Le commerce via Internet se développe de manière exponentielle. La tentation de s’inspirer de l’architecture et/ou du contenu des sites internet existants est de plus en plus grande. Vous devez veiller toutefois à ne pas copier les sites internet de vos concurrents, sous peine que soient caractérisés des actes de concurrence parasitaire et d’engager votre responsabilité délictuelle.
C’est l’objet de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, pôle 5 – Ch. 2, arrêt du 16 décembre 2022, qui rappelle que le parasitisme peut être caractérisé sans qu’il n’existe pour autant un risque de confusion.
Faits :
La SARL Léa exerce depuis 2012 une activité de vente en ligne d’étiquettes et d’objets personnalisés pour enfant via le site « c-monetiquette.fr ».
La SARL Art et Pub, est une société spécialisée dans la création design et dans l’impression, proposant depuis 2018 sur son site internet « etiquette-folies.fr » un service de personnalisation d’étiquettes thermocollantes et autocollantes, pour vêtements et objets pour les enfants et les séniors ainsi qu’une gamme d’objets personnalisables ou non.
Par lettre du 21 août 2019, la société Léa a mis en demeure la société Art et Pub de cesser l’utilisation de ce qu’elle considérait être une copie de la présentation de son site internet et des produits qui y sont vendus. La société Art et Pub a alors procédé à des modifications de la présentation d’éléments de son site sans apporter de réponse directe à la société Léa.
Procédure :
C’est dans ces conditions que la société Léa a, par acte en date du 4 novembre 2019, fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la société Art et Pub pour parasitisme.
En première instance, le jugement du tribunal de commerce de Paris a :
–débouté la société Léa de l’intégralité de ses demandes,
–débouté la société Art et Pub de sa demande en dommages-intérêts,
– condamné la société Léa à payer à la société Art et Pub la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté la société Art et Pub du surplus de ses demandes à ce titre,
– condamné la société Léa aux dépens,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
La société Léa a interjeté appel dudit jugement et par ses dernières conclusions demande à la cour sur le fond de :
– condamner la société la société Art et Pub à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme,
– faire interdiction à la société Art et Pub de poursuivre l’exploitation du site internet www.etiquettes-folies.fr dans les conditions ayant menées à sa condamnation sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 30 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à moins de modifier son site Internet de telle manière qu’il :
– diversifie suffisamment son offre de produits et de personnalisation pour se distinguer clairement de celle de Léa,
– présente un système de personnalisation différent de celui de Léa,
– ne présente plus de descriptions identiques ou similaires à celles de Léa ni d’offre de «packs pratiques»,
– débouter la société Art et Pub de l’ensemble de ses demandes,
– juger que les différences entre les éléments des pages d’accueils, les systèmes de personnalisation, les produits (étiquettes, lunch boxes, gourdes, sacs en toile et mugs) des sociétés Art et Pub et Léa écartent tout risque de confusion, et même d’association, entre
celles-ci.
Problème de droit :
La copie, d’un site d’un concurrent, entrainant un risque de confusion à l’égard des consommateurs, utilisateurs, ou visiteurs, est-elle constitutive de concurrence parasitaire punissable ?
Solution de la Cour :
A en croire le juge de la Cour d’appel, en reprenant dès la première page du site « etiquettes-folies.fr » des rubriques identiques ou très proches de celles du site « c-monetiquette.fr » de la société Léa ainsi qu’un texte de présentation du service identique, en présentant des produits de même gamme de façons identique ou très similaire avec des dessins décoratifs approchants, en adoptant dans la rubrique « étiquettes autocollantes », des pages avec une présentation très proche telle la bande en haut de la page et des rubriques permettant de personnaliser l’étiquette (fond, écriture, dessins, mon texte…) quasi identiques et présentées de la même manière, la société Art et Pub a commis des agissements parasitaires au préjudice de la société Léa.
Note :
Il est devenu fréquent qu’une société qui exploite un site internet reproche à un de ses concurrents ou un tiers d’avoir repris son site ou des éléments de celui-ci.
Or, les sites internet sont juridiquement protégés.
