par Margaux CHAUVIN, étudiante du Master 2 Droit des médias électroniques
Le nom Grok est tiré de l’argot informatique provenant du roman En terre étrangère écrit par Robert Heinlein et publié en 1961. C’est un terme qui désigne une compréhension profonde et instinctive du monde.
Cette nouvelle intelligence artificielle (IA) a donc été dévoilée le samedi 4 novembre 2023 dans une publication d’Elon Musk sur X. Elle est pour le moment réservée à quelques personnes, mais sera bientôt disponible pour tous les abonnés « premium plus » du réseau social X à 16€ d’abonnement par mois.
Un des arguments marketing avancés pour vanter les mérites de cette nouvelle IA entrant sur le marché est qu’elle puisera une partie de ses réponses directement dans les contenus de Twitter, devenant ainsi la seule IA avec une connaissance du monde en temps réel. Grok a aussi la capacité de comprendre et d’interpréter les images et les vidéos postées sur Twitter et s’en servira également comme sources pour ses réponses.
Une telle fonctionnalité interroge forcément sur les protections mises en place contre les abus pouvant être générés par une IA. Toutefois, il semblerait qu’il y ait très peu de limitations aux réponses de Grok, contrairement à Chat GPT, par exemple, qui n’a pas le droit de répondre à des questions d’actualité ou de traiter de données trop récentes et non vérifiées. Ceci, dans le but d’éviter la divulgation de fausses informations au public.
Il est admis que le réseau social X joue un rôle de plus en plus important dans la désinformation du public. Ainsi il est plus que probable que de par son fonctionnement, Grok deviendra, lui aussi, un canal important de fausses informations, puisque rien ne semble avoir été mis en œuvre par Elon Musk pour lutter contre la désinformation, qui ne manquera pas de découler de sa nouvelle IA.
Grok a aussi comme nouveauté, par rapport aux autres intelligences artificielles génératives, de pouvoir fournir plusieurs types de réponses, c’est-à-dire une réponse sérieuse, une réponse humoristique, violente ou même sexy, selon Elon Musk lui-même.
A titre d’exemple, Elon Musk a également posté plusieurs réponses générées par Grok. La première, datant du 4 novembre, explique comment fabriquer de la cocaïne sur un ton sarcastique avant de rappeler que c’est tout de même illégal, sur le même ton.
Le 7 novembre dans un autre post, Elon Musk demande a Grok de lui répondre d’une manière la plus vulgaire possible, ce que l’IA générative exécute à la perfection. Le but évident de telles démonstrations est de s’opposer à toutes les autres intelligences artificielles sur le marché, comme Chat GPT, qui sont conçues pour donner des réponses jugées trop « politiquement correctes » par certaines personnes.
Une des premières réactions à l’annonce de cette nouvelle IA a été de la part d’un internaute sur X qui s’est enthousiasmé de voir arriver un concurrent à Chat GPT qu’il traite de monstruosité et renomme WokeGPT. Ce a quoi Elon Musk a simplement répondu « Oui » en commentaire sous cette publication.
Les dangers soulevés par cette nouvelle IA
Il semble donc que ce nouvel outil va se nourrir des nombreux messages du réseau social d’Elon Musk pour agrandir sa base de données et élargir ses connaissances. A la lumière de ces éléments, il paraît important de se remémorer l’IA conversationnelle Tay, lancée par Microsoft en 2016. Tout le monde pouvait s’adresser à elle et elle se nourrissait de ses conversations pour alimenter sa « personnalité ». Une journée après son lancement, Microsoft a été obligé de la désactiver puisqu’elle commençait à donner des réponses exclusivement racistes et misogynes.
Il est alors légitime de se demander si une IA telle que Grok est adaptée au monde actuel. Est-ce que ça ne deviendrait pas uniquement un nouveau canal de diffusion des contenus haineux ?
L’annonce du lancement de cette IA est d’autant plus surprenante que deux jours avant, le 2 novembre 2023, Elon Musk participait au sommet sur l’intelligence artificielle à Londres, et alertait sur les dangers que les évolutions dans ce domaine pouvaient engendrer. Il déclarait notamment que bientôt l’intelligence artificielle remplacerait tout le travail humain, que c’était un génie magique dont il fallait tout de même se méfier, car il modifierait le sens de la vie. Une position qui ne semble pas le décourager d’entrer dans la course à la meilleure IA générative.
Les problèmes en termes de sécurité et de désinformations vont probablement faire réagir certaines institutions.
Grok face aux différentes législations à travers le monde
Le Parlement européen travaille en ce moment même sur la nouvelle législation relatives aux systèmes intelligences artificielles, l’IA Act. Ce projet est censé réguler sur une échelle de trois niveaux de risques, les risques inacceptables, les hauts-risques et les risques acceptables. A termes, le but de cette nouvelle réglementation est de créer une IA digne de confiance.
Dans le même temps, xAI, l’entreprise créée en juillet 2023 par Elon Musk, annonce vouloir permettre à ses utilisateurs d’utiliser Grok dans le respect de la loi. Alors que depuis quelques mois, Elon Musk est attaqué par certaines institutions européennes pour le non-respect de la modération de contenus sur X.
Il est encore un peu tôt pour connaître les réactions que Grok va susciter à différents niveaux politiques, sociaux et même économiques, mais il est possible de penser pour l’instant qu’il va redéfinir les règles applicables aux IA et le rapport que les gens ont face à de telles technologies en général.
Sources :