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Téléopération, données, responsabilité : le droit est-il prêt pour l’arrivée de Neo dans nos foyers ?

Publié par Louise Le Maur Gallic le 9 décembre 2025 dans Internet / Numérique : Actualités, Notes d'actualité | Consulté 5 Fois

par Louise LE MAUR GALLIC, étudiante du Master 2 Droit des communications électroniques

Avec Noël qui s’annonce à grands pas, l’idée peut sembler relever de la science-fiction : offrir un assistant humanoïde capable de ranger le salon, d’arroser les plantes ou de lancer une machine à laver. Pourtant, Neo, le robot domestique développé par la start-up américano-norvégienne 1X, est bien réel. Et il attire autant de curiosité que de prudence. Sa particularité ? Pour certaines tâches, il peut être piloté à distance par un opérateur humain agréé, faisant de lui un dispositif hybride, à mi-chemin entre l’autonomie et la téléopération, et soulevant d’emblée des questions juridiques inédites.

Avec ses 1m68 pour 30 kilos, ses caméras, ses capteurs et son IA évolutive, Neo est conçu pour interagir au quotidien avec les habitants du foyer. Il apprend en conditions réelles, adapte ses comportements, collecte des données en continu. Des capacités prometteuses, mais qui interrogent : jusqu’où peut-on confier sa vie domestique à un robot connecté ? Quelles limites poser à un robot présent dans toutes les pièces de la maison ? Comment protéger la vie privée et la sécurité des habitants face à un dispositif potentiellement intrusif ?

À l’approche de sa commercialisation grand public, prévue dans un premier temps aux États-Unis à partir de 2026, Neo soulève des questions essentielles sur la sécurité, la vie privée, la responsabilité et la régulation de l’intelligence artificielle. Car contrairement aux robots domestiques classiques, il n’est pas entièrement autonome. Un opérateur humain peut intervenir à distance, ce qui change radicalement la manière dont le droit doit envisager cette technologie. L’enjeu est clair : trouver le juste équilibre entre innovation et protection des utilisateurs.

Mais surtout, au-delà de ces enjeux, un cap majeur est en passe d’être franchi. Pour la première fois, un robot humanoïde domestique de cette envergure sera réellement accessible dans un futur proche, non plus en tant que prototype ou vitrine technologique, mais comme produit commercial. Neo n’est pas un concept imaginaire, il s’apprête à franchir le seuil de nos foyers, avec toutes les questions juridiques et pratiques que cela implique. Une avancée majeure, même si son tarif (20 000$  ou 499$ par mois) rappelle que cette révolution restera limitée à un public restreint, du moins pour l’instant. 

Un marché en effervescence mais un positionnement unique 

Si Neo suscite autant d’attention, c’est aussi parce qu’il s’inscrit dans un paysage où les robots humanoïdes se multiplient sans pour autant franchir le seuil des maisons. Tesla Bot, par exemple, promet lui aussi une polyvalence domestique, mais reste pour l’heure cantonné aux démonstrations sous contrôle et aux tâches préprogrammées, loin d’une utilisation réelle chez un particulier. Amazon Astro, de son côté, s’apparente davantage à une tablette motorisée sur roulettes qu’à un véritable humanoïde : un dispositif mobile de surveillance, certes connecté, mais dépourvu d’autonomie corporelle et de manipulation fine. 

Neo se distingue précisément sur ces deux points ne se limitant ni à un rôle de capteur sur pattes, ni à un prototype de laboratoire. Il combine présence physique, manipulation d’objets et téléopération, une configuration inédite, qui explique à la fois l’enthousiasme technologique et les inquiétudes juridiques qu’il suscite.

Des promesses séduisantes mais pas sans risques 

Les promesses de Neo sont séduisantes, mais dans la pratique, tout n’est pas sans danger. Imaginez un opérateur humain, à distance, qui confond deux commandes : le robot verse de l’eau sur le plan de travail au lieu d’arroser les plantes. Ou pire, un pirate parvient à accéder aux flux vidéo et audio du robot, observant la maison et ses habitants à leur insu. Même une simple panne logicielle pourrait bloquer Neo au milieu d’une tâche, provoquant chocs, chutes d’objets ou accidents domestiques.

Ces scénarios, qui paraissent tirés d’un film de science-fiction, ne sont pas hypothétiques, ils reflètent des risques documentés sur les systèmes de téléopération et les assistants intelligents. Le Wall Street Journal, dans son article « Inside Tesla Bot and Humanoid Robot Trials » (janvier 2025) rapporte que les prototypes de robot humanoïdes similaires ont montré que plus de 10% des interventions humaines à distance comportaient des erreurs de manipulation. Ces exemples illustrent que, derrière l’attrait d’un majordome robotisé, se cachent des enjeux concrets de sécurité, de vigilance et de responsabilité. 

