La protection des mineurs en ligne est une question de plus en plus centrale, de par les tragiques évènements qu’emporte le cyberharcèlement. L’avènement des réseaux sociaux, qui ont pris une place importante dans la vie des plus jeunes, et le manque accru de régulation sur ces plateformes ont justifié de prendre des mesures permettant de protéger les mineurs dans le monde du Numérique. C’est notamment dans cette logique que s’est inscrite l’adoption du Digital Service Act qui prévoit de prendre des mesures appropriées et proportionnées afin de garantir un niveau élevé de protection de la vie privée, de la sûreté et de la sécurité des mineurs, et que le président de la République a décidé de renforcer avec la création d’une charte et d’un laboratoire spécialement prévu à cet effet.
« L’espace numérique ne peut pas être un lieu de non-droit. C’est le combat qu’on a mené contre le terrorisme, qu’on mène contre les discours de haine en ligne. C’est ce qu’on doit poursuivre au niveau de la protection de nos enfants »
Emmanuel Macron
La protection des mineurs en ligne : une problématique n’ayant pas de frontières
Le président de la République Emmanuel Macron a fait connaitre sa volonté de créer une nouvelle « charte » afin de protéger les enfants en ligne, et c’est à l’occasion de la cinquième édition du forum de Paris sur la paix qui a débuté le 10 novembre, que ce dernier a lancé le « laboratoire pour la protection de l’enfance en ligne », évènement qui a regroupé le président argentin, Alberto Fernandez, et le président estonien, Alar Karis, des organisations non gouvernementales, telles que WeProtect, Standup the children, Point de Contact et E-Enfance (organisation gérant le numéro vert 3018 dédié aux enfants victimes de cyber-harcèlement), des régulateurs, des représentants de grandes plateformes numériques telles que Microsoft, Amazon, Meta ou encore Tik Tok, et des moteurs de recherche, tel que Google. Ce laboratoire aura donc pour objectif de protéger les mineurs exposés à la pornographie, au harcèlement et à la violence en ligne, mais également d’évaluer, développer et promouvoir des solutions sur les sujets listés dans la Charte publiée sur le site de l’Élysée.
Un lourd passif à l’origine de cette création
La Charte pour la protection des enfants sur internet n’est pas sans fondement. En effet, celle-ci trouve son origine et se calque sur le modèle et la méthode de l’Appel de Christchurch contre l’extrémisme violent en ligne lancé par la Nouvelle-Zélande et la France à la suite des attaques contre la mosquée de Christchurch qui avait fait 51 morts et 40 blessés en mai 2019. En effet, après ces actes terroristes, les images sanglantes de ce tragique évènement prises par l’auteur lui-même étaient restées accessibles en ligne à tout public pendant plusieurs heures, exposant ainsi les mineurs à d’atroces visions et traumatismes. Ainsi, la France et la Nouvelle-Zélande avaient par conséquent invité 120 gouvernements et organisations à s’engager dans la lutte contre les contenus violents et terroristes sur internet, mais également à réformer le Forum mondial d’Internet contre le terrorisme (GIFCT) afin d’accélérer le retrait des images en cas d’urgence. Cette initiative est également le prolongement de l’appel à l’action « Défendre les droits de l’enfant dans l’environnement numérique » qui avait déjà été initié par l’Élysée et l’Unicef l’année dernière pour la même occasion.
Quels sont les engagements pris par les signataires afin de parvenir aux résultats listés par la Charte ?
Afin de parvenir aux résultats souhaités, plusieurs mesures ont été mises en place. En effet, le “Laboratoire” devra se réunir de façon plénière au moins trois fois par an et les priorités seront alors précisées par tous les membres lors de ces réunions, débouchant ainsi par des appels à projet. Par conséquent, trois à cinq expérimentations devront alors être menées chaque année et un comité de scientifique sera alors chargé de produire un rapport public sur les résultats des expériences.
