Un positionnement sur une révolution qui questionne le droit et l’éthique
L’usage de l’intelligence artificielle est un phénomène qui s’étend de plus en plus dans une pluralité de domaines. Que ce soit pour de la gestion d’entreprise, pour de l’optimisation, pour l’utilisation de voitures autonomes ou encore pour la création de contenus, l’IA est omniprésente.
Début 2021, l’entreprise OpenAI a lancé son application « DALL-E », un programme informatique basé sur une I.A qui permet de générer une image par la rédaction d’un texte. L’application, dont les résultats sont impressionnants, a eu un succès fou.
Mais de cette révolution numérique dans l’art découlent de nombreuses problématiques concernant le droit et les abus qui peuvent s’y afférer.
Si en France, les images générées par I.A ne sont pas soumises à la propriété intellectuelle, il est quand même possible de les utiliser dans un cadre commercial suivant les conditions d’utilisation du service de création artificielle. Cependant, la possibilité de générer une image en rédigeant un simple texte demandant l’intégration d’une autre œuvre (modifié ou non) ou d’une personne particulière pose des questions de droit d’auteur. L’IA, puisant dans des données pour créer les images, peut produire un résultat très proche d’une autre œuvre existante et protégée, ou la reproduire. Utiliser une telle image à des fins commerciales est questionnable juridiquement.
A ce titre, beaucoup de banques d’images en ligne, comme Getty Images, ont fait le choix d’interdire les œuvres générées par I.A de leur plateforme, face à ce flou réglementaire qui entoure leurs publications.
Mais a contrario, il semblerait que d’autres souhaitent prendre les devants, puisque le 5 décembre 2022 l’entreprise américaine Adobe a annoncé qu’elle autorise les images générées par I.A sur sa banque d’images nommée Adobe Stock. L’entreprise souhaite en effet autoriser la commercialisation d’illustrations produites à l’aide de l’intelligence artificielle sur sa plateforme dédiée. Sarah Casillas, directrice du contenu d’Adobe Stock, souligne que « Les premières technologies d’IA générative ont suscité des interrogations quant à la manière de les utiliser correctement. Adobe a étudié ces questions en profondeur et a mis en place une nouvelle politique de soumission qui, selon nous, garantira une utilisation responsable de la technologie IA par les créateurs et les clients ».
Une politique de commercialisation soumise à des règles strictes
L’autorisation de telle images provenant d’IA commercialisées par Adobe stock sera la même que les illustrations classiques. Néanmoins, si les règles entourant ces contenus sont encore floues, l’entreprise promet d’adopter une modération stricte. Le créateur d’un contenu provenant d’une IA touchera une commission à chaque vente de son bien numérique, comme pour les autres contenus, mais la violation de propriété intellectuelle sera proscrite. Il sera impossible de commercialiser une image basée sur le contenu préexistant, non libre de droit, d’un artiste.
Si l’œuvre, créée à partir de l’I.A, représente une personne réelle, un lieu, ou un contenu protégé, l’auteur devra être en mesure de justifier que la personne concernée lui a donné l’autorisation de l’utilisation de cette représentation. Quand bien même l’œuvre ne serait pas inspirée de ces éléments mais ressemblerait visuellement à ces éléments, le créateur devra confirmer qu’il dispose de tous les droits pour ce contenu. Plus simplement, Adobe stock souligne que « les créateurs doivent disposer des droits légaux nécessaires si une œuvre a été créée à partir de référence à des personnes, des lieux ou des biens ». En cas de litige sur la propriété d’un bien, l’entreprise américaine promet de continuer à verser une indemnisation aux véritables auteurs.
De même, la politique d’Adobe interdit les contenus reposant sur une description trop vague ou ceux qui seraient générés sur la description de personnes ou de lieux réels. Le but est de ne pas induire en erreur le client sur la nature de l’œuvre.
Cette politique repose en effet sur un principe de transparence et d’étiquetage des contenus. Les illustrations provenant de l’utilisation d’une I.A comme DALL-E devront être identifiées comme telles par les utilisateurs de la banque d’images. Les lignes directrices de cette politique précisent bien que « seul le contenu qui a été correctement étiqueté peut être sélectionné pour être inclus dans les galeries de mise en valeur du contenu, les demandes de recherche des clients et d’autres matériels promotionnels ».
Cependant, toutes ces règles et guidelines d’adobe stock ne concerneront que les contributions sous forme d’illustrations. La plateforme rejette en effet et ne proposera pas l’hébergement ni la commercialisation des contenus photo-réalistes pour éviter toute confusion avec la photographie.
La volonté d’Adobe d’assurer sa place dans le futur de l’I.A
Par cette décision, Adobe prend une position dans l’histoire de l’illustration qui devrait faire réagir.
Avec les réglementations dictées ci-dessus, la firme américaine promet qu’elle participera à « l’évolution qui découlera de cette technologie vers des outils qui donneront aux artistes les moyens d’agir, sans jamais chercher à remplacer l’imagination humaine.”
Adobe stock souhaite alors sûrement s’emparer de ce nouveau marché, pour l’instant tabou et aux contours flous, avant que d’autres géants de l’illustration ne lui passent devant. L’entreprise y voit une opportunité, car si l’apparition de l’utilisation de l’I.A dans l’industrie de l’illustration apporte son lot de questions juridiques et éthiques, il est clair que les possibilités artistiques sont élargies. Selon Sarah Casillas, « Correctement conçue, utilisée et diffusée aux utilisateurs, l’IA générative peut être un outil puissant pour améliorer la créativité, en accélérant le processus créatif au profit des consommateurs de ressources numériques et de la communauté des contributeurs qui produisent ces ressources »
Cependant si Adobe démontre là une volonté de prendre de l’avance sur la concurrence, il faut convenir que cela ne veut pas dire que la plateforme est la seule à y avoir pensé. L’entreprise Shutterstock, par exemple, a elle aussi annoncé qu’elle proposerait à ses clients des images générées par I.A à partir d’un texte.
Quoi qu’il en soit, la prochaine étape, qui faciliterait grandement cette arrivée de contenus générés par I.A dans l’industrie de l’image, arrivée qui semble inévitable un jour ou l’autre, serait l’adoption d’un cadre juridique strict et clair en la matière.
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