YouTube sanctionne des créateurs de contenus visés pénalement

Plusieurs scandales ont récemment secoué la sphère YouTube en France. En effet au cours des derniers mois, plusieurs créateurs de contenus francophones sont inquiétés par des accusations de harcèlement sexuel, viol, ou corruption de mineurs. D’abord l’été dernier, le YouTubeur Léo Grasset plus connu sous le nom de chaine DirtyBiology, a été mis en cause par Mediapart. Il y a quelques jours, une plainte pour viol a été déposée à son encontre. La semaine dernière c’est finalement le YouTubeur Norman Thavaud (Norman fait des vidéos) qui s’est retrouvé accusé de viol et de corruption de mineurs. Placé en garde à vue, et relâché au bout de 36 heures, ce dernier n’est pour l’instant pas inquiété par des poursuites. Une vague d’indignation se fait alors connaitre, notamment de la part de la plateforme qui se saisit de ce cas pour avancer ses valeurs et afin de prendre des sanctions contre les créateurs de contenus en cause.

YouTube coupe les vivres

Après l’avoir d’abord envisagé, YouTube, a fini par prendre la décision de suspendre la monétisation des contenus publiés par Norman Thavaud. Cette mesure, d’abord demandée par la communauté, a finalement été mise en place par YouTube. Concrètement cela signifie que le visionnage des vidéos des créateurs en question ne générera plus aucun revenu pour ces derniers. Les vidéos en question ne pourront plus contenir d’annonces  émises par YouTube qui permettent ainsi de rémunérer le créateur. “Nous avons décidé de démonétiser la chaîne de Norman, c’est-à-dire qu’il n’y a plus de publicités associées à sa chaîne et donc plus de revenus” (propos du porte-parole de YouTube à l’attention de l’AFP).

Cette sanction n’est pas nouvelle et a déjà été prise par YouTube contre le créateur de contenu Marvel Fitness condamné pour harcèlement à 2 ans de prison (dont 2 mois fermes). On peut aussi citer Alain Soral, Dieudonné, ou le youtubeur Papacito qui ont aussi fait l’objet de sanctions par Youtube, mais toujours pour contenus haineux diffusés dans des vidéos. Ici ce qui est nouveaux c’est que les comportements condamnés sont extérieurs à la plateforme. Même si on se doute que le statut de YouTubeur célèbre a pu être un outil notamment en ce qui concerne la corruption de mineur.

YouTube a dû se positionner entre la liberté d’expression, la présomption d’innocence, et la vague de mécontentement à laquelle la plateforme a fait face.

Après une hésitation YouTube a donc décidé de ne peut plus mettre d’annonce sur les vidéos de la chaine YouTube « Norman fait des vidéos ».

Mais ce n’est pas la seule mesure prise, en plus de cela, YouTube assure que les vidéos des créateurs de contenus comme Norman fait des vidéos, ou de Dirtybiology, ne seront plus mises en avant par la plateforme, ces dernières ne pourront être présentes dans les onglets « recommandation » ou encore « tendance ». Le but poursuivi ici est clair : ralentir autant que possible la viralité des vidéos de ces créateurs de contenus sans supprimer ces dernières. En effet aucune des conditions prévues pour la suppression de la chaine n’a été remplie, d’autant plus qu’à ce stade de la procédure Norman Thavaud est toujours innocent. On voit donc mal comment justifier la suppression de sa chaine.

On voit une volonté très claire de la firme américaine de se dissocier des créateurs au sein de ces histoires judiciaires.

Quels sont les motivations de cette décision ?

Le porte-parole de la firme américaine a mis en avant le règlement de YouTube, et la menace que ces créateurs de contenus représentaient pour « les utilisateurs, la communauté, les employés ou l’écosystème » de YouTube. Pour comprendre cette mesure prise par une plateforme comme YouTube il faut se pencher sur une réalité économique dictant le comportement de ce genre de plateforme. Il est bon de rappeler que YouTube réalise ses profits en insérant des publicités pour le compte d’annonceurs dans des vidéos réalisées par des créateurs de contenus sur la plateforme. Il est facile d’imaginer que malgré la présomption d’innocence dont bénéficie Norman Thavaud, les annonceurs ne souhaitent pas que leur campagne publicitaire soit associée à un créateur de contenus visé par des accusations de viols, de harcèlement sexuel ou encore de corruption de mineurs. YouTube en prenant ce parti risque un manque à gagner, car il faut de rappeler que la chaine “Norman fait des vidéos” génère de millions de vues, et donc potentiellement une manne très importante pour YouTube et les annonceurs. Ce risque se retrouve tempéré donc par la volonté de YouTube de garder une bonne image, Norman étant devenu une des figures de la scène YouTube francophone, mais aussi d’éviter tout conflit avec des annonceurs qui n’accepteraient  pas d’être associés au contenu de Norman Thavaud.

Cette affaire soulève tout de même une question. Malgré la justification morale de cette décision, est-il normal qu’une plateforme puisse suspendre de manière unilatérale toutes sources de revenus issue de la création artistique ? Rappelons encore une fois qu’il n’y a à ce jour pas de condamnation pénale. Finalement est ce que les créateurs de contenus ne sont pas trop soumis au bon vouloir de la plateforme ?

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Sources :

Huffpost : https://www.huffingtonpost.fr/justice/article/norman-thavaud-youtube-demonetise-ses-videos-apres-sa-garde-a-vue_211364.html

Mediapart : https://www.mediapart.fr/journal/france/131222/violences-sexuelles-youtube-demonetise-les-chaines-de-leo-grasset-et-de-norman-thavaud

Capital : https://www.capital.fr/entreprises-marches/youtube-demonetise-la-chaine-de-norman-1454484

AFP via Twitter : https://twitter.com/afpfr/status/1599768613308833792

France Info : https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/youtube-supprime-les-publicites-des-videos-de-norman-thavaud-accuse-de-viol-et-de-corruption-de-mineures_5538456.html