Sur quelle base juridique peut-on sanctionner la copie d’un site internet ?
Deux fondements juridiques seraient alors envisageables pour sanctionner l’auteur de tels actes:
– d’une part, faire valoir l’atteinte à des droits de propriété intellectuelle, tels que le droit d’auteur ou le droit sur une marque,
– d’autre part, la concurrence déloyale et le parasitisme sur le fondement de la responsabilité de droit commun, selon lequel tout fait qui cause un préjudice doit être réparé.
Dans cette décision le juge n’a pas hésité à se pencher vers le droit de la concurrence notamment sur le fondement de la concurrence parasitaire.
Toutefois, selon la jurisprudence, les fonctionnalités d’un site internet ne sont pas en tant que telles protégeables par le droit d’auteur et le code la propriété intellectuelle (Cass. Civ. 1ère, 13 déc. 2005 ; CJUE, 2 mai 2012, C-406/10).
En général, seuls les fondements juridiques de la concurrence déloyale et du parasitisme peuvent utilement être invoqués dans ce type de situation de notre espèce.
La qualification de la copie de site internet d’un concurrent en concurrence parasitaire
Cette décision de la cour d’appel de Paris est fortement inspirée d’une décision du 28 septembre 2015. Dans cette affaire précitée, le Tribunal de Commerce de Paris avait jugé qu’il est dangereux de copier ou de fortement s’inspirer du contenu d’un site internet concurrent et/ou de ses conditions générales de vente.
En effet, un tel comportement peut alors être sanctionné sur le terrain de la concurrence parasitaire. Ce Tribunal avait également rappelé que la preuve d’une faute déloyale parasitaire n’est pas soumise à l’existence d’un risque de confusion.
Ainsi dans notre cas d’espèce, la société Art et Pub a copié « les éléments des pages d’accueils, les systèmes de personnalisation, les produits (étiquettes, lunch boxes, gourdes, sacs en toile et mugs) de le société SARL Léa. ».
Ce litige soumis devant le juge de la cour d’appel de Paris, celui-ci retient que « les nombreuses reprises d’éléments du site c-monetiquette.fr par le site etiquettes-folies.fr précédemment relevées qui doivent être appréhendées dans leur globalité, ce quand bien même chaque élément apparaît comme banal, et indépendamment de tout risque de confusion, ne peuvent être considérées comme fortuites ou relevant des tendances du marché et témoignent d’une volonté de la société Art et Pub de s’inscrire, à titre lucratif et de façon injustifiée, dans le sillage de la société Léa caractérisant ainsi un comportement fautif constitutif d’agissements parasitaires. »
Concrètement, le parasitisme consiste pour un agent économique à s’immiscer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de la notoriété acquise ou des investissements, tel un parasite.
Le seul fait de s’inspirer de la valeur économique de son concurrent qui a réalisé des investissements suffit à caractériser un agissement parasitaire.
Le parasitisme suppose :
– que l’on se soit inspiré ou qu’il y ait eu la copie d’une valeur économique individualisée ;
– L’existence d’un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ;
– l’exploitation d’une certaine notoriété.
Les conditions de réalisation d’investissement par le parasité et de notoriété de celui-ci sont cumulatives pour établir le parasitisme.
Par ailleurs, un acte de concurrence est fautif et provoque un trouble commercial à condition que :
– il soit contraire aux usages normaux du commerce, notamment en ce, qu’il rompt l’égalité entre les divers intervenants,
– il fausse le jeu normal du marché.
La concurrence déloyale et le parasitisme sont donc conditionnés par la réalisation de critères d’application distincte.
La concurrence déloyale suppose un risque de confusion étranger à la concurrence parasitaire.
Le parasitisme existe en effet même sans risque de confusion.
Ainsi, la cour a commencé par constater que le site de Art et Pub Etiquettes-folies.fr était postérieur à C-monetiquette.fr, celui de la société Léa, et qu’il reprenait à l’identique ou presque des rubriques ainsi que les présentations et les textes. L’huissier a par ailleurs consulté d’autres sites du domaine et a remarqué que leur présentation était très éloignée de celle des parties tant au niveau des rubriques que de la présentation des pages.
