par Khaled ANOUTI, étudiant du Master 2 Droit des médias électroniques
Avec l’essor de l’intelligence artificielle, de nombreux pays tentent d’utiliser cette forme de technologie dans le but de sauvegarder la sécurité et l’intérêt public.
Le Parlement français a adopté la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à Paris, en légalisant la vidéosurveillance algorithmique, à des fins de sécurité.
La loi du 19 mai 2023 est composée de 28 articles, qui sont relatifs aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant autres dispositions, autorisant le traitement algorithmique des images collectées dans les espaces publics.
D’abord, la vidéosurveillance algorithmique est une technologie qui vise à mettre une couche logicielle, un algorithme sur les caméras de vidéosurveillance qui existaient dans les espaces publics pour détecter des situations anormales.
Cette technologie de surveillance existait déjà mais elle requérait un texte pour la rendre légale.
De plus, la France en adoptant la vidéosurveillance algorithmique pour les jeux Olympiques et Paralympiques à Paris, va devenir le 1er pays de l’Union Européenne qui va utiliser et légaliser cette technologie.
D’après le décret d’application de la loi, en date du 11 octobre 2023, la vidéosurveillance algorithmique devrait être utilisée d’abord de manière expérimentale, le législateur ayant mis en avant le caractère temporaire de l’algorithme d’identification jusqu’à 2025. On a alors étendu cette pratique au-delà des Jeux Olympiques et Paralympique qui vont se terminer en septembre 2024.
Or, cette technologie présente plusieurs inquiétudes et pose plusieurs problèmes en termes d’atteinte aux droits fondamentaux. De plus, le décret d’application de la loi du 19 mai 2023 a subi plusieurs critiques, au point qu’il a même été demandé à ce qu’il soit réécrit pour éviter l’atteinte au droit au respect de la vie privée, et d’autres droits fondamentaux.
On peut alors se demander quel est l’intérêt et le but de l’utilisation de cette technologie ?
– Une surveillance par intelligence artificielle :
Le traitement algorithmique des images captées dans les espaces publics a été acté par la loi du 19 mai 2023. Cette technologie est donc légalisée même si c’est pour une période déterminée et de façon provisoire.
Selon la CNIL, « la vidéosurveillance algorithmique désigne des dispositifs vidéo auxquels sont associés des traitements algorithmiques mis en œuvre par des logiciels, permettant une analyse automatique en temps réel et en continu des images captées par la caméra ».
Or, comme indiqué par plusieurs agents publics, l’objectif essentiel de l’adaptation de cette technologie de surveillance algorithmique est de détecter en temps réel des évènements susceptibles de révéler un risque d’acte de terrorisme ou une atteinte grave à la sécurité des personnes.
Le but est donc d’assurer la sécurité des Jeux olympiques de Paris 2024, en détectant les comportements suspects, et de faire d’abord une analyse des images en temps réel pour ensuite les signaler aux pouvoirs compètent.
Comme l’a souligné le ministre des Sports, ce texte est indispensable au bon déroulement des Jeux Olympiques, tout en respectant les droits et les libertés des citoyens.
Alors la mise en œuvre de cette pratique est justifiée par le fait que les activités doivent être exposées ce qui suppose donc un examen par l’autorité administrative, et de détecter les actes terroristes et les atteintes grave à la sécurité des personnes plus rapidement.
Par contre, des garanties ont été données concernant l’application de la loi, qui sont en apparence rassurantes. Ainsi, le dispositif ne fera pas de reconnaissance faciale, les images étant par ailleurs supprimées au bout d’une durée maximale de 12 mois.
– Les risques découlant de l’utilisation de cette technologie :
La surveillance algorithmique est donc une technologie qui va être utilisée « pendant la période des Jeux Olympiques et Paralympiques » pour plus de sécurité et pour détecter en temps réel des évènements qui présentent des risques de sécurité.
Mais l’utilisation de cette technologie a été fortement critiquée par plusieurs organisations internationales et associations pour la défense des droits dans les espaces numériques, comme par exemple Amnesty International. Malgré les affirmations du gouvernement, qui a précisé qu’il ne va pas utiliser les données biométriques pour identifier des personnes, les algorithmes vont quand même évaluer les comportements des personnes dans les espaces publics, en utilisant des données corporelles qui sont font partie des données personnelles. Il existerait donc un risque indéniable pour le droit à la vie privée,
alors que la CNIL a reconnu que la France vivait un tournant avec l’arrivée de l’intelligence artificielle dans le traitement des images liées au maintien de l’ordre et à la sécurité.
De plus, l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique renvoie à un État plus sécuritaire, en donnant plus de pouvoirs à la police. On peut aussi craindre une certaine déresponsabilisation de l’État en cas de fausse arrestation par exemple, en mettant la faute sur l’algorithme car c’est un système de détection d’action de façon autonome.
Outre le risque d’erreur dans l’identification d’une personne, l’utilisation de ces procédés génère aussi un risque de discrimination. Le problème a déjà été relevé aux États-Unis, dans des cas où les algorithmes se trompaient entre les Africain-Américains et les Asiatiques.
On peut aussi ajouter une critique que la loi du 19 mai 2023 n’est pas limitée aux seuls jeux Olympiques et Paralympiques à Paris 2024. Ceux-ci seront des excuses pour mettre en œuvre ces technologies, parce que la période d’utilisation de la vidéosurveillance algorithmiques est censée s’étendre jusqu’à 2025. Selon le décret du 11 octobre 2023, un comité sera responsable de rendre un rapport en précisant les avantages et les désavantages de cette expérience.
Malgré cette recherche d’équilibre, la vidéosurveillance algorithmique reste suspecte pour les organisations qui défendent les droits dans les espaces numériques. Elle pourrait permettre de diminuer et détecter les mouvements de foules, ce qui d’un point juridique, peut aussi porter atteinte au droit de la liberté de réunion et d’association dans les espaces publics.
Sources :
– La loi « jeux olympiques » : l’arbre de l’expérimentation algorithmique cache la forêt de l’extension sécuritaire (univ-amu.fr)
– Projet de Loi relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques : LOI n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions – Dossiers législatifs – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
– Paris 2024 : « Réécrire le décret sur la vidéoprotection algorithmique est une nécessité pour éviter des dérives prévisibles » (lemonde.fr)