Quant au comité exécutif qui représente la société civile, les entreprises et les gouvernements, celui-ci devra se réunir une fois par mois afin de s’assurer du bon déroulement des travaux mis en place afin de parvenir à l’achèvement des objectifs posés. Ainsi, pour cette première année, les priorités qui ont été dégagées sont de quatre ordres : Premièrement, le partage d’images pornographiques ou d’images intimes non consenties des mineurs qui nécessitera la création d’une base de données, deuxièmement, la vérification de l’âge des mineurs en ligne (qui a déjà fait l’objet d’expérimentations par Meta avec le système de reconnaissance faciale de Yoti permettant de vérifier l’âge des utilisateurs), troisièmement, le cyberharcèlement et enfin quatrièmement, l’usage de l’intelligence artificielle comme détecteur de messages suspects. Ce n’est pas tout, puisque le laboratoire compte également s’intéresser à la question des enfants influenceurs qui sont, quant à eux, de plus en plus exposés publiquement sur les réseaux sociaux.
En effet, le président de la République a, durant la réunion, affirmé que : « protéger nos enfants en ligne implique de mieux vérifier l’âge des utilisateurs, de mieux détecter et stopper les prédateurs sexuels, de mieux détecter et répondre au harcèlement, d’être plus efficaces pour retirer les contenus ».
C’est ainsi que les GAFAM et tous ceux qui se sont engagés dans cette lutte participeront aux activités du laboratoire, notamment en parrainant et en finançant certaines expérimentations pertinentes, prendront en compte les résultats des expérimentations, soutiendront le développement de cadres normatifs, de bonnes pratiques industrielles, de principes de conception, etc. Selon l’Élysée, les résultats des expérimentations pourront être utilisés pour nourrir la régulation.
Des mesures substantiellement inefficaces pour empêcher l’accès à des contenus pornographiques
Selon le gouvernement français, il n’y aurait pas assez de mesures pour empêcher l’accès aux mineurs à des contenus pornographiques en ligne. En effet, les grandes autorités de régulation telles que la CNIL et le CSA aujourd’hui devenu l’ARCOM peinent à trouver des mesures efficaces malgré de très nombreuses mises en demeure des régulateurs envers les sites problématiques, si bien que le gouvernement s’impatiente et commence de plus en plus à se pencher sur la question, car forcé de constater qu’aujourd’hui, les seules mesures conditionnant l’accès à des sites pornographiques se limitent à valider la déclaration de majorité par un simple clic. Par conséquent, Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance a donc proposé des solutions alternatives, telles que réguler l’accès à ce type de site à l’utilisation d’une carte bancaire. Cependant, les régulateurs ont estimé que ce type de mesure était beaucoup trop facilement contournable et donc inefficace. En revanche, la Cnil appelle à l’intervention d’un tiers de confiance afin de garantir la protection de l’identité de l’individu, et ainsi garantir le principe de minimisation des données collectées.
Qu’en est-il des réseaux sociaux les plus problématiques ?
Twitter et Tiktok étant les réseaux sociaux regroupant le plus de contenus haineux, le gouvernement français a donc appelé les dirigeants à la tête de ces plateformes à insister plus lourdement sur la régulation des contenus afin d’y installer un climat plus sécurisant pour les utilisateurs mineurs.
Ainsi, Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation, a appelé le réseau social Tik Tok à réguler et modérer de façon plus sérieuse les contenus postés par ses utilisateurs, notamment dans le but de renforcer la lutte contre le harcèlement scolaire. En effet, celui-ci a évoqué : « la circulation d’un certain nombre de messages » qui ne peuvent être « approuvés et font du mal à l’école, aux élèves et à la République ».
Enfin, Emmanuel Macron a également appelé Elon Musk, le nouveau propriétaire de Twitter, à s’allier au projet. Il a notamment interpellé ce dernier sur son compte Twitter :« @elonmusk, Will the bird protect our children ? » qui signifie : « L’oiseau protègera-t-il nos enfants ? », faisant référence au logo du réseau social, ce à quoi Elon Musk a répondu en français « absolument, nous prendrons des mesures à cet égard ».
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