Ceci montre une singularité dans la présentation du site internet de la société Léa sans que celle-ci ait à démontrer un effort créatif particulier, le site étant connu de l’internaute par la présentation des pages qui le constituent, qui comportent des rubriques particulières et des systèmes de personnalisation d’étiquettes dédiés ». Enfin, la cour a rejeté l’argument d’Art et Pub lié aux investissements consentis pour le site, constatant qu’ils n’étaient pas liés à sa conception et à sa présentation.
Les sanctions du parasitisme lié à la reprise d’un site concurrent
Les pratiques déloyales consistant à reprendre les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels, d’un concurrent, qui ont un coût en ce qu’ils permettent à l’auteur de ces pratiques de s’épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles.
Il résulte de ce qui précède que la société Léa dont l’activité est fondée sur son site internet marchand, a effectué de lourds investissements pour le créer et le développer et ainsi constituer une valeur économique individualisée, investissements dont a profité la société Art et Pub pour son propre site.
Au vu des éléments dont dispose la cour, le préjudice de la société Léa en lien causal avec la faute de la société Art et Pub sera entièrement réparé par l’allocation de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts. Et naturellement, la cour interdit à la société Art et Pub de poursuivre de tels agissements,
Condamne la société Art et Pub à payer à la société Léa la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice issu des agissements parasitaires,
Condamne la société Art et Pub à payer à la société Léa la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Condamne la société Art et Pub aux dépens de première instance et d’appel avec, s’agissant des dépens d’appel, possibilité de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Sources :
Extrait :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 21 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Paris,
Vu l’appel interjeté le 20 janvier 2021 par la S.A.R.L. Léa,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 31 août 2022 par la S.A.R.L. Léa, appelante et intimée incidente,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 juin 2022 par la S.A.R.L. Art et Pub, intimée, et appelante incidente,
Vu les conclusions de procédure remises au greffe et notifiées par voie électronique le 31 août 2022 par la S.A.R.L. Art et Pub aux fins de rejet des conclusions de l’appelante,
Vu les conclusions de procédure en réponse remises au greffe et notifiées par voie électronique le 31 août 2022 par la S.A.R.L. Léa,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 29 septembre 2022.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La SARL Léa dont le siège social est [Adresse 1] (RCS B752873455) exerce depuis 2012 une activité de vente en ligne d’étiquettes et d’objets personnalisés pour enfant via le site «’c-monetiquette.fr’ ».
La SARL Art et Pub, dont le siège social est situé dans la zone industrielle de [Localité 5], [Adresse 6] (RCS B 521076984), est une société spécialisée dans la création design et dans l’impression, proposant depuis 2018 sur son site internet «’etiquette-folies.fr’» un service de personnalisation d’étiquettes thermocollantes et autocollantes, pour vêtements et objets pour les enfants et les séniors ainsi qu’une gamme d’objets personnalisables ou non.
Par lettre du 21 août 2019, la société Léa a mis en demeure la société Art et Pub de cesser ce qu’elle considérait être une copie de la présentation de son site internet et des produits qui y sont vendus. La société Art et Pub a alors procédé à des modifications de la présentation d’éléments de son site sans apporter de réponse directe à la société Léa.
C’est dans ces conditions que la société Léa a, par acte en date du 4 novembre 2019, fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la société Art et Pub en parasitisme.
