par Léane MORIN, étudiante du Master 2 Droit des communications électroniques

L’ARCOM a notifié la présélection des chaînes qui seraient renouvelées ou non sur la télévision numérique terrestre (TNT) par communiqué de presse le 24 juillet 2024.
Dans ce communiqué de presse, elle explique qu’elle a refusé de renouveler la diffusion de C8 et NRJ 12 sur la TNT.
L’ARCOM a d’ailleurs pris cette décision en raison d’une quantité conséquente de comportements graves ainsi que de sanctions répétées à l’encontre d’une émission diffusée sur C8, « touche pas à mon poste ». La chaîne C8 avait proposé dans son audition de différer l’émission de 45 minutes par rapport au direct, mais rien n’y a fait. Quant à la chaîne NRJ 12, la chaîne n’a pas été renouvelée en raison du
manque d’audience et d’originalité de ses programmes.

Mais qu’est-ce que l’ARCOM , et quel est son rôle ?

Pour rappel, l’ARCOM est l’autorité publique de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. C’est une autorité administrative indépendante. Elle est issue de la fusion entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur l’internet (HADOPI) en date du 1e janvier 2022.
L’ARCOM a pour mission de garantir la liberté d’expression et de communication audiovisuelle. Elle garantit ainsi l’expression pluraliste des courants de pensée puis des opinions par les services audiovisuels. Elle assure également la régulation des acteurs techniques et économiques ; entre autres, elle attribue les fréquences qui sont utilisées pour la diffusion de la télévision numérique terrestre (TNT).

La loi du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication est l’un des textes juridiques les plus importants dans l’attribution du rôle à l’ARCOM.
Selon l’article 1e de cette loi « la communication au public par voie électronique est libre », toutefois cette liberté a fini par être encadrée puis régulée, afin de ne pas empiéter sur d’autres libertés fondamentales.

En son article 25, cette loi dispose que l’usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion de services de communication audiovisuelle par la voie hertzienne terrestre, (TNT) est subordonné aux conditions définies par l’ARCOM. Cette dernière a le pouvoir d’attribuer les fréquences, leur lieu d’émission, la durée de l’émission et elle détermine le délai maximum dans lequel le titulaire de l’autorisation doit commencer à utiliser la ressource radioélectrique.
L’ARCOM délivre alors des autorisations après une procédure d’appel aux candidatures aux fins d’utilisation de la ressource radioélectrique pour la diffusion terrestre. La délivrance de cette autorisation est subordonnée à la conclusion d’une convention passée entre l’ARCOM et la personne demandant l’autorisation de diffuser. La convention portera sur la durée, les caractéristiques générales du programme…

La procédure se déroule en plusieurs étapes : il y a tout d’abord l’appel aux candidatures, la recevabilité des dossiers de candidature (dépôt des dossiers, projet…), l’audition publique des candidats qui se déroule devant l’ARCOM. Il y a ensuite l’élaboration des conventions, puis enfin, l’autorisation délivrée par l’ARCOM. Cette dernière a pour obligation de notifier le rejet des candidats non retenus.
La durée des autorisations d’émettre est valable pendant 10 ans maximum selon l’article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée (hors secteur public). Après l’expiration de délai, cette autorisation peut faire l’objet d’une reconduction pour une durée de 5 ans hors appel aux candidatures pouvant être prolongée deux fois seulement. De ce fait, l’ARCOM publiera sa décision de recourir à cette reconduction, dans ce cas elle devra signer à nouveau une convention avec l’éditeur du service. Toutefois, il est possible que l’autorisation ne soit pas reconduite si l’ARCOM estime qu’il ne faut pas reconduire la diffusion de ces chaînes.
Il ne faut pas confondre renouvellement et reconduction puisque dans le cas de la reconduction, il n’y a pas d’appel à candidature à l’inverse du renouvellement où il y a un appel à candidature.

Dans le cas étudié, l’ARCOM a refusé de renouveler l’autorisation de diffusion de C8 et NRJ 12.
En effet, l’autorité a auditionné des candidats début juillet après des appels à candidature en février dernier.
Et le 24 juillet 2024, l’ARCOM a décidé de ne pas renouveler les chaines C8 et NRJ 12 et de les remplacer par ouest France TV et réel TV.
Il est reproché à C8 de ne rien faire pour maitriser l’antenne face à des « dérapages majeurs » selon Benoît Loutrel.

Quels sont les impacts liés au refus du renouvellement de la diffusion de ces chaînes ?

Il faut rappeler que la TNT est accessible directement et immédiatement sans équipement complémentaire, c’est-à-dire sans abonnement. Toutefois cette décision ne veut pas dire la fin de ces chaînes, en effet, il n’y aura que l’arrêt de diffusion sur la TNT. Il sera toujours possible d’accéder à la chaîne par le biais d’internet, par les box ou bien encore par les télés connectées sur lesquels l’ARCOM n’a aucun pouvoir de décision. De plus, C8 et NRJ 12 pourront continuer d’émettre sur la TNT jusqu’à février 2025 qui est la fin de la durée de leur autorisation.
Il est important de discuter de cette décision puisque la TNT est le mode de réception exclusif de 20% des foyers.
L’ARCOM dans un communiqué du 24 juillet 2024 a également fait ressortir que « les chaînes de la TNT constituent l’offre la plus structurante du paysage audiovisuel français, entre autres, elles représentent plus de 90 % de l’audience totale de la télévision ».
Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, il y aura forcément des conséquences sur les audiences puis également sur la visibilité des chaînes. Et ce même si ces chaînes pourront être accessibles via d’autres moyens.
L’opinion publique a majoritairement salué cette décision de l’ARCOM qui semble bien fondée aux vues des nombreuses sanctions prononcées à l’encontre de l’émission diffusée sur C8 « touche pas à mon poste».
La chaîne CNEWS a également fait l’objet d’un débat puisqu’il lui était reproché de ne pas respecter ses obligations en termes de pluralité et de diversité des opinions. Toutefois, cette dernière n’a pas perdu son autorisation de diffusion sur la TNT.

Un recours au Conseil d’état en cours d’examen.

Après cette décision, la chaîne C8 et la chaîne NRJ 12 ont saisi le Conseil d’État d’un recours en référé-suspension en septembre dernier. Le Conseil d’État a rejeté ces recours le 25 septembre 2024, estimant que la condition d’urgence n’était pas remplie. Ce dernier a alors déclaré qu’il examinerait ces demandes dans le cadre d’un jugement au fond, et non dans le cadre d’une procédure d’urgence. Le Conseil d’État a donc précisé que les recours seraient étudiés au fond d’ici la fin de novembre.
Il faudra donc attendre la décision du Conseil d’État pour enfin savoir si la chaîne C8 et la chaîne NRJ 12 ne seront plus diffusées sur la TNT.