par Océane AGASSIAN, étudiante du Master 2 Droit des médias électroniques
Lundi 1er janvier 2024, la nouvelle application lyonnaise « iAvocat » s’est retrouvée au cœur du débat entre l’innovation de l’intelligence artificielle (IA) et la présumée pérennité du métier d’avocat.
- Qu’est-ce qu’iAvocat ?
Cette application embarque un agent conversationnel assisté par intelligence artificielle, dont la mission est de conseiller juridiquement. Concrètement, elle permettrait à ses utilisateurs de répondre à leurs questions de Droit, et ce, en vulgarisant les textes de lois.
Issam Reghi, à l’origine de cette application, avait pour objectif de faciliter l’accès au Droit. Disponible au prix de 69 euros par an ou 9 euros par mois, il affirme qu’elle ne dispense aucun justiciable d’avoir recours à un professionnel, mais qu’elle a été créée pour informer et vulgariser.
L’intelligence artificielle aurait été nourrie des 50 dernières années de décisions de justice, soit 11 millions de données.
Suite à une publicité dont la volonté provocatrice n’a fait aucun doute, iAvocat promettait de « rivaliser avec n’importe quel avocat », et de traiter en une minute un sujet qui prendrait des mois à un avocat (le tout en insistant sur la différence de prix). Ainsi, tout un tas de critiques fondées ont été adressées à l’innovateur, notamment en termes d’exercice illégal de la profession ou encore de confidentialité des données.
Pour autant, des inquiétudes (fantaisistes pour certains, légitimes pour d’autres) ont émergé, principalement engendrées par l’appréhension de l’intelligence artificielle et de l’idée selon laquelle les automates finiront par nous supplanter.
En effet, plane en orbite autour de l’IA la théorie voulant que peu à peu, les individus vont se voir remplacer par des machines. Plus efficaces, jamais malades, il est vrai que les systèmes d’IA pourraient être cernés comme étant des concurrents sérieux pour les salariés limités par leurs capacités humaines.
Certains approuvent cet outil et pensent que la connaissance est désormais décentralisée. Cependant, quid des années d’études nécessaires pour appréhender les complexités inhérentes la profession d’avocat ?
- Un danger ou une faveur pour le système judiciaire ?
À la vue de ses capacités actuelles, l’application iAvocat ne semble pas à l’instant T être un concurrent sérieux de la profession d’avocat. Une des premières missions d’un avocat envers son client est la restitution des faits par des termes juridiques. L’avocat doit tout d’abord cerner les problématiques juridiques afin de les résoudre ultérieurement. Or, la complexité du Droit français ne fait aucun doute. Les utilisateurs de l’application devraient rapidement se trouver démunis face à un agent conversationnel incapable de délimiter les nuances juridiques, ni de transposer les enjeux au cas d’espèce.
La précision requise vis-à-vis de la question posée est pour le moment insuffisante.
Cependant, bien que l’application réussisse à caractériser correctement les faits, reste encore à trouver les règles de droit s’y appliquant.
Un tel outil, ne pourrait-il pas être un vrai gain de temps pour un avocat ?
En effet, se pose ici la question de l’utilité d’une telle machine. Une fois les craintes et les appréhensions écartées, une application comme iAvocat ne permettrait-elle pas un désengorgement des tribunaux et une célérité accrue du traitement des contentieux ?
Cela impliquerait tout d’abord de vérifier la véracité des informations communiquées. Les méfaits qu’induirait une telle erreur seraient tout à fait déplorables pour chacune des parties à un litige. Ici, est directement fait référence à un incident datant de l’année précédente impliquant un avocat américain qui, ayant eu recours à ChatGPT, avait cité une référence fallacieuse.
- La qualité humaine outrepassant les capacités techniques de l’IA
La sensibilité, l’empathie, l’émotivité, sont autant de vertus inhérentes à l’humanité, conférant à un avocat une compassion presque innée, le rendant ainsi disposé à mobiliser toutes les ressources juridiques disponibles en vue de défendre pleinement les intérêts de son client. Un agent conversationnel assisté par intelligence artificielle se limite à énoncer les données qui lui ont été fournies.
Néanmoins, l’application iAvocat a indubitablement fait émerger, par son fonctionnement, des problématiques concrètes au sein du paysage juridique actuel. Les coûts d’accès aux professionnels du droit et les délais de traitement des dossiers représentent des difficultés auxquelles le système judiciaire doit constamment faire face. Dans ce contexte, un instrument spécialisé dans le droit, assisté par un système d’intelligence artificielle, constituerait une valeur ajoutée considérable tant pour les clients que pour les praticiens du droit.
- L’avenir de l’IA et le besoin de régulation
Il ne fait aucun doute que l’intelligence artificielle est un outil qui prend de plus en plus d’importance, sur les réseaux sociaux, sur les plateformes, au sein de professions… L’Europe en a conscience et a ainsi récemment décidé de proposer un texte concret et spécifique à cet outil : l’AI Act. Selon Thierry Breton « Il faut des repères, des cadres clairs. Définir ce qui est souhaitable et conforme à nos valeurs, et interdire ce qui ne l’est pas ».
L’application iAvocat, comme tout système d’intelligence artificielle, doit répondre à des exigences. Respecter la vie privée, les droits fondamentaux, la démocratie, lutter contre la désinformation, répondre à une obligation de transparence, bien entraîner le « machine learning » ; tant d’éléments qui feront de cette application un instrument pratique et arrangeant pour chacun.
Se pose alors la question de savoir jusqu’où réglementer. En effet, une régulation trop stricte est un véritable frein pour l’innovation, tandis qu’une trop souple serait a contrario de nature à entraver les droits fondamentaux des utilisateurs.
Alors, afin de faire d’iAvocat une application utile pour le système judiciaire, une juste régulation devra être mise en place afin de trouver un équilibre entre praticité et protection. Une fois ce compromis trouvé, il paraît plus aisé d’envisager que cette intelligence artificielle soit intégrée au paysage juridique.
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