Le jugement dont appel du tribunal de commerce de Paris a :
– débouté la société Léa de l’intégralité de ses demandes,
– débouté la société Art et Pub de sa demande en dommages-intérêts,
– condamné la société Léa à payer à la société Art et Pub la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté la société Art et Pub du surplus de ses demandes à ce titre,
– condamné la société Léa aux dépens,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
La société Léa a interjeté appel dudit jugement et par ses dernières conclusions demande à la cour de :
A titre liminaire :
– déclarer irrecevables les demandes de la société Art et Pub tendant à voir déclarer caduque et nulle la déclaration d’appel de la société Léa,
– déclarer mal fondées les demandes de caducité et de nullité de la déclaration d’appel de la société Art et Pub,
– débouter la société Art et Pub de l’ensemble de ses demandes,
Sur le fond :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de la société Art et Pub au titre de la procédure abusive,
Et statuant à nouveau :
– condamner la société la société Art et Pub à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme,
– faire interdiction à la société Art et Pub de poursuivre l’exploitation du site internet www.etiquettes-folies.fr dans les conditions ayant menées à sa condamnation sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 30 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à moins de modifier son site Internet de telle manière qu’il :
– diversifie suffisamment son offre de produits et de personnalisation pour se distinguer clairement de celle de Léa,
– présente un système de personnalisation différent de celui de Léa,
– ne présente plus de descriptions identiques ou similaires à celles de Léa ni d’offre de «packs pratiques»,
– débouter la société Art et Pub de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la société Art et Pub à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Art et Pub aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ceux-là concernant au profit de maître Patricia Hardouin ‘ SELARL 2H Avocats et ce, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions la société Art et Pub demande à la cour de :
– juger que la société Léa n’a jamais allégué avoir eu un empêchement technique lors de sa déclaration d’appel du jugement du 21 décembre 2020 rendu par le tribunal de commerce de Paris,
– juger que la société Léa n’a pas signifié la déclaration d’appel conformément à l’article 901-4° du code de procédure civile,
Ce faisant,
– prononcer la nullité de la déclaration d’appel faute de lui avoir signifié celle-ci dépourvue de l’annexe énonçant les dispositions critiquées du jugement violant ainsi l’article 901-4° du code de procédure civile, ce qui lui cause un grief,
– constater le défaut d’effet dévolutif de l’appel total de la société Léa, faute pour celle-ci d’avoir expressément visé les chefs du jugement rendu le 21 décembre 2020 (RG nº2019062887) par le tribunal de commerce de Paris,
– constater qu’en raison du défaut d’effet dévolutif de l’appel total de la société Léa, la cour n’est saisie d’aucune demande,
– déclarer la société Léa irrecevable et en tous les cas mal fondée en son appel du jugement du 21 décembre 2020, l’en débouter purement et simplement,
– confirmer le jugement du 21 décembre 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande pour procédure abusive et a estimé ses frais irrépétibles à la somme de 2 500 euros,
– recevant la société Art et Pub en son appel incident, y faisant droit,
Et statuant à nouveau,
Sur la procédure abusive :
– infirmer le jugement du 21 décembre 2020 en ce qu’il l’a déboutée de sa demande pour procédure abusive,
– juger qu’en engageant la présente procédure, la société Léa a abusé de son droit d’ester en justice,
En conséquence,
– condamner la société Léa à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en procédure abusive,
Sur les frais irrépétibles en première instance :
– infirmer le jugement du 21 décembre 2020 en ce qu’il a condamné la société Léa à payer à la société Art et Pub la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
En conséquence,
– condamner la société Léa à verser à la société Art et Pub la somme de 24 600 euros au titre des frais irrépétibles réellement engagés par celle-ci en première instance.
En tout état de cause’:
– débouter la société Léa de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions y compris de ses demandes d’interdiction,
– juger que la société Léa ne justifie pas des conditions préalables à l’action en parasitisme et que son action est, en conséquence, mal fondée,
– juger que les différences entre les éléments des pages d’accueils, les systèmes de personnalisation, les produits (étiquettes, lunch boxes, gourdes, sacs en toile et mugs) des sociétés Art et Pub et Léa écartent tout risque de confusion, et même d’association, entre celles-ci,
– condamner la société Léa à lui verser la somme de 19 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel ainsi qu’au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SARL ACBM Avocats, en la personne de maître Antoine Cheron, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur la demande de la société Art et Pub de rejet des conclusions en date du 31 août 2022 de la société Léa
La cour constate que par conclusions de procédure en date du 31 août 2022, la société Art et Pub sollicite le rejet des débats des conclusions et de la pièce signifiée par la société Léa le 31 août 2022 au motif du non-respect du principe du contradictoire.
