par Khaled ANOUTI, étudiant du Master 2 Droit des médias électroniques
Durant l’évènement annuel de l’entreprise Meta « Connect » 2023, Mark Zuckerberg, PDG de Meta, a annoncé la création grâce à l’intelligence artificielle, d’assistants virtuels basés sur des personnes réelles.
Selon Zuckerberg, cette technologie va permettre de « Construire l’avenir de la connexion humaine où les gens interagissent avec des versions holographiques d’amis et où les robots IA les assistent ».
Puisqu’il s’agit de la création d’une intelligence artificielle, basée sur des personnalités réelles, alors il y a plusieurs doutes et questions qui peuvent se poser sur ce sujet, dans le cas d’arrivée de telles innovations.
Des avatars basés sur des personnes réelles et reproduisant des interactions humaines
Afin de rattraper son retard au niveau de la dernière génération d’intelligence artificielle, Meta a dévoilé sa création d’assistants virtuels personnalisés (Chatbot), plus précisément la création de 28 assistants virtuels, certains étant des incarnations de célébrités à l’exemple de Kendall Jenner, Snoop Dogg ou Tom Brady (des célébrités américaines).
Ces systèmes d’intelligence artificielle vont permettre aux utilisateurs d’interagir avec l’assistant virtuel, et cela directement sur les applications de messagerie de Meta.
D’abord, l’assistance virtuelle se réfère à :
- L’utilisation de technologies intelligentes pour créer des agents virtuels qui seront capables d’interagir avec les utilisateurs de manière similaire à une interaction humaine.
Le but essentiel de cette intelligence artificielle est de permettre aux utilisateurs, à travers un service de messagerie et aussi par la réalité virtuelle, de discuter et de demander des conseils à des personnalités renommées.
Mark Zuckerberg a ainsi annoncé qu’un tel service pourra aussi être utilisé pour discuter avec des copies numériques d’amis proches qu’il s’agisse de personnes vivantes ou décédées, ce qui commence déjà à poser plusieurs enjeux et questionnements.
Évolution de la régulation de l’IA sous l’administration de Biden
Or, cette pratique est plus facile à exercer ou à réaliser sous l’égide du droit américain actuel. Cependant, un décret de grande envergure sur l’intelligence artificielle a été publié par l’administration Biden le 31 octobre 2023, et établit des règles et des mesures de contrôle afin de garantir que l’intelligence artificielle reste maîtrisée.
Supposons que cette technologie arrive en Europe ou en France, par quel droit sera-t-elle régie ?
Il y a plusieurs règlementations et directives européennes et françaises qui encadrent l’intelligence artificielle, rendant ainsi le droit européen plus rigide dans son appréhension de l’intelligence artificielle que ne l’est le droit américain.
Cette catégorie d’IA commence déjà à soulever des préoccupations sur le plan juridique et cela notamment par la diversité des enjeux qu’elle engendre comme la mise en danger de la sécurité des données et les possibles violations de la vie privée, ce qui suppose et justifie la mise en œuvre de pratiques et de règlementations pour assurer un usage responsable de ce type d’IA.
Exportation de ces IA vers l’Europe : Entre règlements stricts et enjeux cruciaux
- Contrats et Consentement : Assistants virtuels basés sur des personnalités réelles
L’intelligence artificielle étant déjà mieux encadrée en droit français et européen, la création d’assistants virtuels basés sur des personnalités réelles vivantes est susceptible de ne pas trop poser problème pour le simple fait que ces personnes vivantes sont dotées de personnalités juridiques et donc pourront consentir ou pas à l’utilisation de leurs voix et de leurs images, en concluant un contrat avec Meta, cela en application de l’article 1128 du code civil français qui précise que le contrat est valable dès lors que la personne est capable de consentir sur un contenu certain et licite.
De plus, le contenu du contrat pour la création d’assistant virtuel porte sur la cession d’un droit d’exploitation de l’image, ce qui n’est pas considéré contraire à l’ordre public, selon l’article 1162 du code civil.
Il est aussi intéressant de préciser que le cadre juridique de l’IA en droit français et européen est plus strict que le droit américain. En effet, le Règlement européen général sur la protection des données (RGPD) de 2018, par lequel on précise que l’utilisation des données est licite dès lorsqu’elle a fait l’objet d’un consentement, ou si cette utilisation des données est nécessaire à l’exécution du contrat.
Création d’Avatars basés sur des personnalités décédées : limite juridique
Concernant la création d’assistants virtuels basés sur des personnalités réelles mais décédées, cette hypothèse rencontre quelques obstacles et limites en droit français. Meta déclare qu’il s’agit de la création d’avatars numériques de personnes qui ont déjà disparu, par exemple des proches ou des amis qui sont décédés.