Avant même d’envisager la question de la responsabilité, il faut comprendre que Neo repose sur un modèle qui transforme profondément la gestion des données et la protection de la vie privée.

Vie privée et donnée : un accès autorisé mais sensible 

La protection des données personnelles et de la vie privée apparaît comme l’un des points les plus sensibles. En tant que robot doté de caméras et de microphones, Neo collecte une quantité non négligeable d’informations sur son environnement et sur ses utilisateurs. Grâce à la téléopération, un tiers, l’opérateur,  peut littéralement « entrer » dans votre domicile par les yeux et les oreilles du robot : cuisine, salon, frigo… rien ne lui échappe, si l’autorisation a été donnée. Les sessions de contrôle ne se déclenchent en effet qu’après autorisation de l’utilisateur, et les oreilles du robot changent de couleur pour signaler qu’un opérateur a pris la main. 1X affirme également qu’il sera possible d’interdire certaines zones d’accès ou de flouter les visages afin de limiter les intrusions.

Reste cependant la question centrale : ces garde-fous sont-ils réellement suffisants ? Comment garantir que seules les zones autorisées restent accessibles ? Comment sécuriser les flux vidéo et audio transmis en temps réel ? D’un point de vue juridique le règlement général sur la protection des données (RGPD) impose des mesures fortes telles qu’une analyse d’impact obligatoire, un chiffrement systématique des flux audios et vidéo, une minimisation des données, une journalisation des accès, un consentement clair, ainsi qu’une traçabilité des sessions. Sans cela, la promesse d’un « assistant domestique intelligent » pourrait rapidement se transformer en surveillance permanente. Les recommandations de la CNIL (2025) insistent d’ailleurs sur la nécessité d’un chiffrement robuste, de logs détaillés et d’une information transparente sur les traitements. Ces exigences constituent le socle minimal pour un robot qui, comme Neo, est capable d’entrer au cœur de la vie privée. 

Au-delà du cadre européen, se pose la question du transfert des données vers les États-Unis. Un opérateur situé outre-Atlantique accède potentiellement à des images et sons provenant d’un domicile européen. Dans ce cas, des clauses contractuelles types (SCC) devront être mises en place, assorties de garanties supplémentaires imposées par la jurisprudence Schrems II (CJUE, 16 juillet 2020), afin d’assurer un niveau de protection « essentiellement équivalent » au standard européen. En somme, Neo promet de simplifier le quotidien, mais uniquement si ces protections minimales sont rigoureusement respectées.

IA en apprentissage : quelles limites pour Neo ?  

1X ne s’en cache pas : Neo n’est pas prêt à être autonome. Selon Joanna Stern du Wall Street Journal dans son article « I Tried the First Humanoid Home Robot. It Got Weird » (28 octobre 2025), Neo est majoritairement téléopéré, et certaines tâches simples prennent plusieurs minutes. Des sources tierces rapportent qu’il faut plus d’une minute pour qu’il récupère une bouteille d’eau dans un frigo et jusqu’à cinq minutes pour vider un lave-vaisselle. Cette lenteur n’est pas un bug, elle fait partie du processus. Les premières utilisations servent à entraîner l’IA en conditions réelles.

Ce « contrat social », comme le dit le PDG, Bernt Børnich, de 1X, a des limites. Neo ne pourra pas manipuler d’objets chauds, lourds ou tranchants. Les familles avec jeunes enfants ne seront pas éligibles au programme d’accès anticipé, et le site rappelle que les utilisateurs doivent rester « attentifs, notamment en présence de personnes vulnérables ».

Autrement dit, un robot domestique oui, mais pas un majordome entièrement fiable. Cette lenteur et ces restrictions illustrent combien la responsabilité et la sécurité restent des enjeux essentiels, même lorsque l’IA est encadrée.

Responsabilité civile et produits défectueux : un cadre juridique encore en construction 

Au-delà des risques liés au fonctionnement quotidien,  la responsabilité en cas de dommage pose un défi considérable. Si Neo, sous téléopération, provoque un accident comme abîmer un meuble ou blesser une personne, à qui en incombe la faute ? Le téléopérateur ? Le constructeur (1X) ? Le propriétaire ? Le droit français propose des régimes classiques : la responsabilité du fait des choses et celle des produits défectueux. Ainsi, l’opérateur à distance peut être tenu responsable s’il exerce un contrôle réel, tandis que 1X peut être engagée en cas de défaut technique (moteur, logiciel, problème de liaison). 