Néanmoins, la date de l’ordonnance de clôture prévue le 31 août 2022 ayant été reportée par le conseiller de la mise en état au 29 septembre 2022 laissant à la société Art et Pub un délai pour répliquer aux conclusions de l’appelante dans le respect du principe de la contradiction, il ne sera pas fait droit à sa demande.
Sur la déclaration d’appel
La société Art et Pub oppose à la société Léa que la déclaration d’appel qu’elle a déposée au greffe le 20 janvier 2021 n’énonçait pas les chefs du jugement critiqués, celle-ci renvoyant à une annexe qui n’a été notifiée à son conseil, à la demande expresse de celui-ci, que le 23 avril 2021 par courrier officiel. Elle relève au vu de cette annexe que seuls 548 caractères correspondent aux chefs critiqués, qu’en conséquence la société Léa ne démontre pas un empêchement technique justifiant le recours à une annexe et que faute d’avoir énoncé les chefs du jugement critiqués dans la déclaration d’appel, et d’avoir régularisé une nouvelle déclaration d’appel dans le délai imparti pour conclure au fond, «’la déclaration d’appel est nulle et dépourvue d’effet dévolutif’».
La société Art et Pub soulève outre la nullité de la déclaration d’appel, l’absence d’effet dévolutif de l’acte d’appel faute de mention des chefs du jugement critiqué que seul la cour a le pouvoir de connaître. Sa demande est donc recevable.
Néanmoins, l’article 1er 16° du décret n°2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et modifiant diverses dispositions, applicable aux instances en cours, a modifié l’article 901 du code de procédure civile qui dispose désormais La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
La déclaration d’appel de la société Léa en date du 20 janvier 2021 comporte une annexe qui fait corps avec celle-ci, qui y fait expressément référence, et dans laquelle sont énoncés les chefs du jugement critiqués.1 Il convient donc de considérer que l’acte d’appel de la société Léa est conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile même en l’absence d’empêchement technique, qu’il a été dévolu à la cour les chefs du jugement attaqué et qu’il n’y a pas lieu de constater que la cour n’est pas saisie de demandes.
Sur le parasitisme
La société Léa reproche à la société Art et Pub la reprise d’éléments de son site internet fruit d’investissements financier et intellectuel qui se singularise par le choix et l’ordre des rubriques du site, les textes de présentation et le système de personnalisation des produits ainsi que de sa gamme de produits.
Elle critique le jugement entrepris qui a pris en considération les frais engagés par la société Art et Pub dans le lancement de son site pour écarter les actes de parasitisme alors que les investissements du parasite sont indifférents au succès de l’action et en ce que les premiers juges ont étudié chaque élément revendiqué pris isolément sans les appréhender dans leur globalité.
Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs peut être librement reproduit et commercialisé à moins de la caractérisation d’un comportement déloyal constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.
Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
La demande en concurrence parasitaire présente un fondement délictuel et il incombe en conséquence à la société Léa de rapporter la preuve d’un agissement fautif de la société Art et Pub commis à son préjudice par la captation des investissements consentis pour développer un produit phare.
Selon les éléments fournis au débat par la société Léa et notamment le procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 14 août 2019 (pièce 4 Léa), le site internet marchand c-monetiquette.fr qu’elle édite et exploite se présente ainsi :
– en haut de la page, une bannière comportant le logo et le nom du site C mon étiquette puis 7 rubriques, packs pratiques, étiquettes vêtements, étiquettes autocollantes, gourdes et mugs personnalisés, lunch boxes personnalisées, trousses et sacs personnalisés et, nos activités pour enfants,
– un texte de description des produits personnalisés et services de personnalisation offerts, ainsi rédigé’: Etiquettes et objets personnalisés pour enfants, personnalisez votre étiquette thermocollante pour marquer vêtements, fournitures scolaires, objets personnels. A l’école, en colonie de vacances, en classe découverte ou en crèche, marquer les vêtements devient un vrai plaisir. Nos étiquettes vêtements sont 100% personnalisables et très résistantes (lave-linge et sèche-linge). Nos étiquettes personnalisées raviront vos enfants ou constitueront un cadeau de naissance original.
– des exemples de produits personnalisés apparaissant dans une mosaïque d’images.
