par Jehane HANNOUF, étudiante du Master 2 Droit des communications électroniques
Le Conseil d’État a rejeté, le lundi 30 décembre 2024, les recours formés en référé par les chaînes C8 et NRJ12.
La plus haute juridiction administrative a considéré que la condition d’urgence requise pour l’examen en référé n’était « pas remplie », ce dernier ayant pour objectif de prévenir un dommage ou de faire cesser un trouble illicite.
Dans ses décisions, elle a précisé que l’affaire serait examinée sur le fond « dans les prochaines semaines » puisqu’en sus de cette procédure d’urgence, les deux chaînes ont également déposé un recours « pour excès de pouvoir » contre la décision rendue par l’Arcom à la mi-décembre.
Décision de l’Arcom concernant les chaînes C8 et NRJ12
En effet, le 12 décembre 2024, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a publié un communiqué dévoilant les décisions d’autorisation à la suite de l’appel aux candidatures lancé le 28 février 2024, pour l’édition de services de télévision à vocation nationale diffusés par voie hertzienne terrestre.
Parmi les onze chaînes retenues, neuf ont vu leur autorisation renouvelée (BFM-TV, CNews, CStar, Gulli, LCI, Paris Première, TFX, TMC et W9), tandis que deux nouvelles chaînes ont été sélectionnées : CMI TV, appartenant au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, et OF TV, du groupe Ouest-France.
On note que les chaînes C8 et NRJ12 ne figurent pas parmi les futurs titulaires des fréquences TNT ayant signé une convention de diffusion jusqu’en 2035.
Attribution des fréquences TNT : le rôle de l’Arcom dans le processus décisionnel
L’ex CSA a évalué chaque projet en se référant aux critères prévus par la loi du 30 septembre 1986, en particulier l’intérêt du public et le pluralisme des courants d’expression socio-culturels.
À l’issue de l’appréciation des candidatures, le régulateur a retenu les projets dont « la nature des programmes et les thématiques complètent l’offre existante et apportent davantage de diversité au paysage audiovisuel ».
En effet, les autorisations d’émettre aux télévisions privées diffusées par voie hertzienne (ou TNT) sont délivrées sous certaines conditions par l’Arcom, qui veille notamment à ce que les éditeurs de programmes audiovisuels s’engagent à mettre en place la garantie du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance vis-à-vis des intérêts économiques des actionnaires.
Dans son évaluation du respect de ces principes, l’autorité indépendante prend en considération la diversité des sujets ou thématiques abordés à l’antenne, la variété des intervenants dans les programmes, l’expression d’une pluralité de points de vue lors de l’évocation des sujets abordés à l’antenne, et enfin le respect de l’obligation d’assurer l’expression des différents points de vue dans la présentation des questions prêtant à controverse.
Dans son communiqué, l’Arcom précise que les candidats non retenus recevront dans les prochains jours une notification de rejet motivée.
Il convient de souligner que C8 cumule déjà 7,6 millions d’euros d’amendes en raison des nombreux débordements de son animateur phare, Cyril Hanouna, dans son émission « Touche pas à mon poste ».
On peut ainsi supposer qu’en ne renouvelant pas la convention de cette chaîne, le gendarme de l’audiovisuel a tiré la sonnette d’alarme quant à la nécessité de respecter les obligations légales et déontologiques, notamment en matière de maîtrise de l’antenne.
Réactions des chaînes à la décision du 11 décembre et recours envisagés
Les chaînes des groupes CANAL+ et NRJ Group avaient déjà saisi en référé le Conseil d’État à la suite de la publication, en juillet, de la liste de présélection des chaînes par l’organe de contrôle.
Toutefois, la juridiction avait déclaré le recours « irrecevable » car « prématuré ».
La liste définitive ayant été publiée le 12 décembre et ouvrant désormais la voie à un recours admissible, les chaînes évincées n’avaient pas tardé à faire part de leur intention de l’exercer.
Le 19 décembre, le groupe NRJ a annoncé dans un communiqué qu’il formait un recours en référé (demandant la suspension) et au fond (demandant l’annulation) devant la Haute juridiction « contre les décisions prises par l’Arcom le 11 décembre 2024 relatives au rejet de la candidature de NRJ12, et la décision de ne pas attribuer les fréquences libérées par le retrait des chaînes payantes de Canal+ ».
En effet, en réponse à la liste de présélection pour l’attribution des fréquences, le groupe CANAL+ avait annoncé son intention de retirer de la TNT les chaînes Canal+, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport et Planète à partir de juin 2025, ainsi qu’un plan de sauvegarde de l’emploi concernant 250 postes.
C8 avait, en outre, lancé une pétition pour demander son maintien au sein de la TNT, qui a depuis dépassé le million de signatures.
De son côté, NRJ Group pourrait être contraint de vendre sa seconde chaîne, Chérie25, fragilisant ainsi l’ensemble du pôle télévision du groupe, ce qui entraînerait potentiellement des licenciements.
Sources :
Décision du Conseil d’État du 30 décembre
TNT : la procédure de sélection des chaînes n’est pas encore finalisée
Attribution et contrôle des fréquences de la TNT : quel est le rôle de l’Arcom ?