Jeux olympiques de Paris 2024 : le CIO a-t-il fait retirer la vidéo de la cérémonie d’ouverture à cause des critiques ? Faux

par Philippe MOURON, Maître de conférences HDR en droit privé – Directeur du Master 2 Droit des médias électroniques – Directeur adjoint du LID2MS

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Dans le cadre d’un partenariat, cet article a également été publié sur le site internet du média Les Surligneurs.

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Le CIO n’a pas retiré les vidéos de la cérémonie, celles-ci ont ne sont plus disponibles dans certains pays faute de droits de diffusion.

La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques 2024 a été riche en émotions… et en polémiques ! En cause, la prétendue parodie de la Cène et la performance de Philippe Katerine, peu goûtées d’un nombre important de téléspectateurs de par le monde, tant chrétiens que d’autres confessions. 

Sur les réseaux sociaux, les critiques sont également allées de bon train. Pour certains internautes, cette cérémonie a plus divisé le monde qu’elle ne l’a rassemblé. Et pour preuve, selon eux, le retrait de la vidéo de la cérémonie dans plus de 200 pays à travers le monde par le CIO : “ Même le CIO vient de retirer la vidéo de la cérémonie d’ouverture. Comprendra qui pourra….. ce ramassis de propagande et symboles très significatifs”, écrit l’un d’entre eux.

Alors, cette polémique est-elle à l’origine du retrait de la vidéo de la cérémonie sur la chaîne YouTube du CIO, comme l’affirment certains ? Pas du tout.

De multiples droits de diffusion télévisuelle ou en ligne

Comme tout événement nécessitant de lourds investissements financiers et créatifs, la cérémonie d’ouverture des JO fait l’objet de droits de propriété intellectuelle, dont le CIO n’est nullement titulaire

Ces droits sont variés en fonction de leurs objets respectifs, mais forment un ensemble cohérent au sein du programme en question. On y trouve ainsi un certain nombre d’œuvres de l’esprit protégées par le droit d’auteur : compositions musicales et arrangements originaux, mises en scènes, effets pyrotechniques et jeux de lumières… le déroulement même de la cérémonie et l’agencement des différentes séquences peuvent aussi être considérés comme une œuvre à part entière.

 On trouve corrélativement à ces créations les performances des artistes-interprètes, qu’ils soient solistes ou en groupes, qui sont protégés par des droits voisins, tout comme l’est l’ensemble de l’émission, assimilable au programme d’une entreprise de communication audiovisuelle. Dans un cas comme dans l’autre, la télédiffusion et la mise à disposition du public en ligne de ces contenus protégés peuvent être autorisées ou interdites par les titulaires des droits, ce qui conduit dans la pratique à en négocier l’attribution par voie contractuelle. De là s’expliquent les variations dont les contenus peuvent faire l’objet, en fonction des zones et/ou des procédés de diffusion ainsi que des services attributaires. 

On rappellera d’ailleurs que les manifestations et compétitions sportives font elles aussi l’objet d’un droit exclusif de diffusion par voie électronique. S’agissant des JO, la privatisation totale des droits de diffusion a néanmoins été exclue en France depuis une vingtaine d’années, ce afin d’éviter de « priver une partie importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé sur un service de télévision à accès libre ». Mais cela ne concerne que les rencontres à proprement parler et n’affecte pas le statut des cérémonies d’ouverture et de clôture. 

Quid de la cérémonie d’ouverture des JO 2024 ?

C’est une filiale du CIO, dénommée Olympic Broadcasting Services, qui est détentrice des droits de diffusion afférents aux Jeux, ce qui inclut les deux cérémonies. Celle-ci compte naturellement un certain nombre de partenaires privilégiés, parmi lesquels figure l’Union Européenne de Radio-télévision (UER), qui s’est récemment vue attribuer les droits médias afférents aux JO de 2026 à 2032

Organisation internationale créée en 1950, l’UER compte 113 services membres de par le monde, parmi lesquels se trouvent les services nationaux du secteur public de la télévision et de la radio. Et c’est pourquoi France Télévisions a bénéficié des droits de diffusion télévisuelle et en ligne de la cérémonie, qui est toujours consultable en intégralité sur le replay france.tv. La vidéo n’a donc pas été censurée par le CIO, qui ne dispose des droits pour une diffusion sur Youtube que pour plusieurs pays d’Afrique.

Contacté par nos confrères de France Info, le CIO confirme qu’il “n’a conservé les droits de diffusion que sur certains marchés mondiaux. Plus précisément, le CIO ne dispose pas de droits en Europe et au Royaume-Uni, entre autres. Par conséquent, les images provenant des sites et zones olympiques officiels sont géobloquées pour ces marchés, c’est pourquoi les vidéos ne peuvent pas être visionnées. Elles n’ont pas été supprimées”.