La société Léa justifie notamment par la fourniture d’une attestation de son commissaire aux comptes (pièce 12 Léa) et des factures des prestataires ayant participé à la conception du site et à sa mise à jour (pièce 6 et 6bis Léa) que celle-ci a dû fournir d’importants investissements notamment financiers 142’830,64 euros en graphisme et 283’317,16 euros en prestations informatiques entre 2014 et 2018 pour concevoir et mettre à jour ce site Internet, étant précisé que l’activité de la société Léa est exercée uniquement sur internet que ce soit en France ou dans d’autres pays européens et que ces investissements sont, contrairement à ce que soutient la société Art et Pub, consacrés au site internet marchand qu’elle exploite.
Il ressort du procès-verbal de constat précité que sur le site «’etiquettes-folies.fr’» édité par la société Art et Pub, la première page qui s’affiche présente’:
– en haut de la page une bannière comprenant le nom du site «’Etiquettes Folies’» et 9 rubriques’: packs pratiques, étiquettes vêtements, autocollants objets, lunch boxes bento, gourdes isothermes, tote bags sacs, coussins sequins, mugs personnalisables et bracelets d’identification,
– une présentation de produits personnalisés sur une seule photographie en dessous de laquelle sont alignés 6 sceaux de couleur rouge, qualité garantie, encre sans solvant, prix bas, livraison rapide, paiement sécurisé et une question”,
– en bas de page, une bannière «’nos produits personnalisables’» en dessous de laquelle figure’un texte de description suivant ‘: Etiquettes et objets personnalisés pour enfants, personnalisez votre étiquette thermocollante pour marquer vêtements, fournitures scolaires, objets personnels. A l’école, en colonie de vacances, en classe découverte ou en crèche, marquer les vêtements devient un vrai plaisir. Nos étiquettes vêtements sont 100% personnalisables et très résistantes (lave-linge et sèche-linge, lave-vaisselle, réfrigérateur, congélateur, micro-ondes). Nos étiquettes personnalisées raviront vos enfants ou constitueront un cadeau de naissance original.
Il apparaît que dès la première page du site etiquettes-folies.fr de la société Art et Pub dont il n’est pas discuté qu’il est postérieur au site c-monetiquette.fr de l’appelante, celui-ci reprend des rubriques identiques ou très proches, de celles du site de la société Léa, présentées dans le même ordre, ainsi qu’un texte de présentation du service identique.
De même, la cour constate que lorsque l’huissier instrumentaire consulte les rubriques telles celles concernant les lunch box ou les gourdes isothermes, les produits de même gamme sont présentés de façon identique ou très similaire avec des dessins décoratifs approchants. En outre, dans la rubrique «’étiquettes autocollantes’», la page consacrée à certains produits comme les chaussures ou les vêtements a une présentation très proche, avec une bande en haut de la page constituée de plusieurs photographies de forme carrée représentant plusieurs exemples de chaussures ou vêtements portant une étiquette, ces photographies étant très similaires, et les rubriques permettant de personnaliser l’étiquette (fond, écriture, dessins, mon texte’) quasi identiques et présentées de la même manière.
De plus, lorsque l’huissier de justice consulte d’autres sites internet spécialisés dans le commerce des étiquettes personnalisées comme ludilabel.fr, il convient de remarquer que la présentation de ces sites est très éloignée de celle des parties tant au niveau des rubriques que de la présentation des pages. Ceci montre une singularité dans la présentation du site internet de la société Léa sans que celle-ci ait à démontrer un effort créatif particulier, le site étant connu de l’internaute de par la présentation des pages qui le constituent, qui comportent des rubriques particulières et des systèmes de personnalisation d’étiquettes dédiés qui ont fait l’objet de nombreux échanges avec les prestataires de la société Léa ayant participé à la conception ou à l’évolution du site (pièce 12) entre 2012 et 2018 pour une présentation plus intuitive et qui ne se limitent nullement au choix de la mascotte, fruits d’investissements, conférant à ce site une valeur économique individualisée procurant à la société Léa un avantage concurrentiel.
