Le règlement dit Digital Market Act consiste en une tentative par la commission européenne de réguler les grandes entreprises les plus rentables du monde, c’est-à-dire les GAFAM. GAFAM est un acronyme qui permet d’identifier ces entreprises : Google, Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft, soit des entreprises se focalisant sur le numérique et qui, en raison de leur taille et de la particularité de leurs services, ne peuvent pas être soumis aux règles habituelles du droit de la concurrence. Le Digital Market Act ayant été voté par le Parlement européen et approuvé par le Conseil de l’Europe en juillet 2022, entrera en vigueur le 2 mai 2023. Entre temps, il est nécessaire d’effectuer un grand nombre de préparations du côté des GAFAM et de l’Europe
L’existence des GAFAM, un danger pour le droit de la concurrence grâce au numérique.
Pour quelle raison les GAFAM demandent-ils une action rapide de la part de la commission européenne ? Le problème se pose sur plusieurs aspects de ces sociétés :
Leur rentabilité est la plus haute au monde et bien que le chiffre d’affaires ne soit parmi les plus importants, celui-ci importe peu lorsque les pertes de ces mastodontes sont réduites par le support numérique.
Le numérique n’est pas affecté par des éléments tels que la crise Covid et est même au contraire avantagé par celle-ci. De ce fait, ils possèdent une grande force de rachat et d’absorption d’autres entreprises.
Cependant, et là est le problème des GAFAM, ils ne peuvent être qualifiés comme ayant une position dominante sur un autre marché que le numérique, leur champ d’activité étant trop vaste pour être localisé dans un marché spécifique. En effet, ceux-ci ont une diversité de services affectant un très grand nombre de marchés sans pour autant posséder toujours une position dominante au sein de l’un ou l’autre d’entre eux. Cela rend difficile le travail de régulation du marché intérieur de l’Europe, l’article 102 du TFUE demandant une position dominante spécifiquement sur un marché pour permettre la mise en œuvre du processus afin de rétablir l’équilibre du marché.
De plus, les GAFAM bénéficient aussi de l’avantage d’être quasiment essentiels de nos jours, Google Search étant utilisé par 90 % des Français, le marché de l’ordinateur reposant majoritairement une question de choix entre mac (Apple) ou d’ordinateur utilisant la technologie Microsoft (Windows). Cette position dominante a provoqué un grand nombre de recours au droit de la concurrence malgré les difficultés de son utilisation contre les GAFAM aussi bien en France qu’au niveau européen. Cependant ces procédures se trouvent ineffectives du fait du développement rapide de ces sociétés et du numérique. C’est pourquoi une nouvelle régulation visant spécifiquement les GAFAM et certaines sociétés proches a été approuvée en juillet 2022 pour son application en 2023 afin de permettre une régulation de ces sociétés.
Le Digital Market Act : Une tentative presque hâtive de régulation.
Le Digital Market Act arrive aussi bien en retard que trop en avance pour gérer le sujet des GAFAM. En effet, trop tard car le développement de ces sociétés pouvait être observé depuis bien avant la crise du Covid et une action rapide sur le sujet aurait pu limiter la nécessité de la mesure et aurait limité le risque d’une réaction musclée de ces sociétés qui occupent une place importante dans notre vie quotidienne. Ce texte arrive aussi trop tôt du fait qu’il n’a pas pris le temps de définir une qualification spécifique pour le cadre des GAFAM, un cas qui risque de se répéter dans le futur du fait de la nature des services du numérique. Les particularités des GAFAM demandent un véritable travail de qualification pour cerner le cadre de leur activité, ce que les experts eux-mêmes ont des difficultés à déterminer avec précision.
Le but de cette réglementation est bien de permettre au marché intérieur de fonctionner de façon correcte grâce à des règles harmonieuses pour toutes les sociétés fonctionnant dans le territoire où les <<gatekeepers>> (comme le texte les nomme) sont présents au bénéfice des utilisateurs et sociétés commerciales selon l’article premier du DMA.
Ce texte place une grande importance sur la protection des données personnelles et sur les limitations que ces grandes entreprises doivent respecter dans le cadre par exemple de publicité ciblées ou encore l’utilisation transversale de ces informations entre plateformes d’une même société. tel est le cas, par exemple, entre Gmail et Google search ou entre les différents services de Apple. Cela en revanche n’est qu’une simple protection pour les utilisateurs car la plupart des services n’utilisent pas directement les données personnelles mais plutôt les données générales de la plateforme.
On peut noter cependant que la limitation de collecte de données personnelles entre les plateformes ralentit quelque peu le design même des services de ces entreprises, dont une grande partie tient à cette capacité de lier les différents services qu’ils mettent à disposition de l’utilisateur. Pourtant, le texte prévoit de faciliter la communication pour l’utilisateur entre ces services, avec un délai de 2 à 4 ans pour régler les problèmes techniques principaux de communication entre ces applications. On peut se demander si la protection des données personnelles et le respect du texte lui-même ne causera pas une contradiction sur ce sujet.
Enfin, un élément important est la mise en place d’un contrôle régulier par la commission européenne du respect des mesures mises en place par le texte. Cela va demander un travail supplémentaire au-delà du travail usuel de contrôle par le droit de la concurrence des situations des entreprises, en demandant que ces entreprises répondent directement devant la commission.
On peut se demander quelle va être la réaction de ces entreprises mondiales pour appliquer ce texte lorsque celui-ci entrera en vigueur, et si leur position dominante les amènera à effectuer un bras de fer avec l’Europe. Jusqu’ici, ces mesures semblent rester dans des termes qui sont encore en lien avec le droit de la concurrence usuel mais on ne peut déduire quelle influence économique ou juridique ce texte provoquera dans le futur.
Sources :
DMA: https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2022-0270_EN.html
Sur la rentabilité des GAFAM : https://www.radiofrance.fr/franceinter/sans-surprise-la-rentabilite-des-gafam-a-explose-depuis-le-debut-de-la-pandemie-5991960
Article 102 du Traité de fondation de l’Union européenne: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:12008E102&from=PL
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