Lunettes connectées Ray-Ban : Meta encore au cœur de préoccupations

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par Océane AGASSIAN, étudiante du Master 2 Droit des médias électroniques

Google et Snapchat avaient déjà réalisé des lunettes connectées. Ray-Ban a pour autant sorti cette année la version la plus aboutie de lunettes connectées connue à ce jour, en y intégrant de l’intelligence artificielle. 

  • Le modèle le plus abouti de lunettes connectées

            Ray-Ban s’était déjà associé en 2022 à Meta en créant une paire de lunettes. Celles-ci ayant fait l’objet de nombreuses critiques. Les deux sociétés ont alors décidé de vendre en Europe, depuis le 17 octobre 2023, un nouveau modèle plus performant en y incluant des nouveautés comme l’intelligence artificielle. Ray-Ban propose ainsi des montures de lunettes d’apparence ordinaire, mais dotées de caméras et dispositifs permettant de capturer des images.

Elles sont contrôlables par la voix (permettent d’appeler, d’envoyer un message, de prendre une photo, d’augmenter le volume d’une musique…), disposent d’une qualité stabilisée en full HD ainsi que d’un stockage intégré pouvant être relié à l’application Meta afin d’ajouter beaucoup plus d’espace. Elles ont un micro qui enregistre, une LED afin d’informer les personnes lorsqu’elles sont filmées, et un bouton permettant d’empêcher que les lunettes soient connectées et qu’elles retournent à leur fonction primaire. 

Connectées à Meta, les lunettes peuvent filmer en live afin que les images soient diffusées en direct sur Facebook ou Instagram. Elles ont aussi la capacité de voir ou d’entendre les commentaires postés en direct. D’ici 2024, des nouvelles fonctionnalités devraient voir le jour comme l’assure Meta. C’est par exemple le cas d’une mise à jour qui sera en mesure de déterminer si un point est « in » ou bien « out » lors d’un match de tennis filmé avec les lunettes portées. 

Grâce à autant de fonctionnalités, ces lunettes permettent alors de capturer des moments d’intimités très facilement.

  • L’inquiétude autour de la grande collecte de données

            Apporter des conseils sur une tenue vestimentaire, traduire un texte en temps réel, demander des informations sur un restaurant avant d’y entrer… tant de choses que permettent de faire ces lunettes à la simple prononciation des termes « Hey Meta ». Tout cela fait donc surgir des inquiétudes quant à la façon dont les données sont collectées, et l’enthousiasme qui émane de cette innovation se voit alors tempéré par des questions de sécurité.

Pour son bon fonctionnement, l’intelligence artificielle (IA après citée) utilisée ici implique que des images soient transmises au cloud de Meta, et nécessite que des données soient stockées afin qu’elle puisse s’améliorer. De plus, l’intelligence artificielle dont est dotée la paire se fonde en grand partie sur le moteur de recherche Bing.

Ces lunettes peuvent être perçues comme une véritable opportunité en faveur de la création de contenus sur internet, le marketing digital, le partage immersif et instantané… Mais à quel prix ? La LED est-elle suffisante ? Cela reste beaucoup plus discret qu’une personne qui serait directement en train de filmer avec une caméra. En effet, l’efficacité d’une LED est d’autant plus discutable du fait qu’elle reste difficile à cerner, notamment en pleine journée.

La question du consentement reste préoccupante.

C’est une réalité à laquelle il faut se heurter, les utilisateurs de la technologie n’en font pas tous un bon usage. Est-ce pour autant une raison de freiner cette avancée et ces progrès ? La réponse réside dans la réglementation mise en place, afin de pallier les problématiques qui émergeraient du fait que ce genre d’outil soit en possession d’une personne malintentionnée.

  • Les conditions de conformité d’une IA avec le Règlement général relatif à la protection des données

            Selon l’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, chacun a le droit à être informé que des données le concernant ont été collectées. Le droit à l’information implique la transparence des informations et des communications. Cette protection des données personnelles est reconnue en tant que droit fondamental et chaque citoyen européen en bénéficie. 

Afin de respecter le Règlement général relatif à la protection des données (RGPD après cité), un système d’intelligence artificielle doit être développé avec un objectif défini. L’objectif déterminé dès la conception du projet doit être légitimité, explicite, et compatible avec les missions de l’organisme. Aussi, l’IA qui exploite des données personnelles doit se justifier par une base légale (le consentement, le respect d’une obligation légale, l’exécution d’un contrat, l’exécution d’une mission d’intérêt public, la sauvegarde des intérêts vitaux, la poursuite d’un intérêt légitime). Le système d’IA mis en place par Meta, en reposant sur l’apprentissage automatique, doit être constitué d’une base de données afin d’être encadré. Les données personnelles qui sont collectées puis utilisées doivent être « limitées à ce qui est nécessaire au regard de l’objectif défini » au nom du principe de minimisation des données (article 9 du RGPD). Une durée de conservation doit être définie au bout de laquelle les données devront être supprimées (ou archivées).

Au-delà même des risques liés à l’apprentissage en continu par une IA vis-à-vis des données collectées, se trouve le doute qui plane quant à la bonne foi du groupe Meta. En effet, bien que le groupe ait été contraint de payer de nombreuses amendes à cause de ses traitements illicites de données, les questions autour de sa légitimité continuent de se poser du fait de ses nombrreuses récidives.  

  • L’avenir d’une technologie qui dépasse son public

            Ray-Ban et Meta avaient connu un échec en 2022 lors de leur première version de lunettes connectées, et il semblerait que ce second modèle, bien que doté d’intelligence artificielle, ne rencontre pas non plus le succès escompté. Prix trop haut ? Volonté de protéger la vie privée ? Ou désintérêt pour ce genre de gadget ? Il semblerait que le grand public ne soit pas encore prêt à intégrer un tel objet dans sa vie quotidienne.

Ce constat alimente une réflexion sur l’existence d’une offre sans demande. Depuis maintenant plusieurs années, le grand public se voit mettre à sa disposition un véritable flot d’objets high-techs dont il n’a même pas encore eu le temps d’espérer l’existence. En effet, la technologie surpasse les envies des consommateurs ; ces derniers n’ont pas le temps d’imaginer une nouveauté que celle-ci leur est déjà proposée sur le marché. Au-delà de la protection de la vie privée, peut-être est-ce de ce décalage que provient le désintérêt de la société pour tout un tas de machines qui sont pourtant révolutionnaires. 

sources :

  • RGPD, {lien}
  • Site Ray-Ban, {lien}
  • Vie privée : les lunettes Ray-Ban & Meta alimentées par l’IA inquiètent, Célia Seramour, publié le 19 Décembre 2023, {lien}
  • Ray-Ban Meta : les lunettes connectées boostées à l’intelligence artificielle, Par Alexandre Scotti, {lien}
  • Meta, Présentation de la collection de lunettes connectées Ray-Ban, 27 septembre 2023, {lien}
  • IA : comment être en conformité avec le RGPD ?, 05 avril 2022, {lien}