Mais ces cadres, conçus avant l’ère des machines mi-autonomes, mi-télécommandées, restent partiels. De plus, ces régimes s’appliquent de manière différente selon que la garde du robot est exercée par l’utilisateur ou par l’opérateur à distance, ce qui complexifie encore l’analyse. La situation se complique encore avec la dimension européenne. La directive sur la responsabilité de l’IA, qui aurait clarifié ces questions, a été abandonnée par la Commission européenne le 11 février 2025, laissant un vide juridique.

Cyberrisques : le contrôle technique sous haute surveillance 

La responsabilité civile n’est qu’une partie de l’équation. Les cyberrisques constituent un autre défi majeur. Neo n’est pas qu’un simple assistant domestique. Ses connexions réseau et ses flux de données en continu en font une cible potentielle pour des cyberattaques. Les scénarios de piratage rappellent que l’absence de protections techniques solides tels que  le  chiffrement, l’authentification et la reprise automatique, peut transformer le robot en une porte d’entrée pour des intrusions, mettant en danger la vie privée et la sécurité du foyer.

Sur le plan juridique, le RGPD impose déjà un socle d’obligations strictes. Le AI Act 2025 vient compléter ce cadre en imposant  supervision humaine, documentation technique et robustesse. Pour garantir transparence et traçabilité, l’instauration d’une « boîte noire » ou de logs d’opérations complets, apparaît indispensable afin de retracer à tout moment qui a donné quelle instruction.  

Malgré ces mesures, Neo évolue dans un espace où la moindre faille technique peut avoir des conséquences concrètes et immédiates. La cybersécurité devient ainsi un enjeu domestique, directement lié à la vie privée et à la sécurité physique des habitants.

IA et réglementation européenne : opportunités et zones grises 

Au-delà des cadres nationaux et techniques, la réglementation européenne tente de prendre le relais. Le AI Act européen impose des obligations particulièrement lourdes pour les systèmes d’IA « à haut risque » notamment en matière de documentation, de supervision humaine, de robustesse et de traçabilité. Neo, par sa capacité à interagir physiquement avec des humains est probablement concerné. Sa présence corporelle renforce encore les exigences de sécurité. Si Neo est catégorisé comme tel, 1X devra produire une documentation de conformité, enregistrer Neo dans la base européenne des IA à haut risque, et se soumettre à des audits réguliers afin de démontrer la sécurité et la traçabilité du robot.

L’abandon de la directive responsabilité,  qui visait à créer un régime harmonisé pour les dommages causés par l’IA, par la Commission complique néanmoins l’équation. Sans mécanisme harmonisé de réparation, les victimes devront s’appuyer sur les régimes traditionnels, ce qui peut rendre l’indemnisation plus difficile et incertaine. Le défi est donc double : encadrer techniquement Neo tout en adaptant le droit à des situations inédites.

En conclusion, Neo représente une avancée technologique considérable offrant la perspective d’un assistant domestique polyvalent, capable de soulager les tâches quotidiennes. Mais il ne s’agit pas simplement d’un gadget : il entre dans nos vies, nos foyers, et pose des questions fondamentales sur la vie privée, la responsabilité et la confiance. Le défi juridique ne consiste pas seulement à créer un cadre de régulation, mais à bâtir un équilibre crédible capable d’encourager l’innovation tout en protégeant les libertés individuelles. Si 1X veut que Neo soit plus qu’un simple robot « prometteur », elle doit convaincre sur la sécurité des données, la gouvernance des opérateurs, et les garanties de réparation. Après tout, même si Neo n’est pas une héroïne de roman à la Freida McFADDEN, il pourrait bien devenir la « femme de ménage » dont chacun redouterait de perdre le contrôle…

Sources :

  • https://www.usine-digitale.fr/article/robot-humanoide-neo-le-robot-domestique-de-la-start-up-1x-pourra-etre-controle-a-distance-par-un-humain.N2240550
  • https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/robotique-voici-neo-premier-robot-humanoide-domestique-peut-presque-tout-faire-chez-vous-430-euros-mois-126977/
  • https://www.1x.tech/neo
  • https://www.cnil.fr/fr/ia-finalisation-recommandations-developpement-des-systemes-ia
  • https://techcrunch.com/2025/03/21/1x-will-test-humanoid-robots-in-a-few-hundred-homes-in-2025/?utm_source=chatgpt.com
  • https://www.humanoidsdaily.com/feed/1x-ceo-details-neo-s-two-modes-and-defends-teleoperation-as-more-secure-than-a-cleaner?utm_source=chatgpt.com
Publié dans Internet / Numérique : Actualités, Notes d'actualité | Tag(s) : IA, robot

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