D’abord, les personnes décédées ne peuvent pas consentir à la cession de leur image et à l’exploitation de leurs données personnelles. Ainsi, la création d’un avatar virtuel reprenant une personnalité disparue ne pourra pas être discutée sous l’égide du droit européen voire français ; et ceci pour exclusion de la voie contractuelle en raison du décès de la personne qui devrait conclure le contrat.
Et on pourra aussi exclure le droits des données personnelles, puisque la personne est décédée, alors les données qui doivent être utilisées pour la création de l’avatar ne permettent plus l’identification d’une personne physique.
Exportation de ces IA vers l’Europe : Réglementations évolutives et perspectives prometteuses
En Europe, le droit de l’UE qui est par nature évolutif, plusieurs réglementations et directives ont été mises en place pour encadrer ces innovations sous un environnement juridique plus sécurisé et donc pour permettre une utilisation plus sécurisée de l’intelligence artificielle.
En ce qui concerne l’assistance virtuelle, la réalité virtuelle, et l’intelligence artificielle, l’Europe commence à prendre en compte ces technologies en mettant en place des règlements et des directives qui encadrent ces technologies, et en même temps pour soutenir le développement de ces innovations.
En droit français, le droit civil et le droit des données personnelles sont protecteurs face à l’avènement et le progrès de l’intelligence artificielle et du Métavers.
La volonté du législateur européen va dans le sens de la règlementation de l’intelligence artificielle par des directives européennes et des règlements :
- La proposition de règlement du parlement européen établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle en 2021.
- La proposition de directive du parlement européen relative à l’adaptation des règles en matière de responsabilité civiles extra-contractuelle au domaine de l’intelligence artificielle.
Ces projets de règlements et de directive peuvent ainsi limiter ou encadrer la création d’avatars basée sur des personnalités réelles de manière à protéger les utilisateurs pour le fait qu’elles soient des innovations à haut risque.
- Les lignes directrices 02/2021 sur les assistants vocaux virtuels qui a été adopté en 2021.
- De plus, l’utilisation de l’intelligence artificielle dans l’Union européenne sera réglementée par le règlement sur l’IA, qui est la première loi sur l’intelligence artificielle au monde. L’AI Act, a pour but de garantir de meilleures conditions de développement et d’utilisation de l’intelligence artificielle. Le Parlement européen, par ce projet « AI Act », veille à ce que les systèmes d’intelligence artificielle soient transparents et plus sécurisés, et va s’appliquer à toute sortes d’intelligence artificielle.
Cette réglementation propose que des systèmes d’IA qui peuvent être utilisés dans différentes applications soient classés en fonction du risque que ces intelligences artificielles présentent pour les utilisateurs. Donc ces nouvelles règles vont établir des obligations pour les utilisateurs et pour les fournisseurs en fonction du niveau de risque lié à l’intelligence artificielle.
Systématiquement, ces réglementations vont s’appliquer aux assistants virtuels de Méta.
Alors, il est convenable d’indiquer que le droit américain admet la création d’assistants virtuels basés sur les données personnelles de personnalité vivantes ou décédés parce qu’aux États-Unis, le droit est plus souple au regard de l’intelligence artificielle, et cela dans l’absence de règlementations spécifiques à la question. En Europe en revanche, cette technologie est assez limitée grâce à la présence de garants qui sont les textes et les règlementations qui protègent les personnes physiques vivantes ou décédées contre l’exploitation de leurs données personnelles.
Sources :
– Le Club du Juriste : Métavers, avatars et personnalités numériques
https://www.leclubdesjuristes.com/societe/metavers-avatars-et-personnalites-numeriques-1097/
– Loi sur l’IA de l’UE : première réglementation de l’intelligence artificielle
https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20230601STO93804/loi-sur-l-ia-de-l-ue-premiere-reglementation-de-l-intelligence-artificielle
– FrenchWeb : Mark Zuckerberg présente ses innovations 2024 lors de META CONNECT
https://www.frenchweb.fr/mark-zuckerberg-presente-ses-innovations-2024-lors-de-meta-connect/445395
– Le Monde Informatique : L’administration Biden publie un décret de grande envergure sur l’IA
– CNBC : Meta CEO Mark Zuckerberg looks to digital assistants, smart glasses and AI to help metaverse push
https://www.cnbc.com/2023/09/27/meta-ceo-zuckerberg-looks-to-digital-assistants-ai-to-push-metaverse.html