par Adena SEROUSSI, étudiante du Master 2 Droit des médias électroniques
À l’ère où le commerce électronique est en plein essor, la confiance des consommateurs repose souvent sur les avis en ligne. Toutefois, le domaine est confronté au phénomène des faux avis en ligne, pouvant ébranler la confiance du consommateur et plus largement la concurrence sur le marché.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes lutte activement contre ces pratiques frauduleuses et a, pour ce faire, développé un dispositif de lutte contre celles-ci depuis septembre 2023.
Un outil de lutte contre les faux avis en ligne : « Polygraphe »
Pour rappel, un avis en ligne s’entend, selon le législateur comme « l’expression de l’opinion d’un consommateur sur son expérience de consommation grâce à tout élément d’appréciation, qu’il sait qualitatif ou quantitatif. L’expérience de consommation s’entend que le consommateur ait ou non acheté le bien ou le service pour lequel il dépose un avis. Ne sont pas considérés comme des avis en ligne au sens de l’article L. I11-7-2, les parrainages d’utilisateurs, les recommandations par des utilisateurs d’avis en ligne, ainsi que les avis d’experts. » (art. D111-16 du Code de la consommation).
Les avis en ligne jouent un rôle crucial dans le commerce électronique : en effet, les consommateurs octroient une forte importance à la e-réputation des entreprises qu’ils s’agissent d’achat de services ou de produits ! Les avis permettent de convaincre le consommateur, et de restaurer ou d’affaiblir la réputation d’une entreprise. Selon une étude, le comportement d’achat de 85% des consommateurs est influencé par les avis publiés en ligne, qui constitueraient, par ailleurs, une importante source d’information. Les entreprises ont, en outre, tout intérêt à préserver leur e-réputation qui peut se voir être bénéfique ou nocive pour leur chiffre d’affaires. C’est en ce sens que s’est développée la pratique de la publication d’avis fictifs positifs ou négatifs en ligne par un professionnel, ses proches ou encore par un prestataire spécialisé, dans le but de tromper le consommateur ou de nuire à la concurrence sur le marché.
En réponse à ce phénomène, le Conseil d’État, par décret du 1er juin 2023, a autorisé la mise en œuvre de l’outil « Polygraphe » par la DGCCRF, qui veille au respect des règles de la concurrence, de la protection économique des consommateurs et de la sécurité et de la conformité des produits et des services ; il s’agit, selon ledit décret, d’un traitement de données à caractère personnel. Ce dispositif d’aide à la détection des avis litigieux, vise à collecter, traiter et analyser les avis en ligne afin de fournir aux agents de la DGCCRF des éléments pour faciliter l’engagement d’investigations « à l’encontre d’un professionnel qui aurait mis en ligne de manière directe ou indirecte des avis suspectés de ne pas constituer des avis en ligne au sens de l’article L111-7-2 du Code de la consommation » (décret n° 2023-428).
Pour rappel, la publication de faux avis en ligne est constitutive d’une pratique commerciale trompeuse, sanctionnée de 2 ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
Les données collectées et les droits des individus concernés
L’outil Polygraphe collecte et traite diverses données et informations, afin d’identifier les avis potentiellement frauduleux en ligne. Parmi les données recueillies, on compte :
• Les données relatives au professionnel faisant objet d’avis : dénomination sur la plateforme, identifiant, adresse URL du site internet, numéro de téléphone, adresse de messagerie électronique et les données géographiques ;
• Les données relatives à l’auteur de l’avis : nom, prénom ou pseudonyme, identifiant, et adresse URL ;
• Les données relative à l’avis-même : contenu de l’avis et de sa réponse éventuelle.
Il est opportun de noter que conformément au décret émis par le Conseil d’État, le droit d’opposition au traitement des données à caractère personnel ne trouve pas à s’appliquer à ce traitement. En revanche, les individus concernés conservent le droit d’accès, de rectification, d’effacement et de limitation des données au titre de l’article 5 dudit décret. Finalement, ces dispositions offrent aux utilisateurs une certaine maîtrise sur la manière dont leurs informations sont traitées dans le cadre de cette initiative de lutte contre les faux avis en ligne.
Sources :
• Décret n° 2023-428 du 1er juin 2023 portant autorisation de mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Polygraphe »
• Economie.gouvernement.fr – Traitements automatisé de données – Polygraphe
• Economie.gouvernement.fr – Comment la DGCCRF enquête sur les faux avis
• Entreprendre.service-public.fr – Mise en œuvre de Polygraphe, logiciel de lutte contre les faux avis en ligne