La circonstance que la société Art et Pub a également investi dans son projet n’est pas exclusif des agissements fautifs précédemment caractérisés étant relevé que l’attestation en date du 3 février 2020 qu’elle fournit au débat (pièce 6) qui émane de son expert-comptable si elle fait état d’investissements de la société Art et Pub, qui ne sont toutefois corroborés par aucun élément comptable, la plupart concernent des dépenses pour du matériel industriel et informatique ou une découpeuse qui ne concernent pas des investissements concernant la conception et la présentation du site, la période d’investissements concernant les prestations web d’un montant de 69.679 euros n’étant pas renseignée par l’attestant à la différence des autres investissements.
Or, les nombreuses reprises d’éléments du site c-monetiquette.fr par le site etiquettes-folies.fr précédemment relevées qui doivent être appréhendées dans leur globalité, ce quand bien même chaque élément apparaît comme banal, et indépendamment de tout risque de confusion, ne peuvent être considérées comme fortuites ou relevant des tendances du marché et témoignent d’une volonté de la société Art et Pub de s’inscrire, à titre lucratif et de façon injustifiée, dans le sillage de la société Léa caractérisant ainsi un comportement fautif constitutif d’agissements parasitaires.
Il s’infère nécessairement, d’un acte de concurrence déloyale constaté, un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral.
Ainsi que le relève la société Léa, les pratiques déloyales consistant à reprendre les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels, d’un concurrent, qui ont un coût en ce qu’ils permettent à l’auteur de ces pratiques de s’épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles.
Il résulte de ce qui précède que la société Léa dont l’activité est fondée sur son site internet marchand, a effectué de lourds investissements pour le créer et le développer et ainsi constituer une valeur économique individualisée, investissements dont a profité la société Art et Pub pour son propre site.
Au vu des éléments dont dispose la cour, le préjudice de la société Léa en lien causal avec la faute de la société Art et Pub sera entièrement réparé par l’allocation de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Les mesures d’interdiction sollicitées par la société Léa seront accueillies dans les termes du dispositif sans qu’il soit justifié de les assortir d’une astreinte, la société Art et Pub ayant déjà modifié les pages de son site pour répondre aux reproches de la société Léa.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Léa au titre des agissements parasitaires commis par la société Art et Pub.
Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive
L’action de la société Léa ayant prospéré, les demandes de dommages et intérêts de la société Art et Pub au titre de la procédure abusive seront rejetées.
La décision déférée sera pour ce motif confirmée de ce chef.
Sur les autres demandes
Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles sont également infirmés.
Partie perdante, la société Art et Pub sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Léa, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 8 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute la société Art et Pub de sa demande de rejet des conclusions de la société Léa en date du 31 août 2022,
Dit que l’acte d’appel de la société Léa en date du 20 janvier 2021 est conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile et n’encourt pas la nullité,
Rejette la demande de la société Art et Pub tendant à voir constater le défaut d’effet dévolutif de l’appel de la société Léa,
Infirme le jugement entrepris sauf en sa disposition ayant rejeté la demande de la société Art et Pub au titre de la procédure abusive,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit qu’en reprenant dès la première page du site «’etiquettes-folies.fr’» des rubriques identiques ou très proches de celles du site «’c-monetiquette.fr’» de la société Léa ainsi qu’un texte de présentation du service identique, en présentant des produits de même gamme de façons identique ou très similaire avec des dessins décoratifs approchants, en adoptant dans la rubrique « étiquettes autocollantes’», des pages avec une présentation très proche telle la bande en haut de la page et des rubriques permettant de personnaliser l’étiquette (fond, écriture, dessins, mon texte’) quasi identiques et présentées de la même manière, la société Art et Pub a commis des agissements parasitaires au préjudice de la société Léa,
Fait interdiction à la société Art et Pub de poursuivre de tels agissements,
Condamne la société Art et Pub à payer à la société Léa la somme de 20’000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice issu des agissements parasitaires,
Condamne la société Art et Pub à payer à la société Léa la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Condamne la société Art et Pub aux dépens de première instance et d’appel avec, s’agissant des dépens d’appel, possibilité de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.