La pornographie reste une problématique contemporaine en vogue de par sa libération progressive de l’action de sa régulation d’antan. Passant de petits cinémas abscons et socialement considérés de manière négative à un empire mondial dans l’univers d’internet, la pornographie s’est servie des outils numériques que les progrès techniques lui ont offert afin de se garantir une place de choix dans les sites les plus recherchés au monde.
De nos jours, cette facilité d’accès pose des questions quant à la possibilité des mineurs d’y pénétrer, leurs esprits altérables pouvant leur donner une conception de la sexualité bien différente de la réalité, et changer irrémédiablement leur processus psychique sur l’avenir.
L’ample accès à la pornographie, un problème de société ?
Au cours des quatorze dernières années, une explosion de la consommation de la pornographie en ligne a pu être constatée, on dénombre notamment en France plus de 25 millions de visiteurs uniques pour le seul mois de juillet 2019 sur les quatre sites pornographiques les plus fréquentés.
Cet état des lieux permet de comprendre un accès facile et immédiat à ces sites pornographiques, il est aisé de voir que tout un chacun peut pénétrer ce genre de sites au travers de la validation de la case « j’ai plus de 18 ans ». Un dispositif immanquablement trop restreint pour ces jeunes consommateurs qui peuvent y accéder en attestant être majeurs.
Une étude réalisée a pu constater cet accès : deux tiers des garçons et un tiers des filles de 15 à 17 ans ont déjà eu accès à un film pornographique, tout en ajoutant que les mineurs, suivant la vague électronique, possèdent un smartphone de plus en plus jeune (1).
Le président de la république Emmanuel Macron avait pu affirmer dans un discours que « nous ne pouvons pas d’un côté déplorer les violences faites aux femmes et de l’autre, fermer les yeux sur l’influence que peut exercer sur de jeunes esprits, un genre qui fait de la sexualité un théâtre d’humiliation et de violences faites à des femmes qui passent pour consentantes » (2).
Les effets de la pornographie sur les mineurs sont délétères, on constate un changement de paradigme dans leur esprit avec une altération des pratiques sexuelles considérées comme normales et un basculement de perspective de la notion de consentement au sein du rapport sexuel.
Des démarches ont pu être précédemment initiées afin de garantir une sécurité des mineurs quant à l’accès à ces sites pornographiques, telles que l’instauration du contrôle parental sur les smartphones et ordinateurs des mineurs si les parents le désirent, ou encore l’éducation des enfants à la sexualité afin d’expliquer que celle retranscrite en ligne ne représente pas celle du quotidien. Malgré ces efforts, ces mesures restent relativement lisses et le sous le contrôle unique des parents. Face à ce problème inhérent au développement d’internet, l’instauration de solutions juridiques s’était sentie nécessaire.
Vers la fin de la dystopie… ou de l’utopie ?
Après des tentatives devant les juridictions de voir naître une régulation numérique, voire une interdiction des sites pornographiques en France, le décret du 7 octobre 2021 (3) se positionne dans cette optique afin d’offrir des éléments de réponse quant à l’applicabilité des moyens législatifs mis en place.
Ce décret a le rôle de décret d’application d’une précédente loi du 30 juillet 2020 (4), cette dernière ayant notamment en son sein l’article 23 offrant la possibilité au CSA de :
– constater qu’un site pornographique ne prend pas les mesures nécessaires à l’interdiction d’entrer du mineur,
– de lui adresser une mise en demeure afin que des mesures soient prises pour que le mineur n’y accède plus,
– et si mesures il n’y a pas eu, la possibilité, selon une procédure accélérée au fond, de mettre fin à l’accès de ce dit-site.
Comme le précise le rapport de la commission des lois sur la proposition de loi précédant l’acceptation de cette dernière (5), l’article 11 de la proposition (nouvellement article 22 de la loi du 20 juillet 2020) vient modifier l’article 227-24 du code pénal, afin de renforcer la protection des mineurs à l’exposition de la pornographie, tout en précisant qu’un fournisseur de contenu pornographique ne peut s’exonérer de sa responsabilité pénale par la seule exigence d’une déclaration d’un âge supérieur à dix-huit ans de la part du consommateur.
Il s’agit d’une large avancée législative depuis l’apparition des sites pornographiques proposant des contenus pornographiques gratuits et se rémunérant grâce à la publicité et au trafic généré par les nombreux utilisateurs quotidiennement.
La mise en pratique de ces dispositions législatives, ainsi que de leur application au travers du décret du 7 octobre 2021, peuvent être remises en cause dans le monde numérique dans lequel nous vivons. On peut notamment penser à la question des procédés par lesquels ces sites pourraient réclamer la majorité des utilisateurs, seront-ils de nature à recueillir les données personnelles de ces derniers ? et si tel est le cas, ces données seront-elles bien respectées au sens du Droit de l’Union européenne, ces sites opérant de l’autre côté de l’Atlantique ?
Malgré ces efforts, d’autres questions peuvent désormais intervenir : il est intéressant de constater que les sites avec comme seul objet la pornographie seraient concernés par de telles dispositions, mais quid des sites plus généralistes donnant la possibilité d’accéder à des contenus pornographiques tels que Reddit ou 4chan ? Faudrait-il réclamer l’identité de la personne majeure à l’entièreté du site, seulement à une partie, ou purement et simplement supprimer les catégories et contenus pornographiques de ces sites dans l’internet français ?
Outre ces questions pratiques et juridiques, nous ne pouvons renier l’avancée juridique mise en place par les gouvernants dans un monde numérique, trop numérique. Il en résulte que le sujet de la pornographie en France est vaste et complexe, et d’autres avancées législatives au fil du temps permettront de répondre à ces questions qui demanderont de plus en plus de précision.
Sources :
- « Ado et porno », étude de l’institut Ifop pour l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN), 20 mars 2017 (1)
-
Discours du Président de la République à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et du lancement de la grande cause du quinquennat, 25 novembre 2017 (2)
- Décret n° 2021-1306 du 7 octobre 2021 relatif aux modalités de mise œuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l’accès à des sites diffusant un contenu pornographique (3)
- LOI n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales (4)
- Rapport de la commission des lois sur la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, enregistré à la présidence de l’assemblée nationale du 15 janvier 2020 (5)
- bfmtv.com ” Le gouvernement publie un décret pour bloquer de nombreux sites pornographiques”, Raphaël Grably, 8 octobre 2021. (6)