 décisions administratives et 15 000 décisions judiciaires sont publiées par an. L’objectif est la mise à disposition de 300.000 décisions administratives et plus de 3 millions de décisions judiciaires chaque année.
Par la suite, la publication des décisions de justice des autres degrés de juridiction suivra. C’est le décret du 28 avril 2021 pris en application de l’article 9 du décret du 29 juin 2020 (concernant la mise à disposition du public des décisions) qui prévoit le calendrier de publication : au printemps 2022 suivront les cours d’appel des ordres administratif et judiciaire, à l’été 2022 les tribunaux administratifs, tandis que la publication de la part des tribunaux judiciaires n’arrivera qu’en fin d’année 2025, tout comme les cours d’appel en matière pénale.
La conciliation du principe de transparence avec le RGPD
Les données publiques peuvent contenir des données personnelles ne pouvant, elles, pas être publiées. Nous avons d’un côté une obligation de publication des décisions de justice, et de l’autre une interdiction de publication des données personnelles. Comment concilier les deux ? Il faudra anonymiser les données personnelles, c’est-à-dire occulter les noms des parties et tout élément permettant de les identifier. Dès lors, on pourra ainsi respecter RGPD tout en mettant oeuvre le principe de transparence.
La diffusion des décisions sans anonymisation des données à caractère personnel est interdite. En revanche, elle sera permise dans certaines situations : si une disposition législative ou administrative le prévoit, ou si la personne concernée a donné son accord.
La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est ainsi intervenue pour préciser les mesures d’occultation des éléments contenus dans les décisions et permettant l’identification des parties.
Le décret du 30 septembre vient lui préciser les modalités de fonctionnement de deux traitements automatisés de données à caractère personnel, prévus pour le Conseil d’État et la cour de cassation, qui permettront la publication des décisions de justice. Ces deux traitements sont dénommés respectivement « Décisions de la justice administrative » et « Judilibre ». Ils vont pouvoir conserver des données personnelles en vue de leur publication, les traiter dans le cadre strictement prévu par le décret et prévoir les personnes habilitées y ayant accès, ainsi que traiter des demandes d’occultation. Enfin, ils ont aussi pour objectif d’enrichir les décisions de justice des juridictions administratives et judiciaires.
En ce qui concerne la base de données « Judilibre », la Cour de cassation y a déjà publié environ 480 000 décisions rendues publiquement. La publication doit se faire le jour même du prononcé pour les arrêts publiés au Bulletin, et dans un délai maximal d’une semaine après leur prononcé pour les autres arrêts.
SOURCES
- Conseil d’état, Ariane Web
- justice.gouv.fr
- legifrance.fr
- Open data des décisions de justice : le décret est paru, La gazette des communes, Léna Jabre, 01/10/2021
- « Open Data » des décisions de justice – Décret n°2021-1276 du 30 septembre 2021, La lettre de la DAJ, paru dans le N°326 – 21 octobre 2021, Juridictions.
- Open data des décisions de justice : création de deux traitements automatisés « Décisions de la justice administrative » et « Judilibre », actualitésdudroit.fr, Lionel Costes